Texte de présentation
25 mai 2018 par CADTM , ENADED
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Le capitalisme a de plus en plus tendance à mondialiser tous les aspects de la vie humaine, aussi nos luttes doivent-elles également se situer à un niveau mondial. Il est vital de développer des stratégies de réseautage avec d’autres organisations qui partagent nos positions. Le capitalisme a eu pour conséquence des formes de plus en plus marquées d’impérialisme et de dépendance économique ; l’intensification du capitalisme financier a entraîné l’augmentation de la dette des pays du Sud. La problématique de la dette est un élément clé contre lequel il nous faut lutter car le spectre de la dette s’est emparé de notre lutte au quotidien. L’objectif principal de notre réseau égyptien est donc d’offrir une meilleure connaissance de la problématique de la dette en Égypte et, ce faisant, de développer une conscience plus vive de la nécessité de l’engagement.
Cette présentation tente de définir le réseau, ses participants, les rôles qu’il peut jouer et les luttes dans lesquelles il va s’engager étant donné la stagnation économique et politique dans laquelle nous nous trouvons. Nous brosserons tout d’abord un rapide historique de la création de dette en Égypte et du statut actuel de la dette dans le pays. Cet aperçu nous permettra de comprendre à la fois l’économie politique de la dette en Égypte et les conséquences sociales de ce processus.
Qui sommes-nous ?
Le Réseau égyptien pour l’abolition de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
et le droit à un développement équitable (ENADED) est un cadre de coordination qui rassemble des militants de gauche, des institutions des droits de l’homme, des organisations de la société civile qui s’investissent dans la lutte contre la domination capitaliste et l’impérialisme et contre les politiques économiques qui en découlent, à l’échelle régionale et à l’échelle mondiale. L’ère impérialiste dans laquelle nous vivons est caractérisée par des politiques de développement particulièrement inéquitables. Les politiques de la dette publique sont au centre des stratégies de l’ère impérialiste à l’échelle mondiale. Notre réseau cherche à organiser la lutte contre ces orientations, en particulier les politiques d’endettement.
Le réseau travaille avec des partenaires et des camarades régionaux et mondiaux pour développer des stratégies de résistance plus efficaces. Nous cherchons à promouvoir des politiques alternatives pour un développement équitable. C’est grâce à la coordination avec les militants et les organisations régionales et mondiales que nous pourrons étoffer notre structure. Le réseau travaille dans le cadre des stratégies du CATDM de lutte contre la mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
capitaliste et contre les processus impérialistes de création de dette.
Situation actuelle
En septembre 2017, la Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. d’Égypte (CBE) a annoncé que la dette extérieure du pays était passée à 79 milliards de dollars US, soit une augmentation de 41% par rapport à l’année précédente. La dette extérieure de l’Égypte au cours de l’exercice 2015-2016 était d’environ 55,8 milliards de dollars US.
Les dettes à court terme représentaient environ 39 % des réserves de change, à un moment où les normes internationales considéraient que ce niveau était encore sûr. La dette extérieure de l’Égypte s’est creusée en raison de l’accroissement des prêts à effet de levier
Effet de levier
L’effet de levier désigne l’effet sur la rentabilité des capitaux propres d’une entité (entreprise, banque, etc.) qu’aura son recours à l’endettement (elle augmentera lorsque le coût de l’endettement sera inférieur à l’augmentation des bénéfices obtenus grâce à lui, et inversement). Le ratio de levier calcule le rapport entre les fonds propres d’une telle entité et le volume de ses dettes. Les banques ont progressivement augmenté cet effet de levier avec la libéralisation financière, c’est-à-dire que pour 1000 euros de capital le nombre d’euros qu’elles ont pu emprunter a considérablement augmenté.
consentis par des institutions financières internationales (IFIs) et de l’émission d’obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
internationales pour couvrir le déficit de sa balance des paiements
Balance des transactions courantes
Balance des paiements
La balance des paiements courants d’un pays est le résultat de ses transactions commerciales (c’est-à-dire des biens et services importés et exportés) et de ses échanges de revenus financiers avec l’étranger. En clair, la balance des paiements mesure la position financière d’un pays par rapport au reste du monde. Un pays disposant d’un excédent de ses paiements courants est un pays prêteur vis-à-vis du reste du monde. Inversement, si la balance d’un pays est déficitaire, ce pays aura tendance à se tourner vers les prêteurs internationaux afin d’emprunter pour équilibrer sa balance des paiements.
. Le marché de la dette souveraine a connu une forte hausse des investissements étrangers depuis novembre dernier, avec l’introduction du flottement de la monnaie locale, les taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
enregistrant une hausse de 700 points de base depuis lors.
L’estimation de la dette extérieure par la banque centrale égyptienne pour le dernier exercice était plus élevée que celle du Fonds monétaire international
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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(FMI), qui a signé un accord de prêt avec le pays en novembre 2016. Dans un rapport publié ce mois-ci (ndlr : avril 2018), le FMI estime la dette extérieure au cours de l’exercice 2017 à 76 milliards de dollars US et prévoit un retour à 74 milliards de dollars US pour l’année prochaine.
Ces signes d’un recours accru à la dette pour financer le déficit budgétaire égyptien sont d’autant plus inquiétants que l’endettement public en Égypte est en augmentation, la dette publique intérieure atteignant près de 200 % du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
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Après l’adoption par la banque centrale égyptienne, en novembre 2016, d’une politique de taux de changes flexibles, la monnaie locale a perdu plus de la moitié de sa valeur. Cette hausse spectaculaire du dollar face à la livre égyptienne a contribué à une augmentation chaque année des taux d’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. , qui sont revenus à des niveaux proches de ceux atteints au milieu des années 80. Cela a eu de graves effets sur la consommation nationale, en chute notamment au sein des classes inférieures, principalement constituées, aujourd’hui en Égypte, de travailleurs pauvres et de paysans marginalisés.
L’ensemble de l’économie égyptienne était entré dans une phase de stagnation au milieu des années 80, en raison des politiques de création de la dette, et les indicateurs de la dette intérieure et extérieure avaient atteint des niveaux astronomiques alors que le gouvernement égyptien et la banque centrale du pays assuraient que la dette était encore sous contrôle.
L’Égypte doit également faire face à un phénomène préoccupant en ce qui concerne l’aggravation de l’endettement privé à l’intérieur du pays. La loi 141 adoptée en 2014 a autorisé la délivrance de microcrédit aux citoyens égyptiens par des entreprises financières. Cette évolution est dangereuse, car elle conduit à faire entrer des citoyens pauvres d’Égypte dans l’engrenage du capitalisme financier mondial. Notre réseau se doit de lutter contre ces mesures, mais aussi de faire face aux politiques de la dette publique et d’œuvrer à d’autres solutions justes et équitables en faveur de la population.
La question de la dette et la dépendance économique
Historiquement, la question de la dette est au centre de tous les mouvements sociaux en Égypte, de la révolution Orabi en 1882 jusqu’à la guerre de 1956. En 1956, la bataille de Port Saïd a été livrée parce que la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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et les puissances coloniales refusaient à l’Égypte le droit de nationaliser le Canal de Suez en réaction aux mesures de la Banque mondiale qui privaient le pays des fonds nécessaires à la construction d’un barrage sur le Nil. La question de la dette a fourni des arguments aux mouvements populaires en Égypte, et a débouché sur des revendications comme la « libération nationale » et le « développement indépendant ». Par conséquent, l’État autoritaire qui s’est mis en place après l’indépendance a adopté un discours relativement socialiste malgré le fait que ces régimes autoritaires ont également approfondi la distorsion moderniste ici en Égypte. Mais si l’économie égyptienne post-indépendance s’appuyait sur des stratégies nationales de fabrication et de substitution des importations, elle n’appelait pas explicitement au désengagement du centre capitaliste.
Qui peut prendre la responsabilité du désengagement par rapport au centre capitaliste ? La seule voie à suivre est le développement d’un nouveau mouvement social. Ce mouvement s’opposera à la fois aux classes bourgeoises traditionnelles et à l’ordre capitaliste mondialisé dans lequel elles sont intégrées. Le nouveau monde que nous voulons construire sera plutôt associé aux classes populaires victimes de l’appauvrissement (paysans pauvres, travailleurs marginalisés et population urbaine démunie). Par conséquent, le désengagement est la politique des exclus. Le désengagement présuppose l’émergence d’une volonté politique de changement. Ce principe suppose également des progrès dans les domaines de la démocratie et des droits collectifs, l’unité du Tiers Monde et l’autonomie de chaque nation. Un monde multipolaire est aussi un moyen de se désengager. Il s’agit également d’une forme bien arrêtée de non-alignement, permettant plusieurs sortes de négociations tactiques.
Les revendications du réseau égyptien
Traduction et relecture réalisée par Christine Pagnoulle et l’équipe du CADTM
12 septembre, par CADTM
10 septembre, par CADTM , Nina Guesne , Rouvenn Mikaya
1er septembre, par CADTM
Cycle de formation du CADTM
Nouvelle crise bancaire internationale24 juillet, par CADTM , Eric Toussaint
14 juin, par CADTM , Eric Toussaint
12 juin, par CADTM , Collectif , CNCD , Entraide et Fraternité , CETRI (Centre Tricontinental)
Cycle de formation du CADTM
Les fonds vautours (avec focus sur les cas de l’Argentine et de la Zambie)10 mai, par CADTM , Pablo Laixhay , Pierre-François Grenson , Maxime Perriot
25 avril, par CADTM , Ecologistas en acción , ATTAC Espagne , Plateforme espagnole de lutte contre les fonds vautours , Audit de la santé , Coordination pour le droit au logement à Madrid
25 avril, par CADTM , Maxime Perriot
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton