À la Cumbre de los pueblos, VUB, Bruxelles 2023 :

La nouvelle crise internationale au sud global

Analyses et bilans des audits citoyens en Amérique latine et Caraïbes, avec une interview spéciale de Fernanda Melchionna, sur l’audit de la dette au Brésil

29 août par Anne Theisen


La Cumbre de los Pueblos devant le Parlement européen à Bruxelles

À la Cumbre de los Pueblos 2023, à la VUB, à Bruxelles, le CADTM a présenté un atelier intitulé « La nouvelle crise internationale de la dette met le capitalisme hors d’Haleine ». Huit intervenant-es de différents pays principalement d’Amérique latine et des Caraïbes ont partagé leur analyse critique ainsi que l’état des lieux de leurs combats pour la mise en place d’audits de dettes avec la participation active des citoyens. Devant un auditoire de plus de cent cinquante participant-es, sans compter tous ceux qui suivaient la conférence en ligne, ils et elles ont témoigné de leurs efforts pour arriver à l‘annulation des dettes illégitimes qui plongent les populations dans une austérité insoutenable. Cette analyse comprend aussi l’interview spéciale de Ferdinanda Melchionna, députée fédérale brésilienne du parti PSOL, marraine d’un nouveau front parlementaire pour un audit de la dette du Brésil.



  La crise internationale et ses quatre chocs externes (par Éric Toussaint)

Dans son introduction, Éric Toussaint, porte-parole du CADTM international, explique comment la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
affecte brutalement toutes les régions du monde : en Asie, le Sri Lanka, le Pakistan et le Bangladesh sont particulièrement touchés ; en Afrique subsaharienne, le Ghana et la Zambie annoncent des défauts de paiement et plus au Nord , la Tunisie et l’Égypte sont frappées de plein fouet ; dans le Proche Orient, le Liban est au bord du gouffre ; en Amérique latine, l’Argentine ne s’en sort plus ; dans les îles Caraïbes, Puerto Rico et Cuba connaissent une crise très grave et Haïti est complètement en déroute.
La plupart des pays précités sont sous perfusion avec des crédits du FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

Cliquez pour plus de détails.
. Ils essaient d’éviter la suspension de paiement de la dette et ils ne sont pas les seuls. Le FMI a signé une centaine d’accords de crédits d’urgence depuis 2020.

Quatre chocs externes, dont les pays du Sud ne peuvent être tenus pour responsables, sont venus aggraver des situations d’endettement déjà critiques avant leur survenance.

Tout d’abord, les effets de la pandémie du Coronavirus ont été dévastateurs.
La pandémie est arrivée de Chine et s’est répandue rapidement en Europe et en Amérique du Nord avant d’atteindre les Caraïbes, l’Amérique du Sud et enfin l’Afrique. Elle ne venait clairement pas des pays du Sud. Mais ces derniers en ont pâti. De faibles infrastructures, l’inaccessibilité des soins de santé, l’insuffisance de l’équipement ou du personnel médical, ont occasionné de nombreux décès qui auraient pu être évités. Les confinements imposés, la paralysie économique qui s’en est suivie pendant plus de deux ans, l’arrêt du tourisme (désastreux pour le Sri Lanka et Cuba, en particulier) mais aussi la baisse importante des exportations des matières premières qui produisent les recettes principales du Sud Global et leur apport de devises nécessaires pour les remboursements des dettes, ont mis en péril la plupart des pays africains. En plus, le coût important de la gestion de la santé publique, assumé par les États, a fortement alourdi leur dette publique. En particulier, l’importation des vaccins a été fort onéreuse pour les États du Sud face au monopole ou oligopole Oligopole La situation d’oligopole tient à l’interdépendance entre firmes qu’il comporte, « les firmes ne réagissant plus à des forces impersonnelles en provenance du marché, mais personnellement et directement à leurs rivales » (Pickering, 1974). L’oligopole mondial est un « espace de rivalité », délimité par les rapports de dépendance mutuelle de marché reliant le petit nombre de grands groupes qui parviennent, dans une industrie (ou dans un complexe d’industries à technologie générique commune), à acquérir et à conserver le statut de concurrent effectif au plan mondial. L’oligopole est un lieu de concurrence féroce, mais aussi de collaboration entre groupes (Chesnais, 1996). du Big Pharma en ce qui concerne les vaccins. Astra Zeneca, Johnson& Johnson, Pfizer, Moderna…, en faisant valoir leurs brevets, n’ont pas permis, à des vaccins génériques de se développer et d’être commercialisés à moindre prix et en quantité suffisante dans les régions du Sud impactées par la maladie. L’OMS n’a même pas reconnu les trois vaccins produits par Cuba qui se sont pourtant révélés efficaces mais n’ont pas pu être exportés !

Le deuxième facteur externe est lié à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses conséquences internationales.
Trois multinationales nord-américaines et une hollandaise-française détiennent à elles seules 80% des parts du marché mondial des céréales. Elles ont profité du fait que l’Ukraine en guerre allait être en difficulté pour exporter autant de céréales qu’avant pour augmenter les prix. De la même manière, les prix des fertilisants et du gaz, du pétrole, du charbon, ont grimpé. Les pays qui sont à la fois importateurs de céréales, de fertilisants, de combustibles et qui en plus dépendent du tourisme se sont vus étranglés et parfois forcés de suspendre le paiement de leurs dettes. C’est notamment le cas du Sri Lanka .

Troisième élément aggravant : la Réserve Fédérale des États-Unis décide unilatéralement d’augmenter le taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
directeur de 0,25% à 5,25%, la Banque d’Angleterre a fait de même, la BCE BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
a suivi et l’a fait grimper de 0 à 4% !
Les dettes étant principalement libellées en devises étrangères, c’est-à-dire principalement en dollars, en euros, en livres sterling et dans une moindre mesure en yens, l’augmentation des taux d’intérêt dans les pays du Nord entraîne automatiquement celle des pays du Sud de manière plus exacerbée. Les taux d’intérêts des pays du Sud passent de 4 à 5% à 8 à 15% en 2-3 ans ! Le montant de leur dette grossit considérablement. Pour refinancer leurs dettes, ils doivent émettre des bons souverains sur les marchés à un taux plus compétitif, à savoir au moins à du 8-15 %, ce qui est très difficile voire impossible pour beaucoup de pays qui dès lors n’ont plus accès aux marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
internationaux.

Enfin, la quatrième raison externe amplifiant la crise internationale, c’est la politique des institutions internationales telles que le FMI et la Banque Mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

Cliquez pour plus de détails.
.

Malgré leurs discours compatissants, ni le fait que ces nouveaux chocs externes proviennent principalement du Nord ni la gravité de la situation ne semblent fléchir l’austérité meurtrière de leurs ajustements structurels. Elles n’envisagent pas de compensations, de réparations, d’annulations pures et simples de dettes. Elles n’ont pas changé leurs pratiques inadaptées. Les nouveaux prêts accordés par le FMI renforcent encore à travers leurs conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. les politiques néolibérales impopulaires. En effet, le nombre de pays en suspension de paiement ou qui doivent demander des crédits supplémentaires en urgence au FMI et à la Banque Mondiale ne cesse de gonfler. Actuellement, une centaine de pays se voit obligée d’accepter des accords désavantageux avec le FMI. Le cas de l’Argentine est malheureusement emblématique à ce point de vue mais le Sri Lanka également avec ses 22 accords signés ou l’Ukraine avec ses 18 accords avec le FMI qui portent sur 15 milliards de dettes. La crise se généralise et les institutions internationales, au lieu de saisir cette occasion pour l’enrayer en annulant des dettes, jettent au contraire de l’huile sur le feu, en entretenant le cercle vicieux et infernal de l’endettement.

Les populations se soulèvent et les mouvements sociaux, les syndicats interpellent les gouvernements, les décideurs, pour arrêter ces paiements de dettes qui menacent la survie des populations. Les pays surendettés refusent les fausses solutions. Éric Toussaint rappelle qu’en 1982, le Mexique, et d’autres pays, suivant l’appel de Fidel Castro, le leader de la révolution cubaine, s’étaient rencontrés dans l’espoir de créer un front commun de suspension de la dette qui n’a pas pu se concrétiser. Thomas Sankara, en Afrique dans son discours du 29 juillet 1987 devant l’Organisation de l’Union Africaine à Addis Abeba, avait aussi exhorté l’ensemble des pays africains à rejoindre l’appel de Fidel Castro et à annuler tous ensemble les dettes, ces instruments qui perpétuent la domination coloniale en maintenant des rapports de dépendance et de subordination immoraux, injustes, inacceptables. Il pressent que si son pays est le seul à refuser de payer les dettes, il ne pourra plus être présent à la prochaine assemblée de l’Union Africaine et il avait raison puisque peu de temps après son discours unificateur et émancipateur, il a été assassiné le 15 octobre 1987. Néanmoins, Sankara comme Fidel Castro nous ont montré l’exemple à suivre et continuent de nous inspirer.

Éric Toussaint invite les représentants des différents CADTM de la coordination AYNA (de la région Amérique du Sud et des Caraïbes) à prendre la parole, à exposer leur vision de la crise et comment ils la combattent.

 Analyses et bilan des audits des dettes de la région de l’AYNA ( par les CADTM d’Amérique latine et des caraïbes)

Julio Gambina, de SEPLA et du CADTM Argentine, commence par évoquer la ronde de négociations actuelles, à Washington, entre l’Argentine et le FMI. La plupart des pays d’Amérique latine et des Caraïbes en sont à ce stade…qu’espèrent-ils encore d’institutions qui n’ont pas de sensibilité ?
En plein coup d’État en Bolivie, le FMI avait accordé des liquidités Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
que la Bolivie n’avait pas dépensées. Elle les avait gardées en réserve dans sa banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. et une fois sa situation politique stabilisée, elle avait rendu la somme intacte aux institutions internationales …qui leur ont réclamé de lourds intérêts pour la période où l’argent était gardé en Bolivie ! La Bolivie était un des pays les plus pauvres !

L’Argentine connaît une deuxième phase récente d’étranglement : la première s’est produite en 2008 lors des faillites bancaires et la seconde maintenant, depuis 2022.

Pourquoi s’adresser au FMI alors que cette organisation financière qui a pour mission de gérer la question des dettes des pays du Sud, se trouve aussi à la tête du système financier international qui engendre ces dettes, spécule et s’enrichit avec elles ? C’est comme si on comptait être sauvé du feu par un pompier pyromane. En augmentant le taux d’intérêt, la dette s’aggrave, les populations trinquent. Lorsqu’il y a des faillites bancaires comme en mars-avril 2023, ce sont les États capitalistes qui les renflouent sur le dos des populations du monde entier et cette réalité se vérifie en Amérique latine comme partout dans le monde. Le FMI appartient à cette stratégie du capital international. Plus le capitalisme s’impose, plus les biens communs et les conditions de travail sont menacés. Il s’empare des matières premières, du pétrole, du gaz, des minerais, de l’or et maintenant du lithium que les pays d’Amérique latine exportent pour avoir des devises …afin de rembourser la dette. Il s’agit d’un rapport de domination/subordination qui perdure.

Il ne faut pas attendre que les gouvernements où les détenteurs du pouvoir imposent des audits en vue d’identifier les dettes illégitimes et de suspendre unilatéralement leur paiement, comme le préconisaient Sankara et Fidel Castro. L’initiative, l’offensive, peut venir des peuples, de grandes mobilisations citoyennes, qui, sur base d’audits, dénoncent les irrégularités, les illégitimités dont ils sont les victimes et réclament plus de transparence et de justice sociale en créant un nouveau rapport de force.

Beverly Keene, membre de Dialogue 2000, Jubilee Sud, et coordinatrice de l’initiative de l’Auto-convocation/Autoconvocatoria de le Suspension de Paiement et de l’Audit de la Dette Argentine complète la présentation de son compatriote. Elle a mené une campagne contre les dettes de 1997 à 1998 avec le CADTM afin que les crises de l’endettement soient analysées du point de vue des débiteurs et plus seulement selon la perspective des créanciers.
La dette absorbe un peu moins de 50% du budget de l’Argentine et son paiement se fait religieusement, avec résignation, comme une servitude depuis plus de 40 ans. Il n’y a pas de doute, elle est liée à la colonisation, puis aux dictatures militaires et ensuite au capitalisme international des multinationales qui se sont accaparées d’immenses richesses naturelles des pays du Sud et qui les ont aussi épuisées, détruites. En plus, on a assisté à une internalisation de cette dette externe. L’appauvrissement de la population en est un indicateur éloquent. Avant la dictature, de 5 à 7% de personnes vivaient dans la pauvreté. En 50 ans, ce pourcentage a atteint les 50% ! L’endettement représente un lourd tribut. Malgré quelques périodes de répit, dans l’ensemble l’endettement et le conditionnement des institutions internationales ont correspondu à plus de spéculations, d’exploitations majeures, d’extractivisme Extractivisme Modèle de développement basé sur l’exploitation des ressources naturelles, humaines et financières, guidé par la croyance en une nécessaire croissance économique. dévastateur pour les hommes et la nature, et même depuis le nouvel accord avec le FMI en 2018 à une désindustrialisation de l’Argentine. Ce pays est devenu un des chaînons parmi d’autres de la financiarisation mondialisée de l’économie qui subit en permanence une crise de l’endettement qui renforce les dominations, les déséquilibres économiques et financiers de l’Argentine et la détermine structurellement.

Beverly Keene illustre son propos à travers le soulèvement populaire actuel de la province de Jujuy au Nord de l’Argentine. Sa population, majoritairement indienne/indigène, voit régulièrement ses droits fondamentaux et environnementaux bafoués par des entreprises extractivistes qui y exploitent le Lithium, ressource d’une importance stratégique pour la transition énergétique des pays du Nord qui devrait limiter le réchauffement climatique global. Aujourd’hui les habitants et habitantes de Jujuy se révoltent. Ils et elles protestent contre les mauvais salaires, des conditions de travail indécentes, la discrimination, la criminalisation de leur mouvement d’opposition et les réformes constitutionnelles en cours. Ils et elles reprochent au gouvernement national de soutenir cette exploitation abusive de lithium sans respecter les droits des autochtones, leurs territoires naturels, culturels et sociaux, leurs droits du travail, pourtant normalement consacrés dans la constitution argentine. De surcroît, ils refusent que cette activité extractive continue à polluer l’eau, source de vie. Ils et elles réclament aussi plus de financement pour l’éducation et la santé et la suspension du paiement des dettes.

Depuis 50 ans, l’Argentine est traversée par des mouvements de lutte et de résistance du même ordre. Depuis trois ans, ces manifestations de mouvements sociaux, de grévistes, d’ONG de défense des droits humains et de plus en plus d’associations environnementalistes ou écologistes, de résidents et résidentes de quartiers populaires marginalisés, de peuples autochtones, semblent converger et mobiliser des citoyens et citoyennes dans la rue en animant des ateliers de sensibilisations, des formations et en organisant des actions Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
qui remportent un certain succès. Elles atteignent aussi le parlement et le Congrès. Elles montrent comment la dette impacte la vie quotidienne des gens. Elles éveillent les consciences sur comment fonctionne le système dette et en quoi il est délétère. Elles rejettent la résignation, le conditionnement qui oblige à payer ces dettes malgré leur illégalité, illégitimité ou leur caractère odieux. Elles proposent des alternatives.

Monical Soto Elizager, représentante de la Promotora nationale de la Suspension du Paiement de la Dette Publique (PSPDP) du Mexique explique que ce territoire immense, de 129 150 971 habitant-es en 2022, a un Produit Intérieur Brut PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
par habitant en 2020 d’environ 8 655,00 dollars. Le Mexique fait donc partie des grandes économies du monde et se situe actuellement au huitième rang des économies mondiales mais il se caractérise aussi de par ses criantes inégalités. Il a une frontière commune avec les USA de 3541 km et entretient des relations tendues avec son voisin : une grande dépendance commerciale à travers ses exportations et importations, une problème migratoire brûlant symbolisé par ce mur de séparation érigé entre les deux pays par l’ancien président américain Donald Trump, la question des transferts des migrant-es mexicain-es vers leur pays d’origine, les oppositions actuelles relatives à la signature d’accords de libre-échange. En effet, l’AEUMC est un accord de libre-échange entre le Mexique, le Canada et les USA qui remplace l’ALENA depuis juillet 2020 en incorporant des nouveaux pans commerciaux. Ces accords de libre-échanges ont profondément modifié et continuent de transformer complètement la politique et la structure économique du pays. Ils en sont à la quatrième phase de mutation. Elle critique vivement la nature exploitatrice, spoliatrice de ces accords et exprime la profonde désillusion de tous ceux qui pensaient que face aux drames partagés d’une pandémie mondiale, les institutions internationales auraient pu gagner en humanité et choisir d’annuler des dettes des pays à bout de souffle ou tout au moins réduire le taux d’intérêt exorbitant qui leur est appliqué. Bien au contraire, la FED (la réserve fédérale américaine), la BCE (la Banque Centrale Européenne) et la Banque d’Angleterre choisissent de relever fortement le taux d’intérêt en provoquant ainsi une inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. qui écrase le pouvoir d’achat des ménages modestes dans le monde. Aucune mesure fiscale, aucun impôt sur les grosses fortunes par exemple n’est proposé, ce qui accentue les disparités, les inégalités croissantes.
La dette publique aurait atteint 46,5% du PIB au troisième quadrimestre 2022. Elle devrait progresser en 2023 et atteindre les 49%, Les gains des banques n’ont jamais été aussi élevés de l’histoire contemporaine du Mexique tout comme d’ailleurs le montant dédié au remboursement de la dette qui correspond à la partie la plus grande dans la répartition des affectations du budget.
L’initiative de Suspension du Paiement de la Dette Publique du Mexique (SPDP) est née en pleine pandémie d’un rassemblement de forces de gauche, d’une confluence de mouvements sociaux de travailleurs, de coopératives, de petites et moyennes entreprises, qui ont voulu rendre visibles ces irrégularités, illégitimités et injustices et y rechercher des solutions. Une campagne a été lancée avec des campements, des activités de sensibilisation, des formations et des mobilisations citoyennes.
Après les sauvetages par l’État des banques privées en faillite et qui a provoqué une grave crise financière et économique, il y a une dizaine d’année, la gauche et la population se sont mobilisées pour créer un Fonds de Protection de l’épargne bancaire des déposants (Fondo para la Protección del Ahorro). La SPDP s’oppose au vol bancaire. Plus un seul peso pour le remboursement de la dette ! Les peuples exigent que les gouvernements suspendent unilatéralement les paiements des dettes illégitimes.

Eva Prados, avocate des droits humains, membre du Front Citoyen pour l’Audit de la Dette à Puerto Rico, et porte-parole de l’Audit Citoyen de la Dette de Puerto Rico nous apprend que Puerto Rico est une île des Caraïbes, de 3 285 874 habitants en 2020 qui vit depuis plus de 120 ans sous le joug des USA en tant que colonie (de nombreux référendums ont opposés les « annexistes » aux « autonomistes »). Elle a accumulé une crise fiscale et économique au point d’atteindre un niveau record de plus de 74 milliards de dollars de dettes soit une valeur supérieure à 100% du PIB. Cette dette est illégale, illégitime et odieuse. Les USA ont imposé une restructuration de cette dette qui n’a pas eu pour conséquence de la réduire ou d’augmenter le contrôle fiscal des plus fortunés, non, elle a juste servi à démanteler complètement le secteur public, à privatiser les biens et services, à alourdir les mesures d’austérité et à adopter une politique néolibérale extrêmement agressive. L’île a dû affronter des catastrophes naturelles particulièrement dévastatrices à savoir deux ouragans et un tremblement de terre, sans oublier la pandémie mondiale, ce qui a causé des morts et intensifié les migrations. Le paiement de cette dette est insoutenable. Le coût de la vie ne cesse de monter et politiquement, le gouvernement fait preuve d’instabilité. 600 écoles publiques ont fermé ; le budget des universités publiques a été coupé de moitié ; des milliers de fonctionnaires ont été remerciés ou soumis à des coupes salariales, les emplois sont fragilisés ; les conventions collectives ont été gelées et le système des pensions attaqué. Les financements publics de secteurs essentiels comme l’énergie, les infrastructures de transport ont été supprimés.
Mais ce n’est pas tout. La politique néolibérale du FMI a favorisé une privatisation et libéralisation débridée des marchés qui ouvre grand la voie aux fonds spéculatifs privés. En particulier, les fonds vautours Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
affluent
(Black Rock, Golden Tree, Aurelios…). Il est impératif que l’État s’en protège par une loi, comme celle votée en 2014-2015 par le parlement fédéral belge qui limite leur champ de spéculation Spéculation Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
sur le territoire belge.
Puerto Rico ne dispose pas plus de 10% des montants nécessaires à payer la dette ce qui annonce une prochaine décennie bien difficile. Par conséquent, il est important de faire un audit citoyen sur la dette, former une commission d’enquête citoyenne, d’identifier les parties de dettes acquises illégalement ou illégitimement contractées, de mobiliser le public dans un large mouvement social unissant les travailleurs et travailleuses, les environnementalistes, les féministes, les étudiant-es, les pensionné-es, tous ceux qui ne veulent plus enrichir les détenteurs ou détentrices de bonds. Cette résistance est essentielle et doit aussi se faire à une échelle internationale notamment pour lutter plus efficacement et humainement contre le réchauffement climatique global.

Andrès Chiriboga, doctorant équatorien en sociologie financière qui a étudié les sciences politiques à Paris, a fait partie du gouvernement équatorien de 2007 à 2017. Il s’intéresse à l’organisation de la société civile en Amérique latine et en Afrique et notamment à la formation d’une large coalition internationale contre la dette. Pour lui, les circonstances actuelles sont l’occasion d’élargir et consolider des alliances internationales de résistances contre la dette dont la nécessité se fait pressante. Actuellement, en Équateur, le président Guillermo Lasso est un ancien banquier et se comporte comme tel, agissant contre l’intérêt du pays en négociant par exemple un échange de dette-nature relatif aux Îles Galapagos pour le moins contestable.
Les élections législatives équatoriennes de 2023 devraient avoir lieu le 20 août 2023 afin de renouveler les 137 membres de l’Assemblée nationale de l’Équateur. Le premier tour d’une élection présidentielle et un référendum sont organisés simultanément. Le scrutin intervient deux ans avant la date prévue sur décision du président sortant Guillermo Lasso. Confronté à une procédure de destitution initiée par l’Assemblée nationale, celui-ci a en effet recours à la procédure dite de « mort croisée », qui entraine la fin anticipée de son mandat et de celui de l’assemblée. « Espérons que la prochaine fois, ce ne sera pas encore un banquier ».
Les Swaps Swap
Swaps
Vient d’un mot anglais qui signifie « échange ». Un swap est donc un échange entre deux parties. Dans le domaine financier, il s’agit d’un échange de flux financiers : par exemple, j’échange un taux d’intérêt à court terme contre un taux à long terme moyennant une rémunération. Les swaps permettent de transférer certains risques afin de les sortir du bilan de la banque ou des autres sociétés financières qui les utilisent. Ces produits dérivés sont très utilisés dans le montage de produits dits structurés.
, échanges de dettes-nature étaient fort plébiscités dans les années 80. Ici, le nouveau détenteur de la dette négociée est le Crédit Suisse (une banque privée qui vient de faire faillite après de nombreux scandales éthiques). La négociation concerne 2,4% de la dette équatorienne. Ce n’est pas une annulation mais une conversion en bonds Galapagos avec un taux d’intérêt fort élevé, de 11%, qui va continuer d’enliser l’Équateur dans le système dette. Les nouveaux créanciers et créancières, certes, sont satisfaits avec un tel revenu additionnel. Il y a aussi une garantie bancaire privée internationale. Le Fonds de conservation de la nature qui bénéficiera de cet échange est majoritairement administré par des acteurs privés ce qui signifie aussi une perte de souveraineté de l’État équatorien qui non seulement ne peut pas utiliser l’argent libéré pour d’autres dépenses publiques urgentes que l’environnement mais qui en plus perd le contrôle de la gestion du territoire des Galapagos concerné par l’échange. Les personnes qui vivent et travaillent sur ses territoires ne sont pas concertées, consultées et n’ont aucun pouvoir de décision sur leur environnement maintenant sous la supervision d’acteurs privés étrangers peu transparents et peu contrôlés. L’Équateur s’est liée ainsi pour 18 ans à des spéculateurs et spéculatrices privés qui vont s’accaparer la mission de conservation de cet espace naturel extraordinaire que constitue Les Îles Galapagos. Quel exemple pathétique !
En plus, dans la même lignée, le nouveau président colombien Gustavo Petro, annonce, à Paris comme à Bruxelles, qu’il est prêt à négocier des échanges dette-nature (ou swaps) pour protéger la nature en Colombie.
Il faut absolument consolider et élargir une coordination d’organisations du Sud Global qui réclame la répudiation des dettes illégitimes. C’était l’intention de la Cumbre de Cartagena dans les années 80 dont les membres cherchaient ensemble à renégocier les dettes à de meilleures conditions pour atténuer les déséquilibres et injustices structurelles. Les vingt pays les plus vulnérables doivent résoudre de manière collective à la fois la crise climatique et leur problème d’endettement.

André Arauz, docteur équatorien en économie financière, ex-candidat aux élections présidentielles de l’Équateur en 2021, rappelle le rôle essentiel de l’Amazonie pour notre planète, comme garante de la biodiversité et de la purification de l’air libre, en tant que poumon de la terre. Les peuples de l’Amazonie y vivent et la défendent depuis des siècles. Et voilà que le dirigeant de la plateforme numérique Amazon, Jeff Besoz, se met en tête de privatiser, breveter, le mot Amazon et dès lors il ne pourrait plus être utilisé librement par d’autres ! Qu’a offert cet homme, l’un des plus riches de la terre, aux peuples autochtones de l’Amazonie, comme compensation ou réparation aux dégâts coloniaux et post-coloniaux ? Pas un centime… ni aux Etats amazoniens ni aux peuples autochtones.

André Arauz met l’accent sur de nouveaux types de dettes du XXIe siècle, inacceptables, celles qui résultent des procès perdus en Arbitrage en conséquences de la signature de traités de libre-échange par des États comme l’Equateur mais aussi l’Espagne, le Pérou, le Salvador, l’Argentine, le Venezuela, le Mexique, la Colombie…En effet, la liste est longue des pays qui ont essayé de réguler, de faire pression contre de puissantes multinationales extractivistes des mines, des combustibles fossiles, pour protéger leur environnement et les droits des autochtones. Ils se sont vus traîner pour cela devant des cours d’arbitrage internationales qui leur ont donné tort, qui les ont condamnés à payer, à ces mêmes compagnies destructrices d’environnement et criminelles, des dommages et intérêts plus tous les frais de procédures occasionnés, ce qui représente des sommes colossales (des milliards de dollars). C’est le mécanisme de Règlement des Différends entre Investisseurs et États ( l’ISDS, Investor State Dispute Settlement en anglais, TIB en espagnol ) imposé dans la plupart des accords de libre-échange et qui est fortement décrié aujourd’hui , qui fait que des États ne peuvent pas faire perdre des intérêts économiques et financiers à des entreprises privées ; ils ne peuvent pas leur « extorquer » des fonds qui pourraient réduire les profits et activités économiques des investisseurs et investisseuses, entreprises et États avec lesquelles des accords préalables ont été signés. Raisonnement incroyable qui assure la primauté des intérêts des multinationales sur ceux des États, de l’environnement et des populations où elles sévissent ! Il faut dénoncer ces traités de libre-échange et investissements, ce mécanisme de l’ISDS/TBI et répudier ces dettes illégitimes.
Aussi bien en Equateur qu’en Bolivie, au Venezuela, en Inde ou en Indonésie, des voix s’élèvent contre l’ISDS.

Ce qui est paradoxal, c’est qu’au sein de l’Union Européenne, les États sont en train de rejeter ce système d’arbitrage privé censé protéger les accords de libre-échange et d’investissements qui les lient et les tribunaux européens commencent à leur donner raison !
En effet, parce qu’ils ne sont pas d’accord avec ce principe d’arbitrage entravant leurs possibilités de réguler, les États européens sont de plus en plus nombreux à se retirer actuellement du Traité de la Charte de l’Énergie (TCE) signé à Lisbonne, en pleine guerre froide, en 1994. Au départ, il s’agissait de rassurer les investisseurs de l’Europe de l´Ouest qui voulaient investir de l’autre côté du mur de fer pour en exploiter les ressources énergétiques abondantes. En gros, il ne fallait pas que les gouvernements des pays de l’Est puissent modifier les règles et les lois après la signature des accords de coopération économique et limiter les bonnes affaires économiques des investisseurs de l’Ouest. Il s’agissait de les protéger pour les convaincre d’accepter de nouveaux contrats intéressants financièrement. Mais les circonstances ont évolué à cause entre autres de l’urgence climatique. Après l’Italie, c’est maintenant la Pologne, l’Espagne, la France, les Pays Bas qui annoncent leur retrait du TCE et bientôt l’Allemagne et la Belgique… Pourquoi cette réaction soudaine ? Ces États sont conscients qu’il deviendrait un obstacle à la réalisation des objectifs des COP et de l’accord de Paris pour une transition énergétique. En effet, comment les États pourraient-ils légiférer pour limiter les activités polluantes des entreprises des énergies fossiles si celles-ci ont le droit de les condamner en justice d’arbitrage et de leur réclamer des amendes monumentales, chaque fois que leurs profits sont compromis ! En 2021 deux entreprises énergétiques allemandes ont attaqué les Pays-Bas sur base de ce traité devant les tribunaux car ce pays cherchait à éliminer progressivement le charbon ce qui menaçait leurs intérêts. Dans ce cas, aussi bien les gouvernements que les activistes du climat peuvent craindre de ne pas pouvoir changer de cap sans avoir des millions d’indemnités à payer. Or la Cour de Justice de l’Union Européenne a décrété récemment que l’arbitrage privé à porte fermée du TCE violait la législation européenne et ne pouvait être utilisé pour résoudre des conflits entre États membres de l’UE. Selon Investigate Europe, 74% des cas du TCE implique un investisseur européen contre un État européen. Rob Jetten, le ministre de l’énergie des Pays Bas, a lancé avec succès un appel à un retrait massif des membres de l’UE du Traité [1] pour faire pression. La Commission Européenne a alors négocié une série de modifications du TCE afin d’éviter ces conflits intracommunautaires, changements qui devraient être approuvés à l’unanimité par les 53 signataires. Le problème, c’est qu’il y a une clause prévoyant que si un pays sort du Traité, la mesure d’arbitrage reste applicable en cas de litige pendant 20 ans après le retrait ! C’est ce qui est arrivé à l’Italie qui huit ans après avoir renoncé au traité s’est vue condamnée à une indemnité de 190 millions d’euros avec des intérêts additionnels par une compagnie pétrolière et de gaz du Royaume Uni en 2016. La Commission essaie de réduire cette période d’application à 10 ans pour les contrats existants et à 9 mois pour les nouveaux investissements de ceux qui resteraient dans le Traité.

Toute cette réflexion au sein des pays européens est bien intéressante mais il est regrettable qu’elle ne dépasse pas le cadre intra européen et qu’elle ne cherche pas à changer les rapports Nord-Sud actuels marqués par l’application de l’ISDS incorporé aux accords de libre-échange. Assez paradoxalement, l’UE ne tient pas compte du frein que l’ISDS représente pour les États du Sud qui veulent faire respecter des mesures environnementales et sociales nécessaires pour la transition durable et la lutte contre le réchauffement climatique. Cette contradiction en dit long sur les incohérences et injustices du système politico-économique actuel.

Pour rappel, le 7septembre 2018, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, saisie par la multinationale pétrolière Chevron, a rendu une décision surprenante.
« le procureur général de l’État, Íñigo Salvador, a annoncé le vendredi 7 septembre que la Cour internationale d’arbitrage de La Haye avait statué contre l’Équateur dans l’affaire Chevron III. La résolution établit que l’Équateur a violé un article du Traité bilatéral de protection des investissements avec les États-Unis et qu’il devra donc verser une indemnisation, non encore fixée  ». AFP, le 7 septembre 2018
Elle somme l’Équateur d’annuler la sentence historique rendue par ses tribunaux contre le géant pétrolier américain. Celle-ci avait condamné Chevron à verser 9,5 milliards de dollars de dommages et intérêts aux 30 000 victimes équatoriennes défendues par l’avocat équatorien Pablo Fajardo. Malgré l’assassinat de son frère, de nombreuses menaces de mort et une procédure judiciaire de plus de 25 ans, celui-ci avait réussi à prouver la responsabilité de la compagnie pétrolière dans la dévastation monumentale d’une partie de la région amazonienne du pays qui avait eu des répercussions meurtrières sur les peuples autochtones vivant sur ces terres. Texaco, devenu Chevron, extrayait du pétrole entre 1964 et 1990 dans la jungle équatorienne, et était accusé par près de 30 000 indigènes de la région de Sucumbios d’avoir pollué la région de Lago Agrio, au nord de l’Équateur. En déversant des eaux toxiques, des hydrocarbures, la compagnie pétrolière a carrément empoisonné les sols, l’air, l’eau mais aussi ses habitants. Ensuite, Chevron avait réussi à convaincre un juge américain que la recherche de compensation par les victimes équatoriennes touchées par la dégradation de l’environnement et les crimes contre l’humanité équivalait à « une tentative d’extorsion de fonds destinés à limiter les profits de l’entreprise ». Le tribunal d’arbitrage de La Haye avait été saisi par Chevron sur base de l’ISDS inclus dans un accord de libre-échange signé entre l’Equateur et les USA (bien après la période où la compagnie avait sévit sur les lieux dégradés !). Cette cour d’arbitrage a adopté la version américaine de l’affaire et condamné l’Equateur à payer des dommages et intérêts plus les frais de procédures à Chevron. Le nouveau gouvernement équatorien dirigé par Guillermo Lasso, n’a pas défendu ses concitoyens lésés mais a accusé son opposant, l’ancien président Rafael Correa d’avoir entraîné l’Équateur dans un procès coûteux et inutile. C’était une manière aussi pour lui de signifier un changement d’attitude de l’ Équateur vis-à-vis des multinationales pétrolières et des traités de libre-échange, dont Correa était un critique résolu et que Guillermo Lasso, le dirigeant actuel, veut au contraire attirer et servir dans son pays.
« Cette décision est une preuve supplémentaire de l’impunité juridique que les traités de commerce et d’investissement accordent aux sociétés transnationales,a réagi dans une lettre ouverte une coalition mondiale d’ONG et de mouvements sociaux, leur permettant non seulement de violer les droits de l’homme et de la nature sans en payer les conséquences, mais aussi d’agir contre les finances publiques des États souverains, contraint par la force de ces traités qui, même dénoncés, finissent par l’emporter sur les droits humains.  »
« Une décision inacceptable » selon Pablo Fajardo, l’avocat de défense des plaignant-es équatorien-nes, qui a exigé le respect de l’Art. 425 de la Constitution équatorienne ce jour-là.

 Exposé de Fernanda Melchionna à la Cumbre de los Pueblos , à la VUB, à Bruxelles

Fernanda Melchionna, membre du parti de gauche PSOL et députée fédérale au Congrès brésilien, marraine de l’audit de la dette illégitime Dette illégitime C’est une dette contractée par les autorités publiques afin de favoriser les intérêts d’une minorité privilégiée.

Comment on détermine une dette illégitime ?

4 moyens d’analyse

* La destination des fonds :
l’utilisation ne profite pas à la population, bénéficie à une personne ou un groupe.
* Les circonstances du contrat :
rapport de force en faveur du créditeur, débiteur mal ou pas informé, peuple pas d’accord.
* Les termes du contrat :
termes abusifs, taux usuraires...
* La conduite des créanciers :
connaissance des créanciers de l’illégitimité du prêt.
du Brésil
, présente parmi nous, à la Cumbre de Bruxelles, a gentiment accepté de répondre aux questions d’Éric Toussaint dans un entretien particulier, après son exposé public à la VUB.

La dette extérieure du Brésil résulte de toute une histoire marquée par la colonisation, les efforts onéreux de modernisation des conservateurs et conservatrices, les dictatures militaires paralysantes et aujourd’hui, le maintien d’un système d’exploitation, de dépendance économique producteur de toujours plus d’endettement.

Fernanda Melchionna met l’accent sur le revirement de position ou l’ambigüité du premier gouvernement de Lula qui avait prononcé un discours d’opposition à la dette publique tout au début de ses activités politiques mais qui finalement au cours de son mandat a fini par adopter des mesures qui ont favorisé une internalisation de la dette extérieure et son aggravation dramatique.

La dette privée a explosé notamment en raison de l’imposition d’un taux d’intérêt exorbitant : plus de 13,75 %, le taux le plus élevé au monde (même s’il a connu depuis une baisse de 0,25%) ! C’est donc le paradis pour les banques nationales et internationales, les parasites financiers, d’être rémunérés par un taux si élevé sur le dos d’une population modeste qui emprunte aujourd’hui pour survivre (c’est-à-dire pour accéder à un logement, acheter une voiture, un frigo, payer des études, consulter un médecin, faire des courses alimentaires, payer ses factures d’électricité) à un prix ou un taux d’intérêt hors de sa portée. La Banque Brésilienne s’enrichit tandis que la dette augmente et est émise sous forme de titres publics. La dette brésilienne interne avec intérêts et amortissements en 2022 s’élève à 1 879 milliards de réals brésiliens, soit environ 350 milliards d’euros (le taux de change en août 2023 : 1 euro = environ 5,4 réals brésiliens)
Beaucoup de capitalistes internationaux utilisent les titres étrangers moins chers pour acheter ensuite les titres de dette publique brésiliens pour faire des affaires.

En 2000, les forces de gauche se sont rassemblées au sein de nombreuses mobilisations populaires, des associations et syndicats et ont proposé un référendum au cours duquel 95% de la population ont déclaré vouloir refuser de payer la dette extérieure. Grâce à L’initiative pour une Audit Citoyen de la Dette Brésilienne de Maria Lucia Fattorelli, le débat de la suspension de paiement des dettes a été approfondi et élargi. Aussi bien la dette externe qu’interne ont été étudiées et dénoncées.

En 2003, le nouveau parti du PSOL, le Parti du Socialisme et de la Liberté, a été créé, plus à gauche que la Parti Travailliste de Lula qui avait perdu son côté revendicatif originaire et qui avait déçu ses partisans et partisanes plus radicaux. La députée fédérale du PSOL, Luciana Genro, a introduit une demande d’enquête auprès de la Banque Centrale du Brésil pour identifier qui sont les détenteurs ou détentrices de la dette brésilienne, ce à quoi la Banque a répondu que l’identité des créanciers et créancières devait rester secrète.
Michel Temer ( 2016-2018 ) a congelé les dépenses publiques pendant 20 ans, diminuant les financements pour la santé, l’éducation, les pensions et limitant la croissance de ces secteurs. Lula n’a pas empêché le versement de plus de 50% du budget fédéral au service du paiement de la dette ! 33 millions de brésiliens et brésiliennes ont faim. Le secteur informel compte 40 millions de personnes qui travaillent dans des conditions indécentes. Les droits des autochtones ne sont pas respectés. La violence est endémique. La forêt amazonienne est dévastée, ses terres accaparées par l’agro-industrie et les agro-carburants.

Par chance, l’ancien président d’extrême droite, Bolsonaro n’a pas été réélu en 2022 mais de justesse et le pays est fortement divisé entre le Nord et le Sud, entre partisans et partisanes de Lula, le vainqueur des dernières élections, et son farouche opposant Bolsonaro qui a d’ailleurs contesté les résultats électoraux dans un climat d’hostilités. Il faut espérer que la gauche saura s’unir contre le paiement des dettes illégitimes. Dans cet objectif, Fernanda Melchionna soutient la création d’un Front parlementaire avec les partis de gauche, la société civile organisée (syndicats et associations) et la participation citoyenne pour la réclamation d’un audit de la dette. Pour l’instant 170 parlementaires sur 513 sont favorables et il faut atteindre au moins 198 représentant-es pour faire passer la demande. La lutte ne se fait pas seulement au sein du parlement, mais aussi dans la rue. C’ est un moment crucial pour la mobilisation contre la dette publique et la dette privée du Brésil. Fernanda Melchionna insiste sur le fait que ce combat n’est pas seulement national mais qu’il a une dimension internationale importante et c’est pourquoi elle participe aujourd’hui à la Cumbre et au réseau international du CADTM. 

  INTERVIEW SPÉCIALE DE FERNANDA MELCHIONNA sur l’audit de la dette Brésilienne

Sur le point de lancer un front parlementaire en août pour un audit de la dette brésilienne et la limitation du taux d’intérêt

Fernanda Melchionna est une jeune femme engagée de 39 ans, née à Porto Alegre, dans le Rio Grande do Sul, au Brésil. Elle est membre de la Chambre des députés du Brésil depuis 2019. Elle avait effectué un premier mandat de 2019 à 2023 puis elle a été réélue en 2023 jusqu’en 2027. Après ses études de bibliothécaire à L’UFRS, elle s’est spécialisée en histoire contemporaine du Brésil à la Fondation Bradesco. Elle a également un parcours d’écrivain et s’est investie très tôt dans des activités syndicales et comme représentante de classes associatives et conseils. Elle est devenue coordinatrice générale du directoire central des étudiants de l’UFRGS, à Porto Alegre, avant de s’engager en politique, comme militante féministe, socialiste et internationaliste, au sein du directoire de gauche du parti Socialisme et Liberté, le PSOL, fondé le 6 juin 2004. Luciana Genro est la présidente actuelle du PSOL. Fernanda Melchionna a remporté de grands succès politiques. En 2012, elle est la représentante du PSOL qui avait rassemblé le plus de vote parmi les femmes. En 2016, elle avait obtenu 14 000 votes ce qui est le plus grand nombre de voix pour la ville. En 2018 et en 2022, elle est encore la parlementaire femme avec le plus de votes et ceux-ci ont encore augmenté d’un mandat à l’autre. Depuis 2020, elle est aussi candidate à la préfecture de Porto Alegre. Son slogan : « O que no podémos conquistar juntos ! » (Que ne pouvons-nous pas conquérir ensemble !). Elle s’intéresse aux combats féministes, à la lutte contre la corruption des privilégiés, à la sécurité sociale, aux services publics, à la santé, à l’éducation, à la culture, à la science et à la technologie, à l’environnement, à la défense des droits LGTB, à la négritude … Elle soutient des amendements impulsés par des mouvements sociaux populaires, tels que des audits citoyens de dettes en vue de l’annulation de celles qui sont illégales, illégitimes et odieuses.

Voici la traduction des questions d’Éric Toussaint du CADTM International et des réponses de Fernanda Melchionna, députée fédérale au Congrès Brésilien, en tant que partisane du Front parlementaire en faveur d’un audit en vue de répudier les dettes privées et publiques illégitimes au Brésil, en août 2023.

1. Quelle est la situation de la dette publique extérieure et de la dette publique intérieure du Brésil ?

La situation de la dette au Brésil est très grave. Actuellement, le système de la dette consomme environ la moitié du budget public brésilien pour les paiements d’intérêts et d’amortissement, et la dette continue de grossir. En 2022, le montant dépensé pour la dette du système était de 1 879 milliards de réals, soit environ 350 milliards d’euros ce qui correspond à 46,3 % du budget de l’Union (budget fédéral). Autrement dit, dans un pays aussi inégalitaire, où plus de 70 millions de personnes souffrent de la faim et de l’insécurité alimentaire, près de la moitié du budget fédéral, qui est la richesse sociale produite par les travailleurs, a été utilisée pour financer les parasites du système financier. Selon les données de l’audit citoyen, en juin 2023, la dette publique fédérale interne s’élevait à 8 200 milliards de réals (environ 1 520 milliards d’euros). La dette extérieure brésilienne, qui comprend la dette des gouvernements fédéral, des États municipaux et du secteur privé, s’élève à 595 milliards de dollars (environ 2 800 milliards de réals ou environ 520 milliards d’euros ).
La dette extérieure brésilienne, qui a explosé sous la dictature militaire, où son montant s’est vu multiplié par 30, a été largement convertie en dette intérieure sous les premiers gouvernements du PT, à partir de 2003. Le gouvernement de l’époque contractait des emprunts auprès des banques nationales pour payer les créancières et créanciers internationaux, sans remettre en cause l’illégalité des dettes antérieures. Cela a amené le Brésil à internaliser la dette extérieure, désormais rémunérée par des taux d’intérêt encore plus élevés, et à maintenir l’engagement de payer des taux d’intérêt très élevés au service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. extérieure, créant ainsi un excédent majeur.

2. Avec des taux d’intérêt très élevés au Brésil, la dette domestique est un excellent business pour les banques privées brésiliennes et pour les capitalistes qui achètent des obligations Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
domestiques, n’est-ce pas ?

C’est une bonne affaire pour les capitalistes et une tragédie pour le peuple. Le Brésil a les taux d’intérêt les plus élevés au monde, avec le taux Selic à 13,75 %. Chaque 1% d’augmentation du taux d’intérêt signifie 40 milliards de reais (7,43 milliards d’euros) de plus par mois pour les créanciers de ce scandaleux système d’endettement. Cela génère des profits astronomiques tant pour les banques nationales que pour les spéculateurs ou spéculatrices et les parasites du système financier international, qui ont souvent recours à des emprunts à des prix inférieurs dans d’autres pays, pour acheter des titres de créance brésiliens et profiter des taux d’intérêts plus élevés ici. Pendant ce temps, à l’autre bout de l’échelle, les familles de travailleurs sont entraînées dans une spirale d’endettement dont elles ont bien du mal à sortir, en raison des taux d’intérêts exorbitants expliqués précédemment. Les intérêts sur les cartes de crédit renouvelables, par exemple, peuvent dépasser 400 % par an, de sorte qu’une simple dette peut devenir quelque chose d’impayable en peu de temps.

3. Lula a-t-il apporté un changement positif par rapport au gouvernement Bolsonaro en matière de dette ?

Malheureusement non. L’élection de Lula a été fondamentale pour assurer les libertés démocratiques et permettre au pays de respirer un peu mieux à ce point de vue-là et de retrouver la force de se battre. Nous avons évité une catastrophe si le gouvernement Bolsonaro avait été maintenu car sa réélection aurait pu signifier une fermeture du régime de l’intérieur, un repli dangereux du système politique. C’est pourquoi nous avons considéré l’élection de 2022 comme la plus importante depuis 1985. Mais nous étions conscients de la nécessité de maintenir notre indépendance politique vis-à-vis d’un gouvernement qui incorpore des partis bourgeois, un gouvernement de conciliation de classe. Pour se concilier les élites économiques , il avance des politiques pro-marché et antipopulaire. Ce fut le cas avec « l’encadrement budgétaire » qui a limité les dépenses publiques de base, compromettant l’expansion des investissements dans la santé, l’éducation, les dépenses sociales, les services publics et d’autres domaines essentiels. En maintenant la logique du plafond de dépenses de Michel Temer et de Bolsonaro, « l’encadrement budgétaire » du nouveau gouvernement de Lula et de Haddad, a laissé le système de la dette intact, sans aucune limite au paiement des intérêts et des amortissements qui consomment illégitimement le budget public. Le Parti des Travailleurs ( PT) a initialement critiqué et combattu la dette extérieure. En 2000, il a participé activement au plébiscite au cours duquel 95 % d’environ six millions d’électeurs et d’électrices ont voté pour la répudiation de la dette extérieure. Cependant, après avoir gagné les élections en 2003, Lula et le PT ont opté pour un pacte avec le marché et le maintien des principes économiques de Fernando Henrique Cardoso, avec la Lettre au peuple brésilien, la réforme de la sécurité sociale et d’autres mesures néolibérales. Dilma Rousseff qui avait l’occasion de faire passer l’audit de la dette prévu dans le plan pluriannuel 2016, a pourtant opposé son veto à la proposition qui allait dans ce sens. Après le coup d’État parlementaire contre Dilma Rousseff en 2016, Michel Temer a ramené le tristement célèbre plafond de dépenses, à l’époque appelé le PEC ( amendement à la constitution) de la mort, qui étranglait tout le fonctionnement de l’État brésilien pour, entre autres, continuer à rémunérer le capital rentier. Afin d’« économiser » pour payer les rentiers, Bolsonaro a mené une réforme des retraites qui a retiré des millions de personnes de la sécurité sociale et fait baisser la valeur des retraites dans le pays. Le cadre fiscal du gouvernement Lula maintient la logique du Plafond, avec une limite d’investissement pour les domaines sociaux afin de continuer à rémunérer les rentiers nationaux et internationaux.

4. Lula défend-il l’indépendance de la Banque centrale ?

Lula a critiqué l’autonomie de la Banque centrale, mais n’a pas appelé à une lutte politique pour son abrogation.
L’impossibilité de changer la présidence de la Banque Centrale, la fameuse autonomie de la Banque Centrale, a été votée de manière absurde, à travers une session virtuelle pendant la pandémie. Celui qui présidait l’ Assemblée Législative et opérait cette approbation était Arthur Lira, toujours sous le gouvernement Bolsonaro.
Lira, d’ailleurs, a été un acteur clé dans le maintien du gouvernement génocidaire de Bolsonaro, et en 2023, pour sa reconduction à la présidence de la Chambre, il a été soutenu par presque tous les partis, y compris le Parti des Travailleurs. Le PSOL a fait face et a voté contre.
Cette prétendue autonomie de la Banque centrale est en réalité une prise d’otage de la politique monétaire par le système financier. Lula ne doit pas seulement dénoncer. Il doit aussi prendre des mesures concrètes, par exemple, en faisant passer une loi pour révoquer cette autonomie et en appelant la population à se mobiliser. Pour que le gouvernement reprenne le contrôle de la politique monétaire, il faut miser sur la mobilisation. 80% de la population est favorable à la baisse des taux d’intérêt. Lula a parié sur le fait de servir les intérêts de la bourgeoisie avec l’encadrement budgétaire et la réforme fiscale et de s’appuyer sur des secteurs physiologiques de la vie politique, qui étaient avec le gouvernement Bolsonaro, sont maintenant convoités et invités à entrer dans le gouvernement de Lula, comme Arthur Lira, le Parti Progressiste ou d’autres partis comme les Républicains.

5. Qu’arrive-t-il à la dette des classes laborieuses ? Avec les taux d’intérêt élevés, la situation doit être très difficile pour eux.

Les travailleurs et travailleuses sont de plus en plus endettés au Brésil. L’offre de crédit à des taux d’intérêt abusifs, ajoutée à des facteurs tels que le salaire minimum de 1 320 R$ ( 245,06 euros) , l’informalité accrue, l’ubérisation et la précarité des contrats de travail, la compression des salaires de la fonction publique et le chômage, produisent un problème d’endettement croissant.
78,3% des familles brésiliennes sont endettées, selon les données de l’enquête sur l’endettement et les défauts de paiement des consommateurs (Peic) de février de cette année, un nombre supérieur à celui du même mois de l’année précédente. Près de 30% de ces familles endettées ont des retards de paiement et 11,6% déclarent ne pas pouvoir payer leurs factures en retard.
L’intérêt moyen facturé par les banques sur les cartes de crédit renouvelables s’élève à 409,3% par an. Et la carte est le principal moyen de crédit pour 85,7 % des familles endettées. C’est le prix de plus en plus élevé que les classes laborieuses brésiliennes, la grande majorité de la population, ont payé pour rémunérer les intérêts d’une infime minorité de spéculateurs nationaux et étrangers.

6. Quelle est l’importance de l’Audit Citoyen de la Dette publique animé par Maria Lúcia Fattorelli ?

L’audit citoyen joue un rôle fondamental dans la politique nationale depuis des années. L’initiative a été formée à la suite du plébiscite de 2000, qui avait une large majorité contre la dette extérieure, avec des racines dans les syndicats et les organisations de classe. L’Audit a mené une lutte fondamentale, démantelant ce système de dette publique, révélant les mensonges de la bourgeoisie brésilienne et les capitulations de ceux qui refusent de toucher à cet aspect central de la vie national. Au cours des dernières années, dans les gouvernements de Temer, Bolsonaro et dans la transition vers le gouvernement Lula, ce groupe, avec Maria Lúcia et toute l’équipe de coordination, est resté combatif et a apporté des contributions décisives au débat national et international, face au plafond des dépenses,
à la réforme des retraites et à l’encadrement budgétaire. Au niveau international, pour citer un cas, je me souviens de l’audit de la dette de l’Équateur, dans lequel Maria Lucia Fattorelli, d’Audit Cidadã, Éric Toussaint, porte-parole du Cadtm, entre autres collaborateurs, sont parvenus à un résultat qui a réduit de 70 % le montant de la dette nationale.

7. Participez-vous au lancement d’un front parlementaire pour l’audit de la dette ?

Nous voulons que le débat sur l’audit de la dette et la limitation des taux d’intérêt soit travaillé en permanence à la Chambre des députés, en collaboration avec les mouvements sociaux et d’une manière qui contribue à l’articulation des secteurs de la société. C’est pourquoi nous nous battons pour la création de ce front social et politique pour un audit citoyen de la dette et pour la limitation des taux d’intérêt. Les signatures de 198 députés sont requises, soit plus d’un tiers de la chambre. À ce jour, depuis le début de l’année, 171 ont signé, 27 manquent à l’appel pour que le Front soit mis en place. J’ai été invitée par Audit Cidadã à être la marraine et la porte-parole de ce Front parlementaire, ce qui me rend très fière et apportera certainement des défis pour suivre ce combat à l’intérieur de la Chambre et, surtout, à l’extérieur.

8. Il paraît que vous comptez venir à Marrakech pour participer au contre-sommet du FMI et de la Banque Mondiale, organisé entre autres par le réseau international du CADTM et par ATTAC CADTM Maroc. Quelle importance accordez-vous à ce contre-sommet, qui aura lieu du 12 au 15 octobre 2023 ?

Je considère ce contre-sommet comme fondamental. Une occasion de rencontrer des militants et militantes , des dirigeants et dirigeantes ainsi que des entités qui remplissent avec le CADTM le rôle de dénonciation de ces dettes illégitimes et illégales. Des dettes qui ont été un mécanisme d’exploitation et d’ingérence dans la politique de plus de 100 pays. C’est un stratagème criminel pour défendre les intérêts de l’impérialisme et des banques internationales, et qui a été renforcé par la pandémie, l’invasion de l’Ukraine, entre autres facteurs qui ajoutent des difficultés économiques pour les pays. Qui paie pour ce système de privilèges pour les banques, pour l’ingérence dans les pays de la Banque mondiale et du FMI ? C’est la population, qui est de plus en plus victime des mesures d’austérité, du retrait des droits et de la surexploitation, comme par exemple des réformes du travail, de la sécurité sociale... Cette rencontre revêt donc une importance stratégique. Je me joins à l’appel lancé aux militants et militantes de la gauche mondiale, en particulier du soi-disant tiers-monde, à participer pour défendre la souveraineté des peuples et lutter pour l’annulation des dettes odieuses.
|

  Historique et contexte des audits de la dette au Brésil

Les années 60-70 sont bouleversées par des dictatures militaires autoritaires et dépensières en Amérique latine qui laissent derrière elles des dettes odieuses dont le paiement est remis en question.

En septembre 2000, le syndicat CUT, le Mouvement des Sans Terres (MST), Campagne Jubilée Sud, la grande Conférence des Évêques fort à gauche dans les années 80-90 et le Parti des Travailleurs organisent un plébiscite populaire pour réclamer une auto-convocation d’un audit citoyen de la dette brésilienne. 90% des 6 millions de brésiliens et brésiliennes qui ont voté, se sont montrés favorables à la suspension de la part de la dette identifiée comme illégitime par un audit.

En 2000, les parlementaires du PT déposent un projet de loi dans ce sens et fondent l’organisation Audit Citoyen de la Dette du Brésil.
Maria-Lucia Fattorelli entame de cette manière une longue et enrichissante collaboration avec le CADTM.

En 2003, Lula est élu président du Brésil avec 65% des voix, un électorat diversifié et large. Malheureusement, une fois au pouvoir tout a changé. Lula annonce qu’il sera le président « de tous les brésiliens et brésiliennes » et contrairement à ses déclarations passées, il va sceller un pacte avec les élites. D’un côté, il s’assure que les classes populaires accèdent à un meilleur pouvoir d’achat, grâce à des aides sociales, mais d’un autre côté, il veille à ne pas s’attaquer au capital financier, à l’armée et au paiement de la dette. Il respecte les accords passés avec le FMI, impose en 2003 une réforme néolibérale au système de pensions de la fonction publique. Il se rend au sommet du G8 G8 Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002. à Évian présidé par Jacques Chirac. Il nomme à la tête de la Banque Centrale brésilienne, Hernique Meirelles, ex président d’une banque américaine, La Fleet Boston ! Il n’a pas supprimé, comme l’a fait l’Argentine en 2005, l’armistice protégeant les criminels et criminelles de la période de dictature militaire et il a même laissé l’armée brésilienne occuper Haïti. Aucune nationalisation d’entreprises privées n’a été décidée et en revanche il a soutenu des grosses entreprises privées, qui, pour gagner des marchés publics, n’ont pas hésité à corrompre des fonctionnaires publics. C’est ainsi que lui-même empêtré dans un scandale avec la multinationale immobilière Odebrecht se retrouvera en prison à la fin de son mandat.
Bien sûr, il est important de préciser que son programme Bolsa Familia a permis aux 20% des familles les plus pauvres (12 millions de familles) de recevoir des allocations sociales. Mais cet apport est limité par rapport à ce qu’une suppression de dette publique aurait pu apporter pour des dépenses sociales. Le grand capital, les banques internationales, les fonds d’investissements achètent des titres de la dette Titres de la dette Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
publique, interne et externe, au Brésil avec des taux d’intérêt très rémunérateurs. Il n’y touchera pas. Avec la Bolsa Familia, tout le monde semble content : les plus pauvres ont accès à la consommation et au crédit et c’est bon pour les affaires.
Timothée Narring dans son article « La gauche brésilienne sur les braises du crédit » publié le 16 juin 2023, décrit bien comment Lula en instaurant le crédit comme une façon de lutter contre la pauvreté, en donnant l’illusion aux 20% les plus pauvres de pouvoir avoir accès à la consommation comme tout le monde, et de pouvoir s’intégrer à une forme de citoyenneté, les a tout bonnement conduits au surendettement jusqu’à la suffocation …parce qu’il n’a pas accepté de limiter les pratiques usurières des banques privées, qui ont laissé le taux d’intérêt monter et le montant des dettes privées exploser !

Jusqu’en 2014, les ménages les plus modestes semblaient sortir la tête hors de l’eau. Mais, hélas, à partir de la récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. de 2015, accentuée par une politique d’austérité de plus en plus à droite dès 2016, et par la suite sous l’effet de la crise du covid, de la guerre en Ukraine, avec l’inflation, la perte d’emploi, la récession, et de nouveau ce taux d’intérêt exorbitant, toutes ces personnes précaires se sont retrouvées piégées dans l’endettement à la consommation. Cela a fragilisé, en premier lieu, les pensionné-es , les veufs et les veuves, et tous les liens de solidarité intra-familiaux ont été fortement mis à l’épreuve. En effet, le système des crédits consignés, que Lula a également mis en place a permis des prélèvements automatiques de mensualités sur les pensions de retraite pour rembourser les banques puis avec Bolsonaro le prélèvement automatique s’est élargi aussi à l’Auxili Brasil (une allocation correspondant à 40% du salaire minimum). « Une allocation censée assurer la survie va maintenant alimenter les profits financiers avec un taux d’intérêt annuel de 50%. Si Jair Bolsonaro va renforcer cette tendance dangereuse par la suite, au départ, c’est bien la gauche de Lula et son parti, le PT, qui ont mis en place ce système dès 2003, pour conquérir l’aval d’un électorat précaire mais très nombreux. C’est d’ailleurs bien Lula qui en 2003 a supprimé le paragraphe 3 de la Constitution qui limitait le taux d’intérêt à maximum 12%/an afin de gagner le soutien des banques et des élites, comme le rappelle avec raison Timothée Narring. Or c’est ce taux élevé qui condamne les masses populaires au surendettement privé.

En 2004, d’anciens membres du Parti des Travailleurs, en désaccord avec les nombreux compromis de Lula décident de former un nouveau parti plus radical, le Parti pour le Socialisme et la Liberté, le PSOL.

En 2005, au cours du cinquième Forum Social Mondial, un Tribunal contre la dette est organisé à Porto Alegre avec 1000 participant-es de tous les continents. L’Audit de la dette brésilienne, Jubiléee Sud, MST et le CADTM sont dans son organisation. Puis MST rejoint Lula et se désintéresse de la dette tandis que l’Audit Citoyen de la Dette brésilienne poursuit avec le CADTM.

D’ailleurs en 2007, Maria Lucia Fattorelli, en tant que représentante de l’Audit de la dette brésilienne et Éric Toussaint, du CADTM International , deviendront membres de la CAIC, la Commission d’Audit Intégral de la Dette instituée par le nouveau président équatorien Rafael Correa dont la mission est d’évaluer les dettes illégitimes contractées entre 1976 et 2006 en Equateur . Celle-ci rendra publics ses travaux en novembre 2008 et demandera la suspension unilatérale du paiement d’une partie importante (70%) de la dette réclamée à l’Équateur sous forme de titres souverains, détenus par des banques américaines. La somme libérée permettra une augmentation des dépenses sociales à partir de 2009-2010 en Équateur. Cependant, la commission de la CAIC rentre en conflit avec la compagnie brésilienne Odebrecht qui avait construit une centrale hydroélectrique en Equateur de très mauvaise qualité et qui surfacturait les coûts sans respecter le cahier des charges. La CAIC a estimé que les dettes rattachées à ce projet étaient illégales et illégitimes. En septembre 2008, comme Odebrecht refusait de payer des dommages et intérêts à l’Équateur, l’armée équatorienne a occupé les installations de la centrale. Lula a rappelé l’ambassadeur du Brésil et porté l’affaire devant la Cour d’Arbitrage de Paris qui a donné tort à L’Équateur.

De la même manière, Lula est intervenu en 2009 contre la dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
réclamée contre des entreprises brésiliennes au Paraguay.

En effet, en 2008, Fernando Lugo, président progressiste, alors conseillé par un juriste ancien permanent du CADTM, Hugo Ruiz Diaz Balbuena, forme, 6 mois après son élection, une Commission d’Audit de la Dette Paraguayenne à Asuncion.
Elle dénonce les dettes odieuses contractées par les deux dictatures militaires qui se sont succédées à partir de 1970 : tout d’abord sous la junte militaire brésilienne et ensuite sous la dictature paraguayenne du Général Stroessner. Un des projets monstrueux remis en cause par l’audit paraguayen est le barrage d’Itaipu.
Un décret présidentiel devait créer une Commission d’Audit mais Lugo cède sous la pression du gouvernement de Lula ainsi que des entreprises brésiliennes qui sont les principales créancières du Paraguay qu’elles exploitent. En échange, Lula promet à Lugo des concessions minimes : il propose d’augmenter un peu la somme payée annuellement au Paraguay par le Brésil pour l’électricité fournie au Brésil par le Paraguay via le barrage d’Itaipu.

En 2010-2014, un audit de la dette du Paraguay a quand même eu lieu mais il est réalisé par la Cour des Comptes de 2010 à 2011. En 2012, Fernando Lugo, est renversé par un coup d’État parlementaire fomenté par la droite.

Néanmoins, au Brésil, l’aventure des audits de la dette se poursuit.

De 2009 à 2019, l’Audit Citoyen de la Dette du Brésil, qui a organisé un peu partout des sections locales composées d’activistes dynamiques, obtient une Commission parlementaire d’Audit de la dette grâce au PSOL mais les parlementaires du PT, les conservateurs et conservatrices, empêchent cette remise en cause. Dilma Rousseff, au pouvoir de 2011 à 2016, bloque complètement le projet.

Maria Lucia Fattorelli poursuit son activité en participant en Grèce à la Commission pour la Vérité sur la Dette Grecque au parlement grec en 2015 et elle coproduit un manuel sur l’audit de la dette traduit en Français, Espagnol et Anglais.

En 2011, La CPI, la Commission Parlementaire d’Investigation de la Dette Brésilienne émet un bilan, en parallèle au rapport de Ivan Valente qui visait à identifier des illégitimités ou illégalités de la dette du Brésil au Ministère public. Un groupe de procureur-es fédéraux est chargé de la mission d’enquêter sur le sujet par le Ministère Public et à deux reprises Maria Lucia Fattorelli est invitée comme témoin. Deux rapports sont issus de cette rencontre.
Interrogée le 6 janvier 2012 par Stephanie Jacquemont du CADTM Belgique, Maria Lucia Fattorelli a partagé les résultats de ses premières enquêtes dans un article intitulé : « L’Audit des Dettes Publiques Locales gagne du terrain au Brésil » publié dans Les Autres Voix De la Planète, fin 2020. Elle raconte l’impact désastreux qu’a signifié la loi n° 9697, imposée par le FMI en 1997, sur l’endettement public des États fédérés et de l’Union.

Dilma Rousseff succède en 2011 à Lula, emprisonné suite à l’affaire Odebrecht puis elle est démise de ses fonctions par un coup d’État institutionnel au Sénat, orchestré par son vice-président de droite, Michel Temer, placé par le PT en 2011, et qui devient président en 2016.

En 2018- 2019, Jair Bolsonaro, leader de l’extrême droite, proche des idées de Trump (raciste, sexiste, homophobe, climato négationniste) et antipopulaire, gagne les élections présidentielles. Il va essayer d’acheter l’électorat le plus pauvre, en 2019, en allant plus loin dans la politique initiée par Lula. Il va en effet accorder la Bolsa Familia à 13,5 millions de familles, 1/5 de la population, mais finalement, celles-ci ne gagneront que 40 euros par mois en moyenne si leur revenu est inférieur à 20 euros par mois, ce qui fait moins de 1 euro par jour ! Bolsonaro, lancera aussi « une purge contre le PT, contre les fonctionnaires communistes », comme le Brésil n’a jamais connu avant.

Finalement, la gauche s’est unie contre Bolsonaro et autour de Lula après avoir exigé sa libération en novembre 2019. Lula a remporté les élections de 2020 mais de justesse et le pays est fortement divisé entre ses partisans et partisanes et ceux et celles de Bolsonaro.
En 2018, la campagne électorale du membre du PSOL, Guilherme Boulos, avait mis de côté l’audit de la dette dont le remboursement ne lui semble plus problématique. Il n’a pas remporté autant de voix que Luciana Genro, en 2014, du même parti, mais qui soutenait ouvertement l’audit citoyen. Tout dépend maintenant d’une dizaine de député-es PSOL plus radicaux.

Espérons que Fernanda Melchionna, députée fédérale du PSOL, réussisse à convaincre un front parlementaire suffisant pour faire adopter prochainement l’audit citoyen de la dette Brésilienne .


Traduction(s)