Présidentielles françaises

Le bon, la dette et… les truands !

14 mai 2012 par Charlotte Géhin




Que retenir de cette campagne sinon un silence commun sur la Dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
. Chut ! Pas un mot sur les conséquences, en France, de la crise financière européenne. Et pourtant, concernant cette affaire, ce ne sont pas les questions qui manquent.

Quelle voie sera forcée d’emprunter le président et son gouvernement ? The economist, journal quasi officiel de la City, tout au long de la campagne, a martelé la même antienne : « Au lendemain du 6 Mai, le vainqueur, quel qu’il soit, devra s’attaquer brutalement aux déficits », attaque qui débouchera sur un « choc pour les français ».

La soupe à la rigueur

Difficile donc de satisfaire un électorat qui a soif de réformes sociales et qui a voté non à la montée du chômage en considérant comme principal coupable Nicolas Sarkozy.

C’est pourtant bien d’un programme imposé à tous les pays appartenant à la zone euro dont il s’agit aussi pour la France et la recette est connue : Flexibilité du marché du travail, les « famous CDI », contrats uniques [1], démantèlement de l’assurance maladie, de l’assurance chômage, des retraites, des allocations familiales.

Vrai ou faux ? Pour ceux qui en douteraient encore, la réponse réside en un mot : la Dette publique. Grande absente des débats électoraux, alors qu’elle était au faîte de l’actualité juste après le « nécessaire » renflouement des banques [2] ou de la réforme des retraites, la dette publique est pourtant le levier qui fera basculer les autorités politiques vers la rigueur ou non. «  Pour plusieurs pays, le nœud coulant de la dette publique s’est serré et ils sont pris à la gorge par les marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
 » dénoncent Damien Millet et Eric Toussaint.

Les victimes font grise mine

Sous-couverts du remboursement de leurs créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). , envers les organismes privés [3] que les citoyens renflouent chaque jour par le biais des hausses d’impôts et des coupes sociales, le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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et la Banque Centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. Européenne imposent une gouvernance guidée par la rigueur à tous les membres de l’Europe. «  Il n’y a pas de compromis possible  » arguait Jacques Sapir [4] sur France Inter. Les premières victimes des plans d’austérité l’ont déjà bien compris. Grèce, Portugal, Irlande…. Ou on arrête de payer la dette, ou on enterre le pays sous la vague de la compression libérale. Dimitris Christoulas [5]. portait le deuil de cette triste réalité quand il a appuyé sur la gâchette de son arme. Il criait «  pas de dette à mes enfants » et laissait la trace des conséquences bien concrètes des plans de rigueur « Le gouvernement d’occupation a littéralement anéanti tous mes moyens de subsistance, qui consistaient en une retraite digne, pour laquelle j’ai cotisé pendant 35 ans.  ». La Grèce, ce pays aujourd’hui incapable de gouverner. En Espagne, déjà, le slogan de l’audit pour la dette est clair « No debemos, no pagamos ! ». En France, ce ne sont pas les 27 milliards d’euros d’économie imposés à l’Espagne qui vont retentir dans le quotidien des citoyens, mais les 80 milliards d’euros intégrés dans le plan du TSCG TSCG Le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (ou « Pacte Budgétaire » européen) est un traité qui impose une discipline budgétaire toute particulière aux États membres de l’Union européenne qui l’ont signé (à l’exception de la Croatie, la République tchèque et le Royaume-Uni) et qui est entré en vigueur pour les pays qui l’avaient déjà ratifié au 01 janvier 2013.
Son article 3 concerne la fameuse « règle d’or » - que les États doivent introduire de manière contraignante et permanente dans leurs droits nationaux - imposant un déficit structurel de 0,5% (et non plus de 3%). De même, le pacte autorise un endettement public de maximum 60% du PIB qui doit être réduit d’1/20e par an le cas échéant.
Enfin, l’assistance financière prévue par le Mécanisme européen de stabilité (le MES) est conditionnée à la ratification de ce TSCG (rebaptisé « Tous Saignés Comme des Grecs » ou encore Traité de l’austérité).
 [6] à son égard. Ce n’est pas non plus un protocole concernant la croissance [7] ajoutée au Traité qui libérera François Hollande des recommandations de la Troika [8]. Surtout quand le remboursement du service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. dévore 65% des ressources de l’Etat.

Quelle issue ?

La France de François Hollande, « le bon », peut-elle ouvrir ses portes aux émissaires de la Troika « les truands » ? C’est ce que stipulent les forces européennes armées d’un nouveau traité et d’un programme clé en main. Le TSCG porte en lui les germes de la catastrophe : il rend obligatoire le paiement de la dette. L’alternative est donc claire : ou le paiement de la dette est assuré et la protection sociale est disloquée, les besoins sociaux et les services publics sacrifiés [9], ou il y a arrêt du paiement de la dette et droit du travail, droits sociaux et services publics sont préservés. Qui pour porter ces exigences ? Quel front du refus ?


Notes

[1Projet de forme unique du contrat du travail qui allégerait notamment les exigences juridiques de licenciement à l’égard de l’entreprise. Projet déjà mis en place en Italie, en Espagne…

[2La Banque centrale européenne (BCE), financée par les pays membres, accorde des prêts des aux banques, elles-mêmes détentrices des créances des Etats. Rien qu’en Décembre 2011, 523 banques ont emprunté à la BCE près de 500 milliards d’euros pour 3 ans à un taux voisin de 1% lorsqu’elles prêtent aux Etats à des taux variant de 7% pour l’Espagne, jusqu’à 18% pour la Grèce…

[3Les investisseurs institutionnels : banques, fonds de pension, compagnies d’assurance et autres organismes de placements collectifs.

[4Economiste à l’école des Hautes Etudes. Il dirige depuis 1996 le Centre d’études des modes d’industrialisation (CEMI-EHESS). Emission Là-Bas si j’y suis, « Les financiers au coin du feu ».

[5Le 4 Avril 2012, Dimitris Christoulas, pharmacien retraité de 77 ans, s’est suicidé à Syntagma, place principale d’Athènes

[6Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Il inscrit dans la Constitution des pays la « Règles d’Or », donc un déficit proche de 0 qui oblige à l’austérité, il donne le pouvoir aux autorités européennes non démocratiquement élues, il inclut des clauses de sanctions en cas de déficits. Il prévoit des projets de réforme pour chacun des pays membres et l’envoi d’émissaires pour assurer son bon fonctionnement.

[7François Hollande a annoncé la renégociation du TSCG. Il la fera avaliser auprès du Conseil Européen. Un compromis entre Hollande et Merkel fait part d’une annexe ajoutée au Traité concernant la croissance.

[8FMI, Banque Centrale Européenne, Commission Européenne.

[9Le chantier est déjà en œuvre : RGPP, flexibilité du marché du travail, durée légale, retraites… La révision générale des politiques publiques entamée en 2007 consiste en une restructuration des missions et actions de l’État, avec de la mise en œuvre de réformes structurelles (non-remplacement de postes de départ à la retraite etc.). Les mesures de défiscalisation des heures supplémentaires prises par le gouvernement de François Fillon en 2007 avantagent le patronat français.