4 juin 2014 par CADTM International
Depuis de nombreuses années, la question de la dette publique préoccupe le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Au sein de cet organe des Nations unies, un expert indépendant est chargé d’examiner les effets de la dette extérieure sur les droits humains. Cephas Lumina, qui occupe ce poste depuis 2008, vient d’achever son mandat.
Durant les six dernières années, Cephas Lumina a effectué de nombreuses missions sur le terrain, participé à de nombreuses conférences comme le 11e Séminaire international du CADTM sur la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
et les droits humains en 2012 [1] et réalisé de nombreux rapports [2] sur la relation entre la dette extérieure et les droits fondamentaux.
Ces rapports soulignent :
Ces rapports reprennent la stratégie du CADTM pour rompre avec le cercle infernal de dette. Cette stratégie consiste à réaliser des audits de la dette avec la participation des citoyens afin d’identifier et annuler sans condition les dettes odieuses et illégitimes contractées sur le dos des populations avec la complicité des créanciers. A cet égard, l’audit mené par l’Équateur sur sa dette publique (externe et interne) en 2007-2008 est un exemple à suivre.
Dans un rapport consacré à la dette argentine publié en novembre 2013, Cephas Lumina encourage les autorités argentines à procéder également à un audit de sa dette afin d’évaluer la part de la dette qui peut être qualifiée d’« odieuse » et que les créanciers doivent annuler sans condition. Malheureusement, l’Argentine n’a pas suivi cette recommandation puisqu’elle vient de conclure le 29 mai dernier avec le Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
, ce groupe informel qui réunit les 19 plus riches États créanciers, un accord qui prévoit le remboursement de la dette argentine alors qu’elle est largement odieuse et illégitime. Rappelons que la Cour suprême argentine avait pourtant déclaré la nullité de cette dette .dans un célèbre jugement (la « sentence Olmos ») du 13 juillet 2000, après avoir dénombré pas moins de 477 délits dans la formation de cette dette [3]. Les autorités auraient pu s’appuyer sur ce jugement pour refuser de la rembourser mais ils ne l’ont pas fait.
Cet accord entre l’Argentine et le Club de Paris démontre une fois de plus que les créanciers refusent de prendre leur responsabilités et font passer le remboursement des dettes avant le respect des droits humains.
Dans son dernier rapport paru en mars 2014, Cephas Lumina dénonce d’ailleurs le manque de coopération des États-Unis et de l’Union européenne qui sapent les travaux et les recommandations du Conseil des droits de l’homme. Pour une majorité de ces gouvernements, la question de la dette n’aurait pas de lien avec les droits humains et doit donc être confiée uniquement au Club de Paris, au FMI et la Banque mondiale qui leur permettent de préserver leurs intérêts en tant que créanciers.
Dès lors, Cephas Lumina conclut qu’il n’est pas réaliste d’espérer que ces créanciers, qui n’intègrent pas les droits humains dans leurs politiques et programmes, s’attachent à trouver des solutions équitables aux problèmes de dettes publiques.
Le CADTM partage ce constat et appelle les pays débiteurs à désobéir aux créanciers en refusant de payer les dettes odieuses et illégitimes.
Les rapports de Cephas Lumina, bien qu’ils ne soient pas juridiquement contraignants pour les gouvernements et les organisations internationales, sont une pierre de plus au combat global contre les dettes odieuses et illégitimes. Ce combat est politique et ne peut se gagner que grâce à la mobilisation populaire. A cette fin, il est urgent de mettre en place au Sud comme au Nord des audits citoyens de la dette.
Contacts :
[2] Les communiqués, études et rapports de mission de Cephas Lumina sont accessibles sur http://www.ohchr.org/FR/Issues/Development/IEDebt/PagesIEDebtIndex.aspx
Lire également l’interview qu’il a accordé au CADTM : http://cadtm.org/Entretien-avec-l-Expert
[3] Lire la sentence Olmos sur http://cadtm.org/Deuda-externa-de-la-Argentina
8 mars,
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