La réduction de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
extérieure que la République Argentine a obtenue au début de l’année 2005 a été qualifiée de succès historique. Les arguments dans ce sens ne manquaient pas. La dette atteignait au 31 décembre 2004 un volume plus que significatif, de l’ordre de 191,3 milliards de dollars, soit 134% du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
national. Sur ce total, 81,8 milliards étaient en défaut de paiement depuis 38 mois.
La crise de 2001-2002 et l’obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
d’ajustement qu’elle a imposée aux gouvernements provisoires qui se sont succédé, ont créé les conditions pour la reconstitution du taux de profit des patrons et des capitalistes, tandis que l’administration du président Nestor Kirchner, issue des urnes, a mis en place les conditions pour que ces taux de profits deviennent effectifs.
C’est ainsi que s’est amorcé un cycle d’expansion de l’économie, qui dure depuis six ans déjà. On a dépassé la période de redressement pour entrer dans une phase de croissance avec des taux de l’ordre de 8 à 9% par an.
Un rapide aperçu des conditions du nouvel endettement et de son évolution jusqu’à aujourd’hui peut s’avérer très utile pour des gouvernements qui, à l’instar de l’Equateur, remettent actuellement en cause le paiement de leur propre dette.
Dette Externe
De récents rapports officiels montrent que la dette externe (publique et privée) s’élevait à 127,3 milliards de dollars au 31 mars 2008 alors qu’elle était de 112,0 milliards de dollars un an auparavant. La dette a donc augmenté de 15,2 milliards de dollars, soit 13,6 %, au cours des douze derniers mois.
De ce total, 71,4 milliards de dollars sont à charge de l’Etat. Ce montant tient compte du fait que la totalité de la dette à l’égard du FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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[1] a été remboursée de façon anticipée et sans aucune nécessité, et que il n’inclut pas les sommes dues aux détenteurs de bons qui ont refusé la réduction, soit environ 30,3 milliards de dollars aujourd’hui.
Il est important d’observer l’évolution de la dette externe sur cette dernière période. Il faut souligner qu’au cours de celle-ci la dette externe privée a augmenté davantage que celle du secteur public.
Dette Publique Totale
Pour estimer le montant total de l’endettement de l’Etat, il faut considérer la dette publique totale, qui comprend la part externe – les dettes à l’égard des organismes financiers internationaux (BM
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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, BID), les dettes bilatérales contractées auprès d’autres pays (Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
), les dettes commerciales et les bons d’Etat – et la part interne – les bons placés dans des banques et d’autres institutions (ANSES, AFJP et Loterie Nationale).
En mars 2008, la dette publique totale s’élevait à 144,5 milliards de dollars. Ce chiffre comprend les 6,8 milliards dus au Club de Paris mais n’inclut pas les 30,3 milliards dus aux créanciers qui se sont opposés à la réduction. Ainsi, la dette publique totale de l’Etat atteindrait en fait 174,8 milliards de dollars au 30 mars dernier.
Pourquoi la dette augmente-t-elle ?
La restructuration de la dette a été considérée comme un succès par le Gouvernement car elle impliquait un allègement significatif, elle a été conclue à un moment où les taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
internationaux étaient exceptionnellement bas, enfin les délais de paiement ont été allongés, certaines échéances portant sur 45 ans.
A l’inverse, les créanciers ne se sont pas montrés satisfaits car ils considéraient la réduction de la dette de 65 % excessive et préjudiciable à leurs intérêts. Cette remise de dette est la plus importante obtenue par un pays en défaut de paiement, supérieure à celle obtenue par la Russie par exemple. Cependant, 76 % de ces mêmes créanciers ont répondu massivement et positivement en faveur de la réduction.
Quelle en est la raison ? Pour rendre attractifs les nouveaux bons, les négociateurs argentins ont inclus des clauses très favorables aux créanciers, qui constituent une sorte d’ajustement automatique de la dette. [2]
Ces clauses sont en grande partie responsables du nouvel endettement du pays. D’abord, plus de 40 % de la dette est constituée de bons émis en pesos qui rapportent un taux d’intérêt fixe de 2 % par an, mais le capital s’ajuste au CER (un coefficient calculé avec le taux d’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. ). Cet ajustement implique que pour chaque point d’inflation, la dette augmente d’environ 600 millions de dollars. Si l’inflation officielle attendue pour l’année 2008 est en effet de l’ordre de 8 %, l’augmentation de la dette avoisinerait les 4,8 milliards de dollars annuels. [3]
Ensuite, les coupons de nombreux bons émis en monnaie étrangère sont liés à la croissance du PIB. C’est un élément important dans le calcul des intérêts puisque l’Argentine connaît une croissance supérieure à 8 % par an. On estime que cette clause entraîne des paiements d’intérêts additionnels de l’ordre de 1,2 milliards annuels.
Enfin, comme 20% de la dette est émise en euros et en yens, des monnaies qui s’apprécient face au dollar, et que le peso argentin est ancré sur le dollar et se dévalorise, il y a un ajustement technique dû à la différence de change qui se répercute également sur l’augmentation de la dette.
On paie et la dette continue d’augmenter
L’Argentine paie ponctuellement les intérêts échus et a même procédé au remboursement du capital dû, mais lorsque qu’elle n’est pas en mesure de le faire car cela dépasse le montant de l’excédent fiscal prévu à cet effet - soit 2 % du PIB -, les intérêts non payés sont capitalisés et les remboursements de capital sont rééchelonnés. La dette continue ainsi à augmenter.
Pour donner une approximation de la dette publique totale, aux 174,8 milliards de dollars devraient s’ajouter les 4,8 milliards issus de l’ajustement au CER et de la part des intérêts impayables. La dette totale attendrait alors pas moins de 180 milliards de dollars.
En 2001, avant la crise, la relation dette/PIB était de 54 % ; en 2004 elle atteint 130 %, et actuellement (sans comptabiliser la dette qui n’a pas été restructurée) ce ratio s’élève à 56 %. Durant les cinq dernières années, l’économie a connu une croissance supérieure à celle de la dette, mais au cours des douze derniers mois il semble que cette relation s’est inversée, et que la dette croît davantage que le PIB ; par conséquent, le ratio dette/PIB va lui aussi commencer à augmenter.
Le coût du financement augmente
Avec la crise des sub-prime aux États-Unis et son impact sur l’économie mondiale, on a communément tiré une première grande conclusion : la période de grande liquidité
Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
est terminée et le coût du financement pour les pays dits « émergents » va augmenter. [4]
L’Argentine rencontre à l’heure actuelle de sérieuses difficultés pour obtenir des financements internationaux. Bien que toutes ses variables macroéconomiques soient positives, elle doit systématiquement faire appel au Venezuela pour refinancer sa dette, à des taux d’intérêts toujours croissants.
Elle l’a fait à 19 reprises pour un montant de 6.340 millions de dollars. Le premier refinancement, en juin 2005, portait sur un montant de 100 millions à un taux de 9,52 % ; le dernier portait sur 1000 millions de dollars à 12,94 % par an, soit presque le double du taux de 7,39 % obtenu en octobre 2006 pour une montant de 300 millions.
Ainsi, après une période de grâce issue de la « négociation la plus réussie de l’histoire », comme ce fut le cas avec le Plan Brady et le Magacanje, la dette publique argentine revient au centre des problèmes de l’économie argentine.
Au cours des 4 prochaines années, les remboursements s’élèveront à 52 milliards de dollars. Le Gouvernement a donc décidé d’élever l’excédent fiscal à 4 % afin de faire face au paiement des intérêts qui se portent à 4 milliards par an, et aux amortissements du capital, environ 12 milliards par an.
Pour atteindre un excédent fiscal supérieur, le gouvernement a augmenté les taxes à l’exportation de céréales et d’oléagineux – également pour découpler les prix internes des prix internationaux dans le cadre de la crise alimentaire mondiale actuelle –, provoquant une révolte des producteurs agricoles et une crise politique d’une ampleur jamais vue depuis les journées de 2001-2002. Quel que soit le résultat de cette crise, les conséquences politiques auxquelles devra faire face le gouvernement seront considérables. [5]
Si l’on peut tirer une conclusion de l’expérience argentine, c’est que, tout aussi remarquable que puisse être la négociation de la dette, celle-ci ne résout pas définitivement le problème de l’endettement. La dette conduit à des crises politiques et devient un frein pour le développement national. Il n’y a pas d’alternatives possibles. La seule solution efficace est le non paiement des dettes de nos pays.
Traduit par Cécile Lamarque et Stéphanie Jacquemont
[1] Après la sortie du défaut partiel (début 2005), le Gouvernement argentin a remboursé de façon anticipée à la fin de cette même année la totalité de la dette à l’égard du FMI, soit 9.810 millions de dollars. Il a ainsi suivi la voie déjà choisie par la Russie, le Brésil, l’Indonésie et partiellement par la Turquie. Avec l’Argentine, ces pays étaient les plus importants débiteurs du Fonds. La stratégie officielle de désendettement partait de l’idée qu’avec ce paiement le pays achetait son indépendance à l’égard du Fonds. Cependant, les obstacles que met ce dernier pour aboutir aux accords avec le Club de Paris par exemple, témoignent du contraire.
[2] Voir mon article “Deuda pública con ajuste automático” sur le site du CADTM et sur www.puntodevistainternacional.
[3] C’est pour cette raison que le gouvernement a fait intervenir l’Institut National de Statistiques et de Recensement (INDEC) afin de contrôler les indices de prix. Des calculs non officiels évaluent l’inflation réelle pour toute l’année 2008 entre 20 et 25 %. Si on appliquait ces coefficients pour calculer le CER, la dette émise en pesos se porterait au double ou triple de l’actuelle.
[4] Voir mon article “La crisis internacional y la deuda argentina”, sur le site du CADTM et sur www.puntodevistainternacional.
[5] Voir mon article “La renta agraria otra vez en el centro de la política” et la déclaration “Conflicto agrario : Otro camino para superar la crisis” sur le site www.puntodevistainternacional.org.
Argentine
La nécessité d’un large Front de Résistance pour affronter le gouvernement d’ultra-droite17 mai, par Eduardo Lucita
5 octobre 2020, par Eduardo Lucita
31 juillet 2017, par Claudio Katz , Eduardo Lucita , Franck Gaudichaud
28 avril 2016, par Eduardo Lucita
7 janvier 2013, par Eduardo Lucita
8 septembre 2011, par Eduardo Lucita
Argentine. Considérations sur l’échange de dette et ses implications
Les banquiers se réjouissent. Le pays s’endette. Est-il devenu progressiste de payer la dette ?27 juin 2010, par Claudio Katz , Julio C. Gambina , Eduardo Lucita , Jorge Marchini , Alejandro Olmos Gaona , Guillermo Almeyra , Guillermo Gigliani , José Castillo , Alberto Teszkiewicz