Le G8 en Italie combine l’injustice et l’injure à l’égard des populations du Sud !

11 juillet 2009 par Renaud Vivien




Après avoir saboté le sommet de l’ONU sur la crise économique et financière (24-26 juin 2009) initié par le Président de l’Assemblée générale de l’ONU Miguel d’Escoto Brockmann, les dirigeants des huit pays les plus industrialisés qui forment le G8 G8 Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002.  [1] se sont réunis du 8 au 10 juillet à l’Aquila en Italie pour leur grand-messe annuelle. Ce club des pays riches a, une fois de plus, été à la hauteur de sa (mauvaise) réputation mais certainement pas de la crise globale qui secoue la planète. Au même moment, plus d’un millier d’altermondialistes participent au 7e Forum des peuples organisé par la CAD Mali (membre du réseau CADTM) à Bandiagara au Mali.

Sans grande surprise, ce sommet du G8 n’a annoncé que des « mesurettes » censées lutter contre la crise mondiale. Pour répondre à la crise alimentaire, le G8 et certains pays émergents Pays émergents Les pays émergents désignent la vingtaine de pays en développement ayant accès aux marchés financiers et parmi lesquels se trouvent les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ils se caractérisent par un « accroissement significatif de leur revenu par habitant et, de ce fait, leur part dans le revenu mondial est en forte progression ». s’engagent à verser 20 milliards de dollars sur trois ans pour lutter contre la faim dans le monde. Cette somme peut, à première vue, paraître conséquente mais elle est manifestement insuffisante vu la catastrophe humanitaire qui se déroule sous nos yeux. Un milliard de personnes souffrent aujourd’hui de la faim, c’est 100 millions de plus qu’il y a un an ! Cet effort financier très médiatisé doit aussi être relativisé par rapport aux centaines de milliards de dollars que ces gouvernements n’ont pas hésité à débourser pour sauver les banques privées. De plus, le G8 ne remet pas en cause l’idéologie libérale qui a conduit à l’éclatement des émeutes de la faim en 2008. Bien au contraire, pour combattre la crise économique, les dirigeants du G8 ont réaffirmé leur attachement au principe du libre marché et leur volonté de conclure en 2010 les négociations de Doha sur la libéralisation du commerce mondial…

Concernant le volet écologique de cette crise globale, ils ont été tout simplement incapables d’adopter des objectif chiffrés à court terme pour la réduction des émission de gaz à effet de serre. Ils n’ont, par ailleurs, annoncé aucune aide financière pour les pays du Sud, premières victimes du réchauffement climatique. Pourtant, l’ONU indique que les pays riches devraient immédiatement transférer de 50 à 75 milliards de dollars par an aux pays pauvres pour les aider à faire face aux changements climatiques [2], sans parler des sommes qu’il faudrait débourser pour payer la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
écologique des pays industrialisés à l’égard du Sud…

Enfin, ce G8 s’est contenté de réaffirmer, comme l’année dernière à Hokkaido (Japon), ses vieilles promesses datant du Sommet de Gleneagles (Ecosse) de 2005 : augmenter leur aide publique au développement (APD APD On appelle aide publique au développement les dons ou les prêts consentis à des conditions financières privilégiées accordés par des organismes publics des pays industrialisés à des pays en développement. Il suffit donc qu’un prêt soit consenti à un taux inférieur à celui du marché pour qu’il soit considéré comme prêt concessionnel et donc comme une aide, même s’il est ensuite remboursé jusqu’au dernier centime par le pays bénéficiaire. Les prêts bilatéraux liés (qui obligent le pays bénéficiaire à acheter des produits ou des services au pays prêteur) et les annulations de dette font aussi partie de l’APD, ce qui est inadmissible. ) de 50 milliards de dollars, dont la moitié pour l’Afrique sub-saharienne, d’ici 2010. Or, on est actuellement très loin du compte puisqu’il manquait environ 30 milliards de dollars pour atteindre cet objectif en 2008. Pire l’APD stagne depuis 2005 d’après les chiffres donnés par l’OCDE OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
Créée en 1960 et basée au Château de la Muette à Paris, l’OCDE regroupait en 2002 les quinze membres de l’Union européenne auxquels s’ajoutent la Suisse, la Norvège, l’Islande ; en Amérique du Nord, les USA et le Canada ; en Asie-Pacifique, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. La Turquie est le seul PED à en faire partie depuis le début pour des raisons géostratégiques. Entre 1994 et 1996, deux autres pays du Tiers Monde ont fait leur entrée dans l’OCDE : le Mexique qui forme l’ALENA avec ses deux voisins du Nord ; la Corée du Sud. Depuis 1995 et 2000, se sont ajoutés quatre pays de l’ancien bloc soviétique : la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie. Puis d’autres adhésions se sont produites : en 2010, le Chili, l’Estonie, Israël et la Slovénie, en 2016 la Lettonie, en 2018 la Lituanie et, en 2020, la Colombie est devenue le trente-septième membre.

Site : www.oecd.org
et devrait même baisser en 2009 ! A titre d’exemple, la France a annoncé qu’elle ne devrait pas consacrer cette année plus de 0,39% de son PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
. Quant à l’Italie, elle a coupé de 56 % son budget pour la coopération au développement et son APD représente aujourd’hui seulement à 0,18 % de son PIB…

Ce n’est pas tout : les pays du G8 comptabilisent dans leur APD des dépenses qui ne servent qu’à gonfler artificiellement leur volume comme les allègements de dettes. Ainsi, la France qui se targue d’avoir augmenté son APD de 0,01% entre 2008 et 2009 inclut dans celle-ci le montant des annulations de dettes du Nigeria et de l’Irak.

Alors qu’une nouvelle crise de la dette du Sud est sur le point d’exploser, conséquence directe de la crise économique dont la responsabilité incombe exclusivement aux riches pays du Nord, le G8 est resté muet sur cette question. Ce silence n’est toutefois pas une mauvaise chose vu les effets d’annonce passés comme la fausse annulation totale de la dette des pays pauvres en 2005 à Gleneagles. Rappelons que cette annulation « historique » concernait uniquement les dettes de 18 pays en développement à l’égard du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Une goutte d’eau comparée aux 1350 milliards de dollars de dette publique externe dont les créanciers du Nord continuent à réclamer le remboursement malgré la crise et leur caractère illégitime. Rappelons, en effet, qu’une large part de ces dettes a été léguée par les dictatures ou par des régimes corrompus soutenus activement par les créanciers occidentaux.

Face à cette interconnexion des crises (alimentaire, sociale, économique, écologique, migratoire, de gouvernance mondiale) qui engendre la violations des droits humains fondamentaux, il est urgent de changer radicalement de logique en mettant en place des alternatives radicales comme celles présentées lors de l’Université du CADTM Europe. Puisque le G8 est incapable de répondre à ce défi, la réponse doit venir des autres pays et principalement ceux du Sud. Une première mesure indispensable est la répudiation unilatérale de toutes les dettes illégitimes. En effet, il est vain d’espérer du G8, comme le fait le président égyptien Hosni Moubarak, un gel provisoire des dettes africaines. Dès lors les gouvernements des pays en développement n’ont d’autre choix que de s’attaquer au problème de la dette sans concertation avec les créanciers, en menant des audits de la dette à l’instar de l’Equateur et comme l’encourage le nouveaurapport de l’Expert indépendant de l’ONU sur la dette externe. Ces audits permettront d’identifier et déclarer la nullité de toutes les dettes illégitimes. C’est un droit inaliénable de tous les Etats.

Enfin, une nouvelle architecture financière internationale avec le remplacement de la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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et du FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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, respectueuse des droits humains et du cadre de l’ONU doit impérativement se mettre en place. Pour ce faire, l’Assemblée générale de l’ONU est la seule instance légitime réellement existante. Le G8, le G20 G20 Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions. ou encore le G14 que veulent créer les présidents Sarkozy et Lula ne sont, en effet, que des clubs autoproclamés et manquant totalement de légitimité !


Notes

[1Font partie du G8 : États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada et Russie

[2John Vidal, 20th February 2009. Rich nations failing to meet climate aid pledges - Guardian

Renaud Vivien

membre du CADTM Belgique, juriste en droit international. Il est membre de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015. Il est également chargé de plaidoyer à Entraide et Fraternité.

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