La Contre-COP des peuples africains dénonce le système des COP et exige que la justice climatique pour le Sud global soit au centre de l’action climatique

12 novembre 2024 par La Via Campesina


Du 7 au 10 octobre, le Collectif Africain pour la Justice Climatique a organisé la première Contre-COP du Peuple Africain à Saly, au Sénégal. Plus d’une centaine de participant.e.s, venu.e.s de 21 pays, représentant des mouvements sociaux, des communautés de base, des femmes, des jeunes, des organisations de la société civile, des universitaires, des travailleur.e.s et d’autres, ont pris part à l’événement.



De nombreuses voix africaines – exclues de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques – ont été captées et légitimées lors de ce rassemblement. C’était « un moment pour dénoncer le système des COP, souligner les impacts du changement climatique sur les communautés africaines et présenter des solutions alternatives viables », comme le souligne leur déclaration (à lire ci-dessous).

L’événement a offert aux délégué.e.s un espace fructueux pour discuter, élaborer des stratégies et proposer des actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
concrètes pouvant conduire à des solutions climatiques justes à travers l’Afrique. Divers thèmes ont été abordés au cours de la conférence, de la souveraineté alimentaire à la lutte contre les fausses solutions climatiques, en passant par les impacts sur l’environnement et les communautés locales de pêcheur.e.s.

Evelyne Awuor, de la Kenyan Peasants League (KPL), membre de La Via Campesina (LVC) SEAf du Kenya, a assisté à la conférence et était heureuse de partager des histoires de communautés où les agricultrices ne sont pas invitées aux réunions. « J’ai veillé à être présente et à partager leur message, occupant ainsi avec force des espaces dans lesquels elles étaient exclues », conclut-elle.

L’APCC est devenue une plateforme pour faire la chronique de la résilience et de la survie des communautés en Afrique et une excellente occasion d’échanger des idées et des rêves d’un meilleur avenir pour tou.te.s !

Lisez ci-dessous leur déclaration complète, rédigée à l’issue de la réunion :

L’Afrique unie contre l’oppression systématique et l’injustice climatique : Déclaration des peuples africains pour la justice climatique

Du 7 au 10 octobre 2024, le Collectif africain pour la justice climatique a organisé la première Conférence des peuples africains pour la justice climatique (APCC) en présentiel à Saly, au Sénégal. Plus d’une centaine de participantes issus de mouvements sociaux, de communautés de base, de femmes, de jeunes, d’organisations de la société civile, d’universitaires, de travailleurs et d’autres personnes de 21 pays y ont pris part.

L’APCC reconnaît que les voix africaines ont été largement exclues de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, captée par les États et les entreprises du Nord, qui continuent d’alimenter les crises climatiques tout en prétendant faussement résoudre les causes du changement climatique. L’APCC constitue donc un moment pour dénoncer le système des COP, souligner les impacts du changement climatique sur les communautés africaines et présenter des solutions alternatives viables. Cela se fait par le partage des connaissances et l’activisme des communautés africaines les plus vulnérables en première ligne de la crise climatique, en particulier les femmes, les jeunes, les militantes et les OSC.

L’APCC a créé un espace où les voix des communautés de base et des militantes ont été entendues et saluées, contrairement à la COP, où ces voix sont marginalisées. Les déléguées ont partagé leurs récits sur les impacts du changement climatique : sécheresses, inondations, érosion, mauvaises récoltes, cyclones, élévation du niveau de la mer, tempêtes de poussière et menaces pour les écosystèmes marins et terrestres, aggravées par l’accaparement des ressources et des terres, ainsi que par les conflits induits par le climat. Ces événements ont entraîné des déplacements, des pertes de moyens de subsistance, des pertes et dommages connexes, des victimisations, des arrestations, du harcèlement et même la mort de membres de la communauté et de militantes qui défendent leurs territoires.

En raison du rétrécissement des espaces civiques dans de nombreux pays, la plateforme APCC est devenue un lieu pour faire la chronique de la résilience et de la survie des communautés, ainsi que de la manière dont la géopolitique a affecté la capacité de l’Afrique à répondre aux impacts du changement climatique. Plusieurs thèmes ont été abordés.

  1. Souveraineté alimentaire : La nécessité de renforcer les pratiques agroécologiques, la gestion communautaire des forêts et des terres, le pastoralisme et les pratiques de pêche locale, en particulier pour les femmes, qui constituent la majorité des personnes dans les zones rurales.
  2. Transitions justes : Une interrogation sur les considérations relatives au travail dans la souveraineté énergétique, l’élimination rapide, juste et équitable des combustibles fossiles, et le changement de système à mesure que nous évoluons vers l’adoption des énergies renouvelables et l’industrialisation verte pour le continent africain.
  3. Systèmes zéro déchet : Une opportunité pour les gouvernements africains d’intégrer des pratiques de gestion décentralisée des déchets afin de réduire les émissions de méthane.
  4. Financement climatique : L’accent est mis sur l’architecture financière nécessaire à la transition juste, à l’adaptation, à l’atténuation et au fonds pour les pertes et dommages, avec un appel à garantir que les communautés les plus vulnérables touchées par le changement climatique aient accès à ces fonds.

À l’approche de la COP29 qui se tiendra à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre 2024, les peuples africains se mobilisent pour défendre leur droit à un environnement sûr, propice à la croissance et au progrès, même face à la dévastation climatique, environnementale, sociale et économique aggravée par l’architecture néolibérale soutenue par les pays du Nord.

La région de Saint-Louis et la Langue de Barbarie au Sénégal illustrent bien ces défis environnementaux dramatiques : élévation du niveau de la mer, érosion côtière, inondations et salinisation des terres agricoles. Le projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), mené par des sociétés transnationales (STN), BP et Kosmos Energy, doit exploiter l’un des plus grands gisements de gaz naturel d’Afrique de l’Ouest, situé à la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie. Bien que ce projet soit présenté comme un vecteur de développement économique, il constitue en réalité une menace sérieuse pour les communautés locales, en particulier pour les pêcheurs artisanaux de Saint-Louis.

La pêche artisanale, pilier de l’économie locale, fait vivre des milliers de familles et contribue à la souveraineté alimentaire des femmes, des populations autochtones et de leurs communautés. Cependant, l’exploitation du gaz dans les eaux menace directement ces communautés de pêcheurs et la région dans son ensemble. Les zones de pêche traditionnelles sont désormais interdites, et la pollution croissante due aux forages et aux opérations sismiques compromet gravement la santé des écosystèmes marins. Les eaux, la biodiversité et le patrimoine naturel sont détruits au profit de quelques-uns.

En réponse aux présentations faites, les participants à l’APCC 2024 ont conclu que la crise climatique en Afrique est transversale et ont réaffirmé que les Africains ont contribué de manière minime aux émissions responsables du réchauffement climatique. Cependant, en raison de capacités limitées d’adaptation et d’atténuation du changement climatique, nous, Africains, sommes confrontés à la majorité des défis causés par la crise climatique qui ravage le continent aujourd’hui.

Pour démanteler le pouvoir d’exploitation et l’impunité, les peuples africains affirment leur pouvoir de reléguer les faux récits en promouvant des solutions africaines à travers les déclarations suivantes, en opposition aux impositions du marché et du Nord global lors de la prochaine COP29 à Bakou.

En tant que peuples d’Afrique, nous déclarons :

En conclusion, la Contre-COP des peuples africains est organisée en réponse à la cooptation de la COP par le capitalisme et le Nord global, qui perpétuent les injustices à l’origine de la crise climatique. Par conséquent, nous, du Sud global, et les Africains en particulier, devons entreprendre des actions qui remédient aux crises climatiques de manière juste et holistique.


Source : Via Campesina

Traduction(s)