29 septembre 2015 par Catherine Caron
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Après les plans « de sauvetage », voilà qu’on nous parle désormais, et le plus sérieusement du monde, de plans « d’aide » à la Grèce. Ces mots passent comme lettre à la poste dans l’esprit de bien des gens qui se disent que ce pays, en effet, reçoit beaucoup d’aide. Or, non seulement ces mots sont-ils une insulte à l’intelligence et au peuple grec, mais ils travestissent aussi de manière abjecte un autre mot : la solidarité. Les élites financières et politiques – le FMI, la Banque centrale européenne et la Commission européenne, France et Allemagne en tête – ont aidé et aident ce pays comme on jette une bouée lestée de pierres à un naufragé.
Dès juin 2013, une étude d’Attac Autriche [1], entre autres, l’a révélé : ce sont les banques et les richissimes qu’on a principalement sauvés. Deux ans plus tard, c’était au tour de la Commission pour la vérité sur la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
grecque de déboulonner l’idée que la Grèce et sa population aient jamais été sauvées ou aidées.
Sous la direction d’Éric Toussaint, du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM), et avec la participation d’experts grecs et étrangers, de parlementaires et de citoyens, cette commission a examiné la dette grecque au scalpel et rendu public son rapport préliminaire les 17 et 18 juin dernier. Son constat est implacable : cette dette est illégale, illégitime, odieuse et insoutenable. Avant même les plans « d’aide », son accroissement n’était guère le résultat de dépenses excessives, comme on aime à le faire croire ; et depuis, « …la plupart des prêts de sauvetage consentis sous des conditions très sévères à la Grèce après 2010 ont été utilisés au bénéfice exclusif des banques privées… » (p. 16).
Ainsi, la dette ne cesse d’augmenter, justifiant de scandaleuses réformes et privatisations – le viol des droits de la population, de la Constitution grecque et de la démocratie elle-même. Un coup d’État technocratique comme notre époque sait tristement en produire. Amoral et révoltant.
S’appuyant sur l’examen des transactions ainsi que sur le droit interne et international, ce rapport n’est-il pas une arme redoutable que le gouvernement d’Alexis Tsipras aurait dû utiliser à bon escient ? Confronté à une impasse, mais fort du soutien populaire obtenu lors du référendum du 5 juillet, à l’issue duquel plus de 61 % de la population a rejeté le énième plan « d’aide » proposé à la Grèce, il avait les arguments juridiques et la légitimité pour suspendre le paiement de la dette grecque. Selon Éric Toussaint, pareil geste, accompagné de mesures bancaires et fiscales, aurait fourni un levier au parti Syriza pour mettre en route son programme. Surtout, cela aurait modifié le rapport de force avec les créanciers et forcé un vrai débat au sujet de la dette. Une tragique occasion ratée donc, mais un document phare qui, espérons-le, dans sa version finale, parviendra à contribuer à un changement radical pour que cesse l’emprise de la finance sur le monde.
Dans un tout autre registre, chez nous, le rapport « Rhétorique et réalité : évaluer le bilan économique du Canada sous le gouvernement Harper » torpille les prétentions du Parti conservateur à cet égard. Ses auteurs, les économistes Jim Stanford et Jordan Brennan, du syndicat Unifor, s’y montrent catégoriques : « Il est exagéré de dire que l’économie canadienne est bien gérée depuis que le gouvernement Harper est au pouvoir. Au contraire, le Canada enregistre la performance la plus médiocre de toute son histoire économique d’après-guerre » (p. 28). La démonstration est étoffée et offre des munitions dans le cadre de la campagne électorale fédérale en cours. Sachons nous en servir… et nous méfier des beaux discours.
Source : CJF
[1] Attac, « Greek Bail-Out : 77 % went into the Financial Sector », 17 juin 2013.