Le Brésil, l’Algérie et la Norvège l’ont fait. Pourquoi pas la Belgique ?

12 juillet 2013 par Olivier Bonfond


NL : Schuldkwijtschelding : Brazilië, Algerije en Noorwegen deden het al. Waarom België niet ?

Il y a quelques semaines, fin mai 2013, l’Algérie et le Brésil ont décidé d’annuler des dettes qu’ils détenaient sur plusieurs pays africains. Le gouvernement algérien a annulé des dettes pour un montant de 902 millions de dollars qu’il détenait sur 14 pays africains. Au même moment, le Brésil annonçait une annulation d’un montant à peu près équivalent (900 millions de dollars répartis sur 12 pays africains).



Ne nous voilons pas la face : aucun de ces deux pays n’a annulé par pure solidarité ou altruisme. Les intentions du gouvernement brésilien sont surtout de renforcer son implantation sur un continent qui regorge de ressources naturelles et qui est fortement « courtisé » par les autres grandes puissances économiques, dont la Chine et l’Inde.

Suite à une importante campagne d’ONG et de mouvements sociaux, la Norvège a reconnu sa responsabilité dans l’endettement illégitime de 5 pays du Sud : Équateur, Égypte, Jamaïque, Pérou et Sierra Leone. En conséquence, La Norvège a décidé en 2007 l’annulation unilatérale et sans conditions de ces créances illégitimes, pour un montant d’environ 80 millions de dollars. Pour la première fois, un pays membre du Club de Paris Club de Paris Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.

Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.

Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
 [1] , a admis être responsable de politiques de prêt inadéquates et a pris les mesures qui s’imposaient de manière unilatérale et sans comptabiliser les montants de dettes annulés dans son aide publique au développement pour la gonfler artificiellement.

Que cela soit pour respecter des principes de solidarité, servir des intérêts économiques ou assumer ses responsabilités, ces exemples montrent clairement qu’un pays, même un pays « émergent » ou un pays « pauvre », peut décider de manière unilatérale et souveraine d’annuler la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
d’autres pays. Une question se pose : pourquoi la Belgique ne déciderait-elle pas d’annuler intégralement toutes les créances qu’elle détient à l’égard des pays en développement (PED) ?

Les contribuables belges accepteraient-ils ? Oui. Même en période de crise où on leur demande de se serrer fortement la ceinture. En effet, les derniers sondages montrent que « près des deux tiers des citoyens belges restent, malgré la crise, en faveur du respect des engagements d’augmentation de l’aide aux pays en développement, tandis que 85% des belges et des Européens estiment qu’il est important d’aider les pays en développement [2] ».

La Belgique doit-elle le faire ? Oui. Avancer dans cette direction ne ferait que concrétiser une série d’engagements déjà pris par la Belgique. Le 29 mars 2007, le sénat belge a adopté une résolution [3] qui demandait notamment au gouvernement d’instaurer immédiatement un moratoire Moratoire Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.

Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
avec gel des intérêts sur le remboursement du service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. bilatérale à l’égard des PED, et d’organiser un audit de leurs dettes pour identifier la part odieuse et ensuite l’annuler. Plus récemment, Dans son accord 2011, le gouvernement belge s’est également engagé à réaliser « l’audit des dettes et à annuler enpriorité les dettes contractées au détriment des populations [4] ». Or, n’oublions pas que la Belgique a prêté à plusieurs reprises à des dictatures avérées telles que le Zaïre de Mobutu, l’Indonésie de Suharto, les Philippines de Marcos, la Tunisie de Ben Ali, l’Egypte de Moubarak, le Gabon d’Omar Bongo, le Congo-Brazzaville de Sassou Nguesso, etc.

Cela coûterait-il trop cher ? Non. Le montant total des créances de la Belgique sur les PED s’élève à environ 2 milliards d’euros [5]. Deux milliards d’euros, c’est presque 5 fois moins que ce qui a été injecté dans la seule banque Dexia pour la sauver de la faillite. Par ailleurs, l’effort réel ne serait pas de 2 milliards d’euros. D’une part, parce que ces créances se rachètent sur le marché secondaire à environ 25% de leur valeur nominale. D’autre part, parce que ce qui compte réellement, ce sont les montants annuels qui ne seront effectivement plus perçus par la Belgique au titre du remboursement de ces dettes. Or ces montants ne dépassent pas quelques centaines de millions d’euros. Une telle décision ne représenterait donc pas un effort financier important et ces pertes pourraient facilement être compensées par d’autres mesures, telles que le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale. Elle aurait par contre valeur d’exemple à l’heure où la Belgique, en bon soldat de l’austérité, élabore un budget qui s’assied sur ses engagements internationaux [6] : après avoir retiré 400 millions d’euros de son aide au développement pour le budget 2012, le gouvernement en remet deux couches avec 50 millions d’euros « d’économies » en 2013 et 125 millions d’euros en 2014. Enfin, cette annulation pourrait jeter les bases d’une nouvelle politique de coopération au développement dans laquelle les concepts de cohérence, justice sociale et égalité ne sont pas de vains mots.

Carte Blanche publiée dans le journal Le Soir du 12/07/2013


Schuldkwijtschelding : Brazilië, Algerije en Noorwegen deden het al. Waarom België niet ?

Een tijd geleden, eind mei 2013, hebben Algerije en Brazilië beslist om de schulden te annuleren die verschillende Afrikaanse landen nog aan hen moesten terugbetalen. De Algerijnse regering deed dit voor een bedrag van 902 miljoen US dollar, een tegoed ten aanzien van 14 Afrikaanse landen. Tegelijkertijd kondigde Brazilië de annulatie van een schuld van ongeveer hetzelfde bedrag aan (900 miljoen US dollar) over 12 Afrikaanse landen.

We dienen ons er echter van bewust te zijn dat noch Algerije, noch Brazilië deze schulden annuleerden uit pure solidariteit of altruïsme. De Braziliaanse regering wil vooral haar positie versterken in een continent rijk aan natuurlijke grondstoffen in de hoop zo tegengewicht te kunnen bieden aan andere economische grootmachten zoals China en India die Afrika reeds op de hielen zitten.

Als gevolg van een invloedrijke campagne van NGO’s en sociale bewegingen heeft ook Noorwegen haar verantwoordelijkheid opgenomen rond de illegitieme schuldenlast van 5 landen uit het Zuiden : Equator, Egypte, Jamaica, Peru en Sierra Leone. Noorwegen heeft bijgevolg in 2007 unilateraal en onvoorwaardelijk beslist om de respectievelijke schuldenlast van ongeveer 80 miljoen US dollar te annuleren. Het is de eerste keer dat een land, lid van de “Club van Parijs” [7]
, heeft toegegeven politiek verantwoordelijk te zijn voor een illegitieme schuldenlast en er vervolgens ook op unilaterale wijze maatregelen voor neemt, zonder de annulatie als ontwikkelingshulp in te schrijven om deze kunstmatig te verhogen.

Of dergelijke initiatieven nu voortvloeien uit solidariteit, een verantwoordelijkheidsgevoel of uit economische belangen, de voorbeelden van Brazilië, Algerije en Noorwegen tonen aan dat een land, “rijk”, “arm” of “groeiend”, eenzijdig en autonoom kan beslissen om de schuldenlast van andere landen te annuleren. De hamvraag rijst : waarom beslist België niet om de schuldenlast van de ontwikkelingslanden integraal kwijt te schelden ?

Zal de Belgische belastingbetaler dat aanvaarden ?

Ja, zelfs in een periode van crisis waar gevraagd wordt om de broeksriem stevig aan te snoeren. Recente onderzoeken tonen aan dat bijna twee derde van de Belgische bevolking ondanks de crisis ontwikkelingshulp- en samenwerking blijft steunen terwijl 85% van de Belgen en de Europeanen menen dat het belangrijk is om ontwikkelingslanden te steunen [8].

Dient België de schuld ten aanzien van de ontwikkelingslanden te annuleren ?

Ja. Een evolutie in deze richting zou een resem van engagementen die België al heeft aangegaan onderschrijven. Op 29 maart 2007 heeft de Belgische Senaat een besluit [9] aangenomen waar aan de regering onder andere gevraagd werd een moratoire op de bilaterale schulden van de ontwikkelingslanden in te voeren waarbij de interesten zouden bevroren worden.

Ook werd gevraagd om een audit van de Belgische schulden uit te voeren ter identificatie van het illegitieme deel zodat dit zou kunnen geannuleerd worden. Meer recent, in het regeerakkoord voor 2011, heeft de Belgische regering zich eveneens geëngageerd om een audit van de schulden door te voeren en a priori de schulden te annuleren waar de bevolking nadelen van ondervindt [10].

Bovendien dienen we ons ervan bewust te zijn dat België herhaaldelijk geld heeft geleend aan dictaturen zoals het Zaïre van Mobutu, het Indonesië van Suharto, de Filipijnen van Marcos, het Tunesië van Ben Ali, het Egypte van Moubarak, het Gabon van Omar Bongo, de Congo-Brazzaville van Sassou Nguesso, enzovoort.

Zal de annulatie van deze schuld te veel kosten ?

Neen. De schuldenlast ten aanzien van de ontwikkelingslanden bedraagt ongeveer 2 miljard euro [11]. Twee miljard euro, dat is bijna 5 keer minder dan het bedrag dat geïnjecteerd werd in Dexia om de bank van faillissement te redden. Bovendien bedraagt de werkelijke inzet lang geen 2 miljard euro. Enerzijds omdat deze schulden op de secondaire markt verkocht worden aan ongeveer 25% van hun nominale waarde. Anderzijds, en dat is wat werkelijk telt, is wat Belgïe jaarlijks terugbetaald zou krijgen. Kortom, deze bedragen overschrijden niet meer dan enkele honderden miljoenen euros. Een dergelijke beslissing zou met andere woorden geen belangrijke financiële repercussies met zich meebrengen en de “verliezen” zouden gemakkelijk kunnen gecompenseerd worden via andere maatregelen zoals een werkelijke strijd tegen fiscale fraude.

Bovendien, deze beslissing zou een goed voorbeeld kunnen zijn wanneer België, als trouwe soldaat van de besparingspolitiek, haar budget voor internationale samenwerking aanpast [12] : nadat er 400 miljoen euro bespaard werd op ontwikkelingshulp in 2012, blijf de regering verder bezuinigen met 50 miljoen euro in 2013 en 125 miljoen euro in 2014. Tenslotte zou de annulatie van de schuldenlast van de ontwikkelingslanden de basis kunnen leggen voor een nieuwe politiek van ontwikkelingssamenwerking waar begrippen als coherentie, sociale rechtvaardigheid, en gelijkheid echt betekenis krijgen.

Nederlandse vertaling : Kelly Snoeck


Olivier Bonfond est économiste, conseiller au CEPAG et auteur du livre “Et si on arrêtait de payer ? 10 questions / réponses sur la dette publique belge et les alternatives à l’austérité.”. Editions Aden. Juin 2012.

Olivier Bonfond is economist, adviseur CEPAG, lid van CADTM Belgïe en auteur van het boek “Et si on arrêtait de payer ? 10 questions / réponses sur la dette publique belge et les alternatives à l’austérité.” Uitgeverij Aden. Juni 2012.

Notes

[1Le Club de Paris est le groupe formé par les 19 pays créanciers les plus riches. Il est chargé de renégocier la dette publique bilatérale des pays du sud qui ont des difficultés de paiement. Entre les créanciers de ce Club règne en général le « principe de solidarité »

[3Source : Sénat belge ; Doc. parl., 3-1507/6, 29 mars

[52.065.920.000 euros au 31/12/2012

[6La Belgique s’était juridiquement engagée à mobiliser 0,7% de ses richesses en aide au développement dès 2010. Avec ces « économies », l’APD belge sera inférieure à 0,5% du PIB

[7De ’Club de Paris’ groepeert de 19 rijkste schuldeisers. Deze groep is belast met de heronderhandelingen over de bilaterale publieke schulden van landen uit het Zuiden die moeilijkheden hebben om hun schulden af te lossen. Binnen deze groep heerst het principe van solidariteit.

[9Bron : Sénat belge ; Doc. parl., 3-1507/6, 29 mars

[112 065 920 000 euros tot 31/12/2012

[12België heeft zich juridisch geëngageerd om vanaf 2010 0,7% van haar rijkdom te investeren in ontwikkelingshulp. In deze economie ligt het BNP van België onder 0,5% van het BIP.

Olivier Bonfond

est économiste et conseiller au CEPAG (Centre d’Éducation populaire André Genot). Militant altermondialiste, membre du CADTM, de la plateforme d’audit citoyen de la dette en Belgique (ACiDe) et de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015.
Il est l’auteur du livre Et si on arrêtait de payer ? 10 questions / réponses sur la dette publique belge et les alternatives à l’austérité (Aden, 2012) et Il faut tuer TINA. 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde (Le Cerisier, fev 2017).

Il est également coordinateur du site Bonnes nouvelles

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