I.Historique : origine du Congo
Le 15 novembre 1884, quatorze Etats sont réunis à la Conférence de Berlin pour résoudre les difficultés et régler les différends survenus dans le bassin du Congo.
Léopold II participa à cette réunion non seulement en tant que roi des belges mais surtout en sa qualité de représentant de « l’association internationale du Congo » qu’il avait crée en 1879 en remplacement du « comité d’étude » institué par lui un an auparavant.
Après trois mois de travaux, la Conférence africaine de Berlin reconnaît le 23 février 1885 l’Etat indépendant du Congo (EIC) à la seule condition que ce nouvel Etat prenne l’engagement d’ouvrir le bassin du Congo au trafic commercial de tous les ressortissants des Etats signataires
L’application de cette condition fut paralysée par deux décrets qui devraient avoir de profondes conséquences au Congo
Le Premier décret paru en 1889 stipulait que « les terres vacantes » appartiennent à l’Etat
Le Second décret paru en 1891 réservait à l’Etat la propriété exclusive des produits de ces terres.
Or les seuls produits importants jusqu’alors connus au Congo et qui pourraient attirer les commerçants européens étaient l’ivoire et le caoutchouc
Comme le décret de 1891 avait établi la propriété exclusive de ces deux biens au profit de l’Etat, les indigènes ne pourraient plus sous peine de commettre un délit, vendre de l’ivoire ou du caoutchouc.
Cette véritable spoliation qui relégua les congolais alors peuple semi nomade et qui pratiquaient l’agriculture extensive dans les seules terres entourant directement leurs villages devait priver la population de son principal moyen de subsistance à savoir l’agriculture.
Puisque ne pouvant commercialiser ni l’ivoire, ni le caoutchouc, les congolais se virent démunis de toute valeur d’échange.
Après l’esclavagisme, ce séisme social et économique et les exactions incroyables qui l’accompagnèrent furent l’un des pages les plus sombres de l’histoire du Congo.
La nouvelle structure économique introduite fut conçue dans la seule optique d’une exploitation intensive et directement rentable des richesses du Congo.
Suite aux prospections de Cornet au Katanga, toutes les activités de l’EIC et par la suite du Congo belge fut axée sur l’exploitation minière au détriment de l’agriculture.
Conclusion
Les deux faits importants dans l’histoire économique du Congo, à savoir d’une part le monopole de l’ivoire et du caoutchouc et d’autre part l’exploitation minière eurent de fâcheuses conséquences sur l’équilibre économique de ce pays.
Le premier déposséda, sans solution de rechange, les indigènes de leurs terres coutumières et le second dépeupla les centres ruraux de sa classe active par l’intensification du recrutement de la main d’œuvre pour les autres secteurs.
Imposant aux congolais un mode de travail épuisant auquel ils n’étaient pas habitués
Il est important de souligner que c’était le début de l’introduction de la notion de « propriété privée ».
II.Organisation économique du Congo sur le plan interne et externe
Léopold II se trouva devant deux difficultés majeures :
Les réticences de la Belgique à s’engager au Congo, considérant que c’était une activité privée du roi Léopold II (le Congo n’ayant pas encore livré le secret de toutes ses richesses)
La campagne de presse déclenchée en Angleterre (par Cecil Rhodes), premier ministre de la colonie britannique du Cap, qui rêvait de coloniser les régions de l’Afrique situées au nord de la colonie du Gap et du Transvaal.
L’exploitation de sous-continent grand comme 80 fois la Belgique nécessitait de grands capitaux.
Léopold II créa la première société congolaise par actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
« La compagnie du Congo pour le commerce et l’industrie » (CCCI) au capital d’un million qui deviendra plus tard en 1928 un énorme holding contrôlé par la Société Générale de Belgique, fer de lance de l’économie congolaise, tant sur le plan interne que sur le plan international.
Cette période fut caractérisée par des difficultés financières de Léopold II.
La découverte du Katanga allait mettre fin aux difficultés financières de Léopold II et « l’aventure congolaise » allait donner raison aux ambitions du souverain et à celles de l’homme d’affaires.
Le Congo allait être au centre des intérêts des puissances d’alors.
C’est ainsi qu’en 1891, la CCCI créa la Compagnie à Charte du Katanga.
Le Comité spécial du Katanga (CSK) allait permettre l’entrée des anglais au Congo (le CSK sera à l’origine des gendarmes katangais qui feront parler d’eux lors de l’indépendance du Congo) et disposait d’une force publique pour maintenir l’ordre, percevoir les impôts, les taxes et les redevances minières, etc
Le CSK et la SGB (Société Générale de Belgique) et les partenaires britanniques (et tout spécialement le Tanganyika Concessions Ltd) constituent le pivot économique du trust géant couvrant la totalité du territoire de l’Afrique australe et centrale le plus riche du monde. Au sein de ce trust international, le haut plateau katangais est la pierre angulaire.
L’œuvre fondamentale du CSK fut la création en 1906 de l’Union Minière du Haut Katanga (ancêtre de la Gécamines).
L’Union minière était à la première place dans la production du cobalt, la troisième dans la production du cuivre et la troisième également dans la production des métaux (utilisés dans les recherches électroniques et nucléaires (lithium, uranium,...)
Sur le plan de l’organisation, nous noterons que le Congo belge était constitué de 8 structures économiques et sociales co-existant mais qui ne se rencontrent pas.
Définition : les parastaux étaient les institutions à intérêt mixte (association du secteur privé et de l’Etat) chargées soit d’assurer un service public, soit d’activités sociales diverses.
Ces institutions paraétatiques furent crées dans les années 40. Elles devaient parachever la structure économique du Congo belge, spécialement caractérisée par l’enchevêtrement et la concentration des secteurs public et privé.
L’apport du Congo belge dans ces institutions se faisait sous forme de participation au capital de dotation ou de prêts. D’autres parastataux étaient porteurs de titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
publique de l’ancien Congo belge.
C’est ainsi qu’une partie importante de portefeuille du Congo et constitué de la participation de ce dernier dans les institutions parastatales et celles-ci avaient acquis des biens surtout des immeubles et s’étaient constitué de substantiels comptes en banque auprès de la Trésorerie du Congo centralisée à Bruxelles.
Le transfert de ces parastataux, de leur direction, leurs avoirs et leurs archives à la République du Congo devait s’effectuer automatiquement après l’Indépendance mais hélas le législateur belge a eu soin de stipuler dans l’article 2 de la loi fondamentale du 19 mai 1960 « que la législation coloniale resterait en vigueur jusqu’à son abrogation expresse ».
Les institutions parastatales constitueront un des problèmes les plus obscurs du contentieux belgo congolais.
Il est important d’analyser le plan décennal, le budget extraordinaire et la dette publique parce qu’il existe une corrélation entre les trois sujets.
Le plan décennal étant d’une part, le cadre dans lequel s’inscrivaient les budgets extraordinaires successifs et d’autre part, la cause et la justification de l’augmentation de la dette publique.
C’est pourquoi j’attire l’attention du public sur le fait que pour des raisons énoncées plus haut, j’estime qu’il est plus pragmatique d’étudier les causes de l’endettement du Congo à partir de 1950, date qui coïncide avec le début du plan décennal.
a) Les budgets ordinaires
Tableau comparatif entre les prévisions des dépenses budgétaires des deux exercices de 1958-1959
Les prévisions de dépenses de l’exercice 1959 accusaient comme on le voit une augmentation de 2,33 milliards sur celles de l’exercice de 1958, soit plus de 18%.
En 1959, les avoirs du Fonds d’Egalisation des Budgets qu’auraient les budgets ordinaires de la colonie étaient estimés à 8,4 milliards et représentait 19% de la totalité de la dette publique.
Les dispositions légales relatives à la création de ce fonds prévoyaient que tout prélèvement sur les avoirs du Fonds spécial devait être compensé par des moyens effectifs de paiement (la trésorerie a joué son rôle réel - voir composition du Fonds)
Mais en cette même année 1959, la Trésorerie du Congo belge était complètement épuisée et vide, les 8,4 milliards du Fonds d’Egalisation des Budgets n’avaient en conséquence plus de contre valeur et partant d’existence réelle.
Ces 8,4 milliards doivent de ce fait être ajoutés au montant de la dette publique dans l’évaluation des sommes énormes que le Congo belge a du débourser pour la réalisation du plan décennal.
b) Les budgets extraordinaires
Les budgets extraordinaires furent donc conçus et exécutés dans le cadre du plan décennal de développement.
Leur financement fut principalement assuré par l’emprunt et subsidiairement par des crédits spéciaux et des recettes extraordinaires.
Tableau en millions de francs
I. Crédits alloués | 1.680 | 1.775 | 1.714 |
- totaux au 31/12/59 des dépenses engagées | 1.658 | 1.475 | 649 |
- pourcentage par rapport aux crédits alloués | 99% | 83% | 38% |
II. Dépenses effectivement liquidées au 31/12/59 | 1.517 | 1.383 | 396 |
- pourcentage par rapport aux crédits alloués | 90% | 78% | 23% |
On remarque en voyant ce tableau que l’exécution du budget extraordinaire, conformément aux prévisions était en nette régression à partir de 1957.
En 1959, la date de clôture de l’exercice en cours était prévue pour le 31/12/1961
mais déjà au 31/12/1959 les dépenses liquidées ne représentaient plus que 23% des crédits alloués ce qui explique par les déficits successifs des budgets ordinaires, l’épuisement complet de la Trésorerie et enfin la super saturation de l’endettement public. On s’acheminait rapidement vers la faillite.
Même observation sur les recettes (régression)
Le plan décennal
Les architectes du plan décennal avaient évalué à 25,5 milliards le montant total pour le programme de développement.
Plusieurs amendements furent par la suite apportés à ce dernier.
En 1954, tout le plan fut révisé et l’estimation fut portée à 48 milliards.
On remarque au 4 que les prévisions du Plan révisés en 1954 furent dépassées en 1959, passant de 48.076 millions à 50.981 millions
Quant aux dépenses en comparant, on constate que 85,6% des prévisions totales du Plan, révisé en 1954, furent exécutés en 1959.
Ces 85,6% représentaient donc 43.656 millions de francs.
Conclusion
C’est ainsi que les dix dernières années de la colonisation, le Congo déboursa plus de 64 milliards de francs pour financer un plan de « développement » dont les résultats furent les suivants :
augmentation démesurée de l’endettement public : la dette publique passant en moins de 10 ans de 3,7 milliards à 47 milliards
une succession de budgets ordinaires déficitaires depuis 1957.
une inflation
Inflation
Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.
la faillite de la Trésorerie
la dépréciation
Dépréciation
Dans un régime de taux de changes flottants, une dépréciation consiste en une diminution de la valeur de la monnaie nationale par rapport aux autres monnaies due à une contraction de la demande par les marchés de cette monnaie nationale.
de la monnaie représentant une perte de 90%
la fuite massive de capitaux vers la Belgique
Concernant le 5e point, l’analyse laisse à penser que la fuite de capitaux était organisée.
La dette publique
Il est important de distinguer
la dette directe : comprend les emprunts et les engagements directs de la colonie
la dette indirecte : groupe les obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
de garantie contractées par la
colonie pour le compte des sociétés coloniales et les emprunts de l’Etat
indépendant du Congo sont devenues des dettes directes non garanties
Garanties
Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome).
, libellées en francs belges.
Dans la dette directe, on dénombre des dettes coloniales garanties, regroupant la dette garantie consolidée et la dette garantie flottante.
On retrouve les deux catégories de dettes dans les dettes coloniales non Garanties.
C’est à partir de cette classification que l’on appréhende les différents emprunts et leurs affectations respectives.
Emprunts et engagements du Congo belge
1. Emprunts directs :
Au 30 juin 1960, jour de l’Indépendance du Congo, la dette directe s’élève à un total de 46 054 815 057 francs.
Dont - 34 195 672 991 de dette consolidée
En dollars de l’époque, ce montant de 46 milliards représentait 921 096 301,44 (dans ce total on trouvait aussi quelques dettes de l’époque de Léopold II.
la BIRD fera en mars 1965, une réévaluation de la dette congolaise à la hausse de 46,2 millions de francs belges
Au total sur 101 019 314 000 francs (en francs constants de 1959) investis dans les colonies belges de 1887 à 1959 (dont près de 90% au Congo), 48 087 679 00 francs (en francs constants de 1959) l’ont été entre 1945 et 1959.
Or, la somme provenant des emprunts n’en constitue même pas le quart du volume global.
a)La dette garantie consolidée
Elle se composait d’emprunts auprès de la BIRD, d’emprunts suisses et d’emprunts auprès de la Banque américaine Morgan et de certains emprunts en francs congolais affectés au financement de certaines dépenses extraordinaires de la colonie.
b)Les emprunts de l’Etat colonial (dettes non garanties)
Ils ont servis à couvrir les dépenses extraordinaires du budget de 1958. L’ensemble des emprunts non garantis du Congo représentait 35 671 435 500 FB dont 24 569 965 327 de dette consolidée et 11 101 649 108,5 de dette flottante.
2. Le Portefeuille du Congo
Définition : le Portefeuille est l’ensemble des actions et droits que le Congo a acquis pendant 75 ans dans des nombreuses sociétés et organismes qui se sont établis sur son territoire pour y exploiter les richesses de son sol et de son sous-sol et les participations qu’il a engagées dans plusieurs organismes paraétatiques d’utilité publique et de bien être social.
Les différentes estimations situaient la valeur du Portefeuille entre 37,3 et 40 milliards de francs (estimation fondée sur une capitalisation de 5% d’intérêt annuel)
A la veille de l’indépendance, ce Portefeuille était devenu l’enjeu majeur des autorités belges car ce dernier revenait de plein droit à l’Etat congolais indépendant au 30 juin 1960.
Les autorités belges avaient commencé par dissoudre les « trois organismes de pouvoir concédant » à savoir :
- le Comité national du Kivu
- le compagnie de chemin de fer (CFL)
- le Comité spécial du Katanga
La dissolution de ces trois organismes fit l’objet de 3 conventions signées par les représentants de la colonie et ceux du secteur privé (les deux signataires étaient belges, le principal intéressé, le Congo était absent dans les conventions)
et complété par le décret royal du 26 juin 1960 en urgence.
Pour garder le contrôle du Portefeuille, les autorités belges et le secteur privé s’associèrent à un Comité de gestion belgo congolaise de ce Portefeuille.
Privé pendant ce temps de ce levier de commande qu’était le Portefeuille, le Congo politiquement indépendant resterait sous tutelle économique et financière belge.
Les accords Adoula-Spaak signés le 24 mars 1964 consacre le principe de la dévolution sans conditions du Portefeuille à son propriétaire, la République du Congo
Le premier ministre Tshombé va sceller le sort de ce Portefeuille par de nouvelles négociations
Conclusion
L’indépendance et l’avenir économique et financier sont étroitement liés au sort qu’on va réserver à ce portefeuille.
Je n’ai pas pu mettre à jour des dettes du Congo pendant la période 1960-1965 car à cause de l’instabilité le Congo n’a pas pu emprunter.