L’heure est venue d’annuler la dette extérieure de l’Amérique latine

27 mars 2020 par CELAG


Maintenant que le monde a adopté un ton plus humain et coopératif en matière économique face à la pandémie de Covid-19, nous demandons depuis le Centre stratégique latino-américain de géopolitique (CELAG) l’annulation de la dette extérieure souveraine des pays d’Amérique latine par le FMI ainsi que d’autres organisations multilatérales (BID, BM, CAF) et nous exhortons les créanciers privés internationaux à accepter un processus immédiat de restructuration de la dette qui envisage un moratoire immédiat de deux ans sans intérêt.



La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Elle a été créée en 1964, sous la pression des pays en voie de développement pour faire contrepoids au GATT. Depuis les années 1980, elle est progressivement rentrée dans le rang en se conformant de plus en plus à l’orientation dominante dans des institutions comme la Banque mondiale et le FMI.
Site web : http://www.unctad.org
prévoit une perte de recettes globale de 2 000 milliards de dollars en raison de cette crise. De son côté, l’Organisation internationale du Travail OIT
Organisation internationale du travail
Créée en 1919 par le traité de Versailles, l’Organisation internationale du travail (OIT, siège à Genève) est devenue, en 1946, la première institution spécialisée des Nations unies. L’OIT réunit les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, dans le but de recommander des normes internationales minimales et de rédiger des conventions internationales touchant le domaine du travail. L’OIT comprend une conférence générale annuelle, un conseil d’administration composé de 56 membres (28 représentants des gouvernements, 14 des employeurs et 14 des travailleurs) et le Bureau international du travail (BIT) qui assure le secrétariat de la conférence et du conseil. Le pouvoir du BIT (Bureau International du Travail) est très limité : il consiste à publier un rapport annuel et regroupe surtout des économistes et des statisticiens. Leurs rapports défendent depuis quelques années l’idée que le chômage provient d’un manque de croissance (de 5% dans les années 60 a 2% aujourd’hui), lui-même suscité par une baisse de la demande. Son remède est celui d’un consensus mondial sur un modèle vertueux de croissance économique, ainsi que sur des réflexions stratégiques au niveau national (du type hollandais par exemple). L’OIT affirme qu’il est naïf d’expliquer le chômage par le manque de flexibilité et que les changements technologiques n’impliquent pas une adaptation automatiquement par le bas en matière de salaires et de protection sociale.
estime que 25 millions d’emplois dans le monde sont menacés. D’autre part, les sorties de capitaux des pays émergents Pays émergents Les pays émergents désignent la vingtaine de pays en développement ayant accès aux marchés financiers et parmi lesquels se trouvent les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ils se caractérisent par un « accroissement significatif de leur revenu par habitant et, de ce fait, leur part dans le revenu mondial est en forte progression ». se poursuivent : le niveau record de 60 milliards de dollars a déjà atteint en moins de deux mois (Institut de la finance internationale). Face à tant de difficultés, l’annulation de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
extérieure est une action aussi juste que nécessaire. Cette mesure a déjà été prise dans d’autres moments de notre histoire marqués par de grandes catastrophes telles que des guerres, des maladies et des pandémies. Cette annulation serait l’occasion d’éviter que le poids de la dette ne devienne un obstacle de plus à ajouter au défi complexe que représentera de surmonter cet épisode social et économique si critique.

L’un des exemples les plus connus a été celui de l’Allemagne après qu’elle fut dévastée pendant la Seconde Guerre mondiale. Lors de la Conférence de Londres de 1953, il a été convenu d’annuler des montants substantiels de sa dette. Ce n’est pas le seul exemple de notre histoire la plus récente. Il existe de nombreux cas où la dette extérieure a déjà été annulée.

Personne ne peut douter que le moment est opportun pour mettre en place cette annulation si nous voulons affronter efficacement cette situation si difficile. Nous ne pouvons pas exiger des pays qu’ils mettent en place des politiques de santé publique efficaces pour faire face à la pandémie actuelle et, en même temps, prétendre qu’ils continuent à honorer leurs obligations Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
en matière de dette ; nous ne pouvons pas exiger d’eux qu’ils mettent en œuvre des politiques économiques qui compensent les dommages causés par cette catastrophe tout en leur demandant de continuer à rembourser leurs créanciers. Il est absolument incompatible de mettre en œuvre un plan de restructuration économique dans un avenir proche avec les niveaux actuels de la dette extérieure (celle-ci représente en moyenne 43,2 % du PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
en Amérique latine).

Comme cela a été fait avec la résolution approuvée le 10 septembre 2015 sur les Principes fondamentaux qui doivent guider les opérations de restructuration de la dette souveraine, nous devons maintenant franchir une nouvelle étape et, pour cette raison, nous demandons depuis le CELAG aux Nations unies de convoquer d’urgence une Assemblée générale pour discuter d’une résolution qui fournisse le cadre juridique international pour mener à bien cette stratégie efficace d’annulation de la dette extérieure de l’Amérique latine et pour promouvoir un processus de restructuration (avec un moratoire Moratoire Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.

Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
deux ans) vis-à-vis des créanciers privés.

Nous invitons également les autres organisations internationales à se joindre à cette initiative pour demander l’annulation de la dette.

Nous invitons les groupes de réflexion, les universités, les institutions religieuses, syndicales et patronales ainsi que les gouvernements à se joindre à cette demande.

Il ne s’agit pas seulement d’une question de solidarité, mais aussi d’efficacité.

  • Alfredo Serrano Mancilla, docteur en économie (Université Autonome de Barcelone), directeur du CELAG
  • Rafael Correa, Président de l’Équateur (2007-2017)
  • Álvaro García Linera, Vice-président de l’État plurinational de Bolivie pour la période 2006-2019
  • Gustavo Petro, Sénateur de la République de Colombie
  • Dilma Rousseff, Présidente du Brésil (2011-2016)
  • Marco Enríquez-Ominami, Homme politique et cinéaste chilien, co-fondateur du Groupe de Puebla.
  • Fernando Lugo, Président du Paraguay (2011-2012)
  • Jorge Taiana, Ancien Ministre des affaires étrangères de l’Argentine (2005-2010), Sénateur
  • Celso Amorim, Diplomate brésilien, Ministre des affaires étrangères et ministre de la Défense (2011-2014)
  • Ernesto Samper, Président de la Colombie (1994-1998), secrétaire général de l’Unasur (2014-2017)
  • Luis Guillermo Solis, Président du Costa Rica (2014-2018)
  • José Luis Rodríguez Zapatero, Président du gouvernement espagnol (2004-2011)
  • Óscar Daniel Jadue, maire de Recoleta (Chili)
  • Camila Vallejo Dowling, députée (Chili)
  • Juan Carlos Monedero, politologue (Espagne)
  • Mario Delgado, coordinateur du groupe parlementaire Morena (Mexique)


Traduit par Luis Alberto Reygada


Source : CELAG

CELAG

Centre stratégique latino-américain de géopolitique