Europe : le spectre du déclin
3 novembre par Martine Orange

Photo : European Parliament, CC, Flickr, https://www.flickr.com/photos/european_parliament/48298862026
En 2000, l’Union européenne faisait presque jeu égal avec les États-Unis. Vingt-cinq ans plus tard, elle accuse un retard de plus en plus prononcé dans tous les domaines économiques. Cette chute est liée aux choix politiques et économiques d’un continent qui a renoncé à toute ambition pour se laisser guider par les seules forces du marché.
L’image restera sans doute gravée dans les mémoires. Pour nombre d’Européens, la photo d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, échangeant tout sourire avec Donald Trump après avoir accepté, en cette fin d’août, un accord commercial totalement déséquilibré, constituera le moment de l’humiliation européenne pendant longtemps.
Tout ce qu’ils pressentaient, redoutaient parfois depuis de longues années, se matérialisait sous leurs yeux : l’Union européenne, qui se voyait, se rêvait comme une puissance, se révélait être un groupement de pays sans réel pouvoir géopolitique et économique, pris en tenaille entre les diktats états-uniens et les appétits chinois.
Après avoir découvert leur dépendance aux biens essentiels durant le covid, leur absence de souveraineté en matière énergétique et militaire avec la guerre en Ukraine, les dirigeants européens constatent effrayés que l’Europe se retrouve en situation de « vassalisation économique et technologique », au risque d’un déclin économique irréversible.
La crainte d’un décrochage européen n’est pas nouvelle. Bien avant les rapports Draghi et Letta de 2024 sonnant l’alarme sur les risques de déclassement du Vieux Continent, des économistes de tous horizons se sont inquiétés de la lente dégradation des économies européennes.
Alors que l’Europe faisait presque jeu égal avec les États-Unis au début des années 2000, elle perd du terrain désormais dans tous les domaines. Croissance, productivité, technologies, innovation, investissements, recherche scientifique… À l’exception de l’espérance de vie, les vingt-sept pays de l’Union affichent un décalage croissant par rapport aux États-Unis, particulièrement les États qui partagent la monnaie unique.
« La zone euro a vu son revenu par habitant [en parité de pouvoir d’achat] diminuer, passant de 85 % du niveau des États-Unis en 2000 à 78 % en 2022 », note une nouvelle étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), publiée en septembre. Le décrochage des quatre principales économies européennes est particulièrement flagrant. Pour l’Allemagne, le recul par rapport aux États-Unis est de près de 6 points, pour l’Espagne – qui part de plus bas – de 8 points, pour la France de 10 points, pour l’Italie de plus de 20 points.
Le fossé s’est sans doute encore accentué au cours de ces trois dernières années, marquées par une flambée des prix énergétiques, une remontée brutale de l’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. , des tensions géopolitiques, une chute des échanges mondiaux prenant des allures de guerre commerciale. Autant de facteurs qui frappent en plein cœur la machine économique européenne.
À elle seule, l’Allemagne, moteur de l’Europe qui a permis longtemps de masquer les défaillances accumulées du continent, donne une image clinique de l’état de l’Europe. Après avoir connu deux années de récession Récession Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs. (2023-2024), elle espère enregistrer une croissance « mirifique » de 0,2 % cette année. Tout son modèle reposant sur une industrie forte, des exportations massives, des excédents colossaux, vacille. En août, la production industrielle allemande a retrouvé son volume de 2005. Plus de trois millions d’Allemands sont au chômage, soit le niveau le plus élevé depuis la crise de la zone euro.
Les dirigeants européens qui ont fait mine d’ignorer ces réalités pendant des années peuvent difficilement poursuivre dans ce déni… Cet appauvrissement généralisé nourrit le malaise politique, social, sociétal qui mine l’ensemble des pays européens. Contrairement à ses engagements pris au moment du traité de Lisbonne en 2000, l’Union européenne n’a pas su bâtir un continent « de paix » et « de prospérité ».
Un indicateur illustre une des causes profondes de la perte de compétitivité structurelle de l’économie européenne par rapport aux États-Unis : la productivité. En 2000, l’Allemagne, la France et l’Italie affichaient des résultats comparables à ceux des États-Unis en termes de productivité en base horaire. « En 2023, l’écart de productivité entre l’Allemagne et les États-Unis s’était creusé de 10 %, avec la France de 14 %, de 28 % pour l’Italie », rappelle une étude de la Banque de France de février 2025.
De son côté, l’OFCE note que la perte de compétitivité de la France par rapport aux États-Unis ne tient ni au volume ou au coût du travail, ni à la désindustrialisation – les États-Unis ayant connu une hémorragie comparable à celle de la France –, mais à l’absence d’innovation, de recherche, d’investissements, de développement et d’implantation dans les technologies d’avenir.
Alors que les États-Unis et la Chine ont engagé un combat féroce pour s’imposer comme les maîtres de la nouvelle révolution technologique du numérique et de l’intelligence artificielle, l’Europe est quasi absente de ce nouveau terrain d’affrontement. Elle ne compte que deux groupes de taille mondiale, l’allemand SAP dans les logiciels, et le néerlandais ASML, spécialisé dans les microgravures des semi-conducteurs.
Mais elle est tout aussi en marge dans le développement du calcul quantique, l’espace et les télécommunications, la défense et la cybersécurité. Le seul domaine où elle est un peu en avance est le développement des énergies renouvelables. Ironie du sort : sous pression des gouvernements populistes européens, la Commission européenne est en train de remettre en cause ses politiques de soutien et de brouiller l’avenir de tout le secteur.
Il n’y avait pas de fatalité à ce que l’Europe rate à ce point le tournant technologique et industriel de ce début du XXIe siècle. Lorsque les États membres lancent le marché unique en 1993, l’Union européenne compte cinq groupes de télécommunications de taille mondiale (Alcatel, Nokia, Ericsson, Siemens et Philips). L’Europe tient tellement son rang dans ce secteur qu’elle réussit à imposer sa norme – le GSM – pour la deuxième génération de télécommunications mobiles. Dans de nombreux pays européens, et notamment en France, les infrastructures de télécoms sont parmi les plus développées au monde, permettant une diffusion rapide de l’utilisation d’Internet.
Si l’Europe accuse déjà un retard certain en informatique, elle est capable de produire des innovations majeures comme la carte à puce mise au point en France ou la robotique en Allemagne. Elle tient son rang dans le spatial et est déjà au coude à coude avec les États-Unis dans l’aéronautique grâce à Airbus. Dans les transports ferroviaires et automobiles, elle devance de loin les États-Unis, son véritable concurrent étant alors le Japon.
Puis tout s’est enrayé.
Les choix politiques et idéologiques qui ont présidé à la construction de l’Europe pèsent lourd dans cette évolution. Les pères fondateurs de l’Union – Monnet, Schuman, Adenauer, De Gasperi, Spaak – n’ont jamais caché leur attachement à la pensée libérale de l’école autrichienne d’économie. Avec le triomphe de reaganisme et du thatchérisme, le néolibéralisme s’est imposé dans toutes les politiques européennes.
Plutôt qu’instituer une coopération entre les États, comme cela avait été fait dans le cadre du premier traité européen du charbon et l’acier ou la politique agricole commune d’avant 1992, la Commission européenne et les principaux dirigeants du continent ont décidé de s’en remettre à « la main invisible du marché ». La concurrence « libre et non faussée » dans un marché unique censé être complètement dérégulé allait dessiner, bien mieux que le politique, le futur du continent.
La lutte de tous contre tous s’est engagée : chaque pays tentant par une concurrence sociale, juridique, fiscale, d’attirer le travail et les capitaux chez lui. À ce jeu-là, le Luxembourg, l’Irlande et les Pays-Bas ont été les grands gagnants, sans que la Commission européenne trouve à redire à l’existence de ces paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
et juridiques au cœur même du marché unique. Dans le même temps, la Commission, s’appuyant sur les règles de la concurrence pour asseoir son pouvoir face aux États, exigeait le renoncement à toute politique industrielle, à toute planification, y compris dans des domaines aussi stratégiques que l’énergie ou la défense, et à toute aide publique.
La France a payé un lourd tribut à ce choix politique. Du jour au lendemain, une grande partie de son appareil productif qui bénéficiait de l’effet d’entraînement de ces entreprises publiques, à la fois en termes de recherche et de commandes, s’est vue coupée de ces soutiens. Le même phénomène s’est passé dans d’autres pays européens, y compris en Allemagne : tous les écosystèmes existants ont été détruits, sans que rien vienne prendre le relais au niveau européen.
Les responsables européens ne s’attardent jamais sur le sujet car il étend une ombre sur ce qu’ils considèrent comme la grande réussite de la construction européenne : l’euro. La création de la monnaie unique a pourtant son revers : l’aggravation des déséquilibres économiques internes de la zone.
Déterminés à imposer la monnaie unique comme une devise forte, capable de rivaliser dès le premier jour avec le dollar, les responsables européens ont choisi de fixer une parité élevée, proche de celle du Deutsche Mark. Pour nombre d’autres pays européens, à commencer par toute l’Europe du Sud, mais aussi l’Italie et la France, cela correspondait à une surévaluation manifeste par rapport à leur système économique et productif.
Aux économistes qui s’inquiétaient alors de ces distorsions monétaires, les responsables européens répliquèrent que la monnaie unique accompagnant le marché unique allait permettre de faire converger les économies européennes. Mais aucune mesure de compensation au niveau européen ne fut prise à l’époque pour atténuer ce choc monétaire.
Les lois monétaires sont implacables : la surévaluation monétaire par rapport au système productif entraîne une montée des importations, une chute des productions intérieures et des exportations. Tout au long du XXe siècle, les pays européens, et en particulier la France et l’Italie, ont eu recours à des dévaluations importantes pour maintenir leur compétitivité et rétablir l’équilibre de leur balance commerciale
Balance commerciale
Balance des biens et services
La balance commerciale d’un pays mesure la différence entre ses ventes de marchandises (exportations) et ses achats (importations). Le résultat est le solde commercial (déficitaire ou excédentaire).
et de leur balance des paiements
Balance des transactions courantes
Balance des paiements
La balance des paiements courants d’un pays est le résultat de ses transactions commerciales (c’est-à-dire des biens et services importés et exportés) et de ses échanges de revenus financiers avec l’étranger. En clair, la balance des paiements mesure la position financière d’un pays par rapport au reste du monde. Un pays disposant d’un excédent de ses paiements courants est un pays prêteur vis-à-vis du reste du monde. Inversement, si la balance d’un pays est déficitaire, ce pays aura tendance à se tourner vers les prêteurs internationaux afin d’emprunter pour équilibrer sa balance des paiements.
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Mais avec la monnaie unique, impossible de dévaluer. L’ajustement monétaire ne peut se faire que par des dévaluations internes, visant à diminuer les dépenses publiques, les dépenses sociales, le coût du travail. En un mot, s’en prendre à cet État social qui est « un des fondements de l’identité européenne », comme le rappelle Sébastien Bock, un des auteurs de l’étude de l’OFCE.
La pression est d’autant plus forte qu’au même moment – 2001 – la Chine devient membre de l’Organisation mondiale du commerce
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
(OMC) et fait son entrée dans le commerce mondial. L’Europe, attirée par ce marché de plus de 1,5 milliard d’habitants, ouvre grand ses portes aux importations chinoises à bas coûts, sans mettre en place la moindre mesure pour protéger son économie d’une concurrence faussée par des normes sociales et environnementales inexistantes, tant elle est persuadée qu’elle peut conserver son avance technologique face à la Chine.
La compétitivité-coût, qui était déjà la norme dès la constitution du marché unique, devient la règle d’or de toute l’Europe : il faut à tout prix abaisser les coûts de production, comprimer la demande intérieure pour alimenter la machine exportatrice et gagner des parts de marché partout dans le monde.
Dès 2003, l’Allemagne donne le coup d’envoi avec les lois Hartz démantelant des pans entiers de sa protection sociale. Tous les autres commencent à emprunter le même chemin avec plus ou moins d’allant. La France, elle, accélère sa désindustrialisation déjà à l’œuvre depuis les années 1990, à la recherche de pays à bas coûts.
Sous la pression de marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
exigeant toujours plus de rendement, les grands groupes dans toute l’Europe optent pour la rente : ils gardent leurs spécialisations dans des secteurs matures dont ils détiennent la maîtrise. Ils diminuent drastiquement leurs efforts de recherche et développement, jugeant beaucoup plus rémunérateur de racheter les découvertes de start-ups, comme dans la pharmacie, ou de confier ces tâches à leurs sous-traitants, qui dans le même temps sont priés de comprimer leurs coûts et leurs marges, à l’instar des constructeurs automobiles ou d’Airbus.
Le recul scientifique, technologique, industriel de l’Europe s’installe. Mais le décrochage devient réellement patent à partir de 2010, avec la crise de l’euro.
Avec la crise financière de 2008, tous les déséquilibres internes du marché intérieur surgissent : loin de converger, comme l’avaient prédit des responsables européens, les économies européennes n’ont cessé de diverger en quelques années. L’Europe du Sud accuse un écart croissant avec celle du Nord. La fragmentation de la zone euro menace de faire exploser toute la construction européenne.
Sous la pression de Berlin et de ses alliés, les dirigeants européens optent pour la seule politique qui leur paraît adaptée : l’austérité. Sans aller jusqu’aux recettes destructrices imposées à la Grèce, tous les États membres se rallient à l’ordolibéralisme. Ils ne jurent plus que par le déficit zéro, les « réformes structurelles » mettant en pièces l’État social (santé, chômage, travail, retraite), les allègements tous azimuts des « charges » des entreprises, les pays membres se refusant par principe à avoir la moindre politique ciblée.
« L’argent magique » distribué par la Banque centrale européenne
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
(BCE), qui aurait pu être un instrument pour relancer la machine économique, est essentiellement capté par la sphère financière, aggravant les déformations liées au capitalisme financier : la richesse financière devient dominante par rapport aux richesses produites, creusant les inégalités, le déclassement des classes moyennes. Pour la première fois, le taux de pauvreté remonte dans toute l’Europe : près de 25 % de la population européenne est touchée en 2014. Il ne redescendra que modestement par la suite.
Faute de dynamisme économique, de demande intérieure, l’Europe devient exportatrice nette de capitaux : à partir de 2012, quelque 200 milliards d’euros partent chaque année vers les États-Unis. Mais l’Europe exporte aussi ses chercheurs, ses ingénieurs, ses entrepreneurs, qui rejoindront pour certains d’entre eux, la Silicon Valley.
Tandis que les gouvernements états-uniens et chinois poussent les feux dans toutes les technologies innovantes, l’Europe perd pied, que ce soit en matière industrielle, d’infrastructures stratégiques, de santé, de numérique et de propriété intellectuelle. Depuis 2010, la croissance moyenne de la zone euro (hors période covid et rattrapage) oscille péniblement entre 1 % et 1,5 % contre 2,5 % à 3 % aux États-Unis. Pour l’Italie, la situation est encore plus dégradée : depuis 2000, elle enchaîne les cycles de récession-stagnation, atteignant à peine 1 % dans les meilleures années.
Et si l’Europe a recommencé à créer des emplois, ce sont souvent des emplois de service, précaires, à faible valeur ajoutée, ce qui participe à aggraver la rupture économique de l’Europe. « Le modèle de compétitivité-coût n’est plus tenable, constate Sébastien Bock. Le décrochage est technologique. C’est un enjeu de souveraineté européenne, de compétitivité à long terme. »
À les écouter, les dirigeants européens partagent le même constat désormais : l’Union européenne doit se reprendre. Comme aux États-Unis, comme en Chine, elle doit investir, avoir des politiques industrielles dans les domaines jugés stratégiques (énergie, défense, santé, numérique) et soutenir les acteurs européens.
Pourtant, plus d’un an après le rapport Draghi présenté comme une bible par les représentants européens, rien ne se passe. Faisant face à une contestation croissante depuis sa réélection, la présidente de la Commission européenne semble être incapable d’articuler un projet cohérent. L’Union continue de s’appuyer sur le même logiciel qu’auparavant. En appeler au marché unique des capitaux, renoncer à l’essentielle réforme du marché européen de l’énergie, et même construire de cette façon une Europe de la défense : tout cela repose sur les mêmes croyances dans les forces organisatrices du marché et la vertu de la concurrence.
Déstabilisée par la guerre commerciale lancée par Trump, l’Europe veut croire que le « doux commerce » est toujours de mise dans le reste du monde. Après le Mercosur Mercosur Le Mercosur est une zone régionale de coopération économique du Cône Sud (marché du Cône Sud) qui rassemble le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, en plus de plusieurs pays associés, le Chili, la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Suriname, le Guyana et le Pérou. , la Commission européenne, passant par-dessus bord tous ses engagements climatiques, est prête à passer des accords de libre-échange avec l’Inde, le Vietnam, le monde entier si nécessaire, renforçant une compétition mortifère pour nombre de secteurs économiques.
Toutes les ambitions et les promesses qui avaient présidé à la construction européenne paraissent s’être évaporées. L’Union européenne finit par se résumer à un grand marché, ballotté à tous les vents, qui a renoncé à prendre en main son destin, et l’avenir de ses populations.
Source : Mediapart
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