29 septembre 2009 par Olivier Chantry
« L’alimentation étant un besoin fondamental, le secteur agricole résiste mieux à la crise économique mondiale que les autres secteurs » [1]
L’émergence depuis 2008 d’une crise économique mondiale majeure, a ramené avec force l’intérêt des économistes sur l’agriculture. Que ce soit pour une relance keynésienne de l’économie ou la poursuite de l’offensive néolibérale, l’agriculture a un rôle stratégique pour remettre en marche le capitalisme.
Dans le monde, presque un travailleur sur deux est dans l’agriculture. La part d’auto-consommation encore importante de la majorité des paysan-nes (qui tend à augmenter lorsque les ventes ne se font pas), est largement contra-cyclique. L’agriculture joue donc encore un rôle d’amortisseur économique. Les perspectives de prix restent durablement élevées [2] alors que nous sommes presque 7 milliards « de consommateurs ». De plus, les productions alimentaires représentent moins de 10% de la valeur totale des échanges internationaux. Ce secteur est donc important pour maintenir ou augmenter le commerce international. La production agricole est un secteur clef, stabilisateur de l’économie capitaliste et stratégique pour relancer le processus mondial d’accumulation par le capital. Tous les moyens possibles sont utilisés pour accélérer l’accaparement des ressources agricoles et des richesses produites.
La crise alimentaire et la pauvreté rurale sont désormais les grandes raisons invoquées
Augmenter la captation des richesses produites par l’agriculture et l’alimentation, c’est-à-dire s’assurer l’exploitation des travailleurs agricoles (près de la moitié de la population mondiale). Plus d’1 milliard de personnes souffrent de la faim, 80% des petits agriculteurs. Ce sont également eux qui immigrent dans les bidonvilles après avoir tout perdu. Pourtant, les annonces en faveurs de la petite paysannerie des grandes Institutions financières internationales ne doivent pas nous tromper.
Crise alimentaire et pauvreté rurale : prétexte pour l’accaparement de la production agricole et alimentaire par le capital...
Les plans de développement agricole ou de lutte contre la faim, sont réalisés au prix d’une relance de l’endettement public des pays du Sud, et de conditionnalités
Conditionnalités
Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt.
politiques. L’agenda agricole de la mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
capitaliste, prévu de longue date, ne change pas. Les réformes qui accompagnent les rares dons et les nouveaux prêts portent sur les modifications législatives nécessaires à l’accaparement par des multinationales et des fonds d’investissement :
des moyens de productions (ressources génétiques, hydriques, de terres agricoles, des modes de productions...)
des filières agro-alimentaires (transformation, distribution…)
Les mesures concernant les petits agriculteurs sont donc faites, à l’heure actuelle, pour éventuellement s’assurer de leurs présences temporaires. Les paysans étant nécessaires à la relance de l’économie capitaliste mondiale dans le cadre d’une analyse keynésienne. Mais bien sûr, sans entraver la domination croissante des multinationales et de la finance sur toutes les filières agricoles et alimentaires. Et, en aucune façon, ne remettre en question la priorité donnée au commerce international pour soi-disant assurer un développement par promotion des exportations. Ainsi, le cadre économique indispensable reste la libéralisation totale des échanges agricoles des accords de l’OMC
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
ou dans l’attente, les accords bilatéraux et zones de libres échanges (APE, ALENA....). Tous cela doit garantir la disparition des producteurs « non compétitifs » ou, dans le langage de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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: « (...) assurer le transfert des terres aux utilisateurs les plus productifs (...) ».
Le paquet -semences « améliorées » et intrants Intrants Éléments entrant dans la production d’un bien. En agriculture, les engrais, pesticides, herbicides sont des intrants destinés à améliorer la production. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette, les meilleurs intrants sont réservés aux cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières essentielles pour les populations. chimiques- est imposé comme solution pour augmenter la productivité. La baisse de biodiversité cultivée est très préoccupante pour le futur de l’alimentation mondiale, [3] mais les engrais et les pesticides posent également d’autres questions. Questions climatiques, car les engrais azotés sont responsables de 20% des gaz à effet de serre émis par l’agriculture. Et, plus largement, des questions environnementales et de santé. Bien sûr les populations les plus pauvres sont les plus touchées. Pour les pesticides, la Banque mondiale dans sa publication de 2005, environment matters at the world bank, estime à 3 millions d’empoisonnements sévères par an, incluant 250 000 morts, presque tous dans les pays en développement. Ou encore, reprenant des estimations de l’OMS de 2003, elle estime en 2007 que les morts par empoisonnement sont de l’ordre de 355 000 par an [4]. Plus généralement, la pollution par les intrants chimiques des rivières et des nappes phréatiques supprime tout simplement l’accès à l’eau potable d’une partie énorme de la population. Introduire cette agriculture chimique permet, par contre, de capter la valeur produite par le travail agricole. Au final, les paysans suffisamment « productifs » travailleront pour acheter ces produits -et rembourser les dettes contractées pour les acheter-, avant de laisser la place à des entreprises agricoles détenues par des fonds de pension Fonds de pension Fonds d’investissement, appelé aussi fonds de retraite, qui a pour vocation de gérer un régime de retraite par capitalisation. Un fonds de pension est alimenté par l’épargne des salariés d’une ou plusieurs entreprises, épargne souvent complétée par l’entreprise ; il a pour mission de verser des pensions aux salariés adhérents du fonds. Les fonds de pension gèrent des capitaux très importants, qui sont généralement investis sur les marchés boursiers et financiers. ...
[1] L’agriculture résiste mieux à la crise mondiale que les autres secteurs 17-06-2009 Publication des perspectives agricoles 2009-2018 de l’OCDE et de la FAO http://www.fao.org/news/story/fr/item/20770/icode/
[2] Les pays riches comptant l’assurer avec le développement de leurs agrocarburants.
[3] Voir Bulletin CADTM france n°33 - Avril - Mai 2008 : Les multinationales semencières et la Banque mondiale, des actions illégitimes et « biodiverticides »
[4] « Rapport sur le développement dans le monde 2008. L’Agriculture au service du développement » Banque Mondiale, Oct. 2007
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