21 novembre 2024 par Maxime Perriot

Photo : Faces Of The World, CC, Flickr, https://www.flickr.com/photos/faces-of-the-world/51419852660
Emmanuel Macron affirme que les « Haïtiens sont complètement cons », qu’ « ils ont tué Haïti », en référence à la décision du conseil présidentiel de transition haïtien de mettre fin au mandat de Premier ministre de Garry Conille ; Le Président français manque sans doute de culture historique, sans quoi il n’aurait jamais pu affirmer cela.
Emmanuel Macron n’est sans doute pas au courant qu’Haïti est une ancienne colonie française, qui a pris son indépendance en 1804, suite à une révolte d’esclaves contre les colons français. Haïti fut l’un des premiers peuples colonisés de la planète à devenir indépendants. Une vingtaine d’années plus tard, en 1825, Charles X, roi de France, envoie une flotte pour reprendre le contrôle d’Haïti. Pour éviter la guerre et une nouvelle domination coloniale, les Haïtiennes se voient imposer une dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
de 150 millions de francs, une somme absolument gigantesque, équivalente à 10 années de recette fiscale.
Pendant des décennies – et plus d’un siècle en tout – Haïti a remboursé cette rançon de l’indépendance, s’endettant encore et encore pour rembourser les échéances, payant donc de nouveaux intérêts et ainsi de suite. Pendant ce temps-là, l’État manquait d’argent pour investir dans le développement autonome du pays et s’est retrouvé sous la dépendance de créanciers qui imposaient des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
faramineux et des conditionnalités
Conditionnalités
Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt.
politiques néolibérales.
Si Haïti est dans la situation chaotique dans laquelle elle est aujourd’hui, c’est à cause du colonialisme, de l’impérialisme occidental. À cause du colonialisme français qui s’est matérialisé sous forme d’une dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
qui a littéralement empêché Haïti de se développer. À cause de l’impérialisme étasunien qui a, par exemple, déployé 550 militaires dans le pays dans les années 2010 sans aucun résultat, bien au contraire. Rappelons que les États-Unis ont occupé Haïti de 1914 à 1935.
Alors qu’Haïti aurait besoin de réparation de la part de la France, d’annulation de sa dette qui est évidemment illégitime – la seule réponse donnée par l’Occident a été l’envoi de forces armées. Face à la violence des gangs et à la pauvreté de masse, la seule réponse apportée est la force, là où il faudrait de la justice économique et une amélioration des conditions de vie de la population qui arrangerait petit à petit la situation.
En prononçant ces propos, Emmanuel Macron s’est couvert de honte. Il a montré en deux phrases – et ce n’est pas la première fois – l’étendue de son mépris, de son racisme et de son arrogance coloniale.
Il est temps que la France reconnaisse le rôle majeur qu’elle a joué et qu’elle continue de jouer, par son ingérence, dans la situation actuelle d’Haïti. Il faut qu’elle accède aux revendications légitimes du peuple haïtien en rapport avec le remboursement de la rançon de l’indépendance pour arriver à l’autodétermination du pays.
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