Presse internationale
8 juin 2008 par Benjamin Bilombot Bitadys
La bataille larvée, à coup de millions de dollars, que se livre le Congo-Brazzaville et les Fonds vautour
Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
sur le ring de la finance internationale et sur le dos des Congolais continue de produire son lot de surprises. Aux uppercuts des uns, succèdent les crochets des autres sans envoyer pour autant l’adversaire définitivement au tapis. Les Fonds vautour ont la dent dure. Ils ne lâchent leur proie qu’après leur avoir fait les poches.
Pour lutter contre l’acharnement des Fonds vautours sur leur pays, les Congolais de la « Nouvelle Espérance » ont trouvé la parade : mimer leurs prédateurs. Ainsi se sont créés des Fonds vautour d’origine congolaise dont le but est de poursuivre le Congo pour récupérer des dettes que pourtant, eux-mêmes, ont contractées au nom du Congo.
Il fallait le faire. Ils ont simplement cloné leur adversaire. De vrais « chiens » (dirait Jean-Paul Sartre). S’il existe une force du mal au-delà de Lucifer les agents de la Nouvelle Espérance, doivent être ses adeptes.
Le loup dans la bergerie
L’avènement des Fonds vautour au Congo-Brazzaville est le résultat de la gestion catastrophique des finances publiques. La dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
est un rite économique incontournable. Mal maîtrisée, elle peut attirer les convoitises des prédateurs. Qui paie ses dettes s’enrichit. Le Congo-Brazzaville dispose pourtant des marges budgétaires substantielles capables d’assurer le service de la dette
Service de la dette
Remboursements des intérêts et du capital emprunté.
ainsi que le financement des projets de développement sur fonds propres
Fonds propres
Capitaux apportés ou laissés par les associés à la disposition d’une entreprise. Une distinction doit être faite entre les fonds propres au sens strict appelés aussi capitaux propres (ou capital dur) et les fonds propres au sens élargi qui comprennent aussi des dettes subordonnées à durée illimitée.
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Malheureusement, comme pour faire la part belle aux fonds vautour derrière lesquels se cachent les agents de La « Nouvelle Espérance », le Congo-Brazzaville a eu systématiquement recours au crédit pour financer ses infrastructures. A défaut de respecter les règles de l’orthodoxie financière, s’ouvre une brèche dans laquelle s’engouffrent les fonds vautours.
Les fonds vautour ou vulture funds sont des fonds de couverture qui rachètent à vil prix des obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
(des créances) de pays pauvres, souvent accablés de dettes, pour ensuite entamer une procédure judiciaire à l’usure et les obliger à payer la valeur nominale (le montant initial de la créance) de ces obligations au moment de leur émission, majorée des intérêts moratoires. Ils s’intéressent à tous les types de pays, y compris les pays pauvres très endettés
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(PPTE).
Il a été confirmé qu’un fonds vautour établi dans les îles Caïman a fait saisir à deux reprises en Belgique des fonds de l’État belge destinés au Congo-Brazzaville. Il s’agit plus concrètement de l’entreprise Kensington International. Celle-ci a racheté la dette du Congo-Brazzaville, auprès des bailleurs des Fonds privés qui avaient du mal à se faire rembourser, pour 1,8 million de dollars. Cette entreprise, dont le siège est établi dans les îles Caïman, réclamait 120 millions de dollars au Congo-Brazzaville. Pour se faire payer, Kensington International fait saisir dans le monde entier des fonds destinés au Congo-Brazzaville.
Une première saisie, pour un montant de 10.300.000 euros, concerne un prêt d’État à État qui fait partie d’un crédit mixte destiné au financement de la construction d’une centrale thermique à Brazzaville. Les agents de « La Nouvelle Espérance », pétris de mauvaise foi, ont vite trouvé les responsables de la pénurie d’électricité au Congo-Brazzaville : les méchants fonds vautour. Plus de 5 millions ont dû être déposés par le département des Finances à la Caisse de dépôts et consignations à la suite d’un jugement du Tribunal de Première Instance de Bruxelles du 31 mai 2007, tandis qu’un subside de 587 585 euros, dévolu à la direction générale de la Télévision nationale congolaise, avait déjà fait l’objet d’une saisie le 30 décembre 2004.
Les fourberies de Mvouba
Face à ce phénomène, Isidore Mvouba trouva une bien étrange échappatoire. Son gouvernement (dit-il avec le simplisme qu’on lui connaît), se trouvait « obligé de cacher certains de ses comptes afin que ses revenus pétroliers ne tombent et ne soient pas saisis par des fonds vautours ». Mvouba, cynique précisa : « Face a ces gens sans foi, nous sommes obligés de protéger l’argent du Congo-Brazzaville » avait bonnement dit le Premier ministre congolais qui réagissait ainsi pour la première fois en 2005 à la condamnation du Congo par la justice britannique dans l’affaire Kensington International-Eliot Partners. Répondant au Tribunal de Londres, Isidore Mvouba avait déclaré : « nous avons été obligés de protéger l’argent du peuple congolais afin qu’il ne tombe pas sous les fourches caudines ou dans les gosiers de ces prédateurs » (23 Janvier 2006, Pana Presse).
Au sommet de l’Etat, une mafia
Au terme d’une longue tractation, le Congo-Brazzaville a soldé le 4 Mars 2008 son contentieux avec le Fonds de Jay Newman, Kensington International, après moult rebondissements. A quel prix ? L’opacité qui entoure cet accord en dit long sur les relations incestueuses entretenues par les fonds vautours et les agents de La Nouvelle Espérance. Les fonds vautour profitent en effet de l’oxygène financier partiellement retrouvé par les Etats pauvres pour le forcer à rembourser de vieilles créances rachetées sur le marché secondaire avec décote, souvent à des Banques empressées de les vendre. Aussi est-il indispensable, selon Arnaud Zacharie du Centre National de Coopération au Développement(CNCD), de conscientiser également les débiteurs. « On a atteint la caricature des caricatures au Congo-Brazzaville, quand on s’est rendu compte que des personnes issues du gouvernement avaient créé un fonds vautour pour racheter des créances, attaquer l’Etat congolais et faire une plus-value
Plus-value
La plus-value est la différence entre la valeur nouvellement produite par la force de travail et la valeur propre de cette force de travail, c’est-à-dire la différence entre la valeur nouvellement produite par le travailleur ou la travailleuse et les coûts de reproduction de la force de travail.
La plus-value, c’est-à-dire la somme totale des revenus de la classe possédante (profits + intérêts + rente foncière) est donc une déduction (un résidu) du produit social, une fois assurée la reproduction de la force de travail, une fois couverts ses frais d’entretien. Elle n’est donc rien d’autre que la forme monétaire du surproduit social, qui constitue la part des classes possédantes dans la répartition du produit social de toute société de classe : les revenus des maîtres d’esclaves dans une société esclavagiste ; la rente foncière féodale dans une société féodale ; le tribut dans le mode de production tributaire, etc.
Le salarié et la salariée, le prolétaire et la prolétaire, ne vendent pas « du travail », mais leur force de travail, leur capacité de production. C’est cette force de travail que la société bourgeoise transforme en marchandise. Elle a donc sa valeur propre, donnée objective comme la valeur de toute autre marchandise : ses propres coûts de production, ses propres frais de reproduction. Comme toute marchandise, elle a une utilité (valeur d’usage) pour son acheteur, utilité qui est la pré-condition de sa vente, mais qui ne détermine point le prix (la valeur) de la marchandise vendue.
Or l’utilité, la valeur d’usage, de la force de travail pour son acheteur, le capitaliste, c’est justement celle de produire de la valeur, puisque, par définition, tout travail en société marchande ajoute de la valeur à la valeur des machines et des matières premières auxquelles il s’applique. Tout salarié produit donc de la « valeur ajoutée ». Mais comme le capitaliste paye un salaire à l’ouvrier et à l’ouvrière - le salaire qui représente le coût de reproduction de la force de travail -, il n’achètera cette force de travail que si « la valeur ajoutée » par l’ouvrier ou l’ouvrière dépasse la valeur de la force de travail elle-même. Cette fraction de la valeur nouvellement produite par le salarié, Marx l’appelle plus-value.
La découverte de la plus-value comme catégorie fondamentale de la société bourgeoise et de son mode de production, ainsi que l’explication de sa nature (résultat du surtravail, du travail non compensé, non rémunéré, fourni par le salarié) et de ses origines (obligation économique pour le ou la prolétaire de vendre sa force de travail comme marchandise au capitaliste) représente l’apport principal de Marx à la science économique et aux sciences sociales en général. Mais elle constitue elle-même l’application de la théorie perfectionnée de la valeur-travail d’Adam Smith et de David Ricardo au cas spécifique d’une marchandise particulière, la force de travail (Mandel, 1986, p. 14).
! » (La Libre Belgique, 06 Mars 2008).
Sassou, Mvouba et les agents de « La Nouvelle Espérance » rapatrieront-ils les millions de dollars du Congo-Brazzaville planqués à l’étranger ? Le sort réservé aux indemnités des travailleurs de la Comilog n’inspire pas confiance. Le gangstérisme économique et financier qui caractérise les agents de « La Nouvelle Espérance », qui ont laissé filer les déficits et développer une véritable mafia de la dette, ne protège pas le Congo-Brazzaville contre les assauts à répétition des fonds vautours et leurs clones. Leurs opérations juteuses se sont multipliées avec les allégements de dettes des pays les plus pauvres opérés dans la foulée de la campagne du Jubilé 2000. Le Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
, le Club de Londres
Club de Londres
Homologue du Club de Paris, ce Club réunit les banques privées qui détiennent des créances sur les PED. Créé en 1976 suite à une demande en provenance de l’ex-Zaïre, le Club de Londres est un groupe informel, sans statut et légitimité, se réunissant pour entreprendre des opérations de restructuration de dettes souveraines de pays en difficulté de paiement. Sous l’effet de la crise de la dette du Tiers-Monde, il gagne en importance dans le dernier quart du XXe siècle.
Face à l’évolution du profil d’endettement des pays en développement dès les années 2000, délaissant le recours aux banques privées au profit des marchés financiers, le Club de Londres serait actuellement inactif. Son rôle est aujourd’hui assumé de fait par l’IIF (Institute of International Finance, https://www.iif.com/ ), association de 500 établissements financiers (banques, gestionnaires d’actifs, compagnies d’assurance, fonds souverains et des fonds spéculatifs) régulièrement invitée à participer aux réunions du Club de Paris.
et la Chine ont annulé et réduit une partie de la dette du Congo-Brazzaville après un lobbying acharné auprès des argentiers-bailleurs. Est-ce un hasard ? C’était du pain béni ! Décidément, au Congo-Brazzaville, quelque chose ne va pas.
Source : Kimpwanza