26 novembre 2020 par CADTM France , Collectif Stop TAFTA
Plus de 80 organisations de la société civile européenne, parmi lesquelles, en France, le collectif national Stop CETA/Mercosur, l’Aitec, les Amis de la Terre, Attac France, le CADTM, le CCFD-Terre Solidaire, la Confédération paysanne, la Fédération Artisans du Monde, France Nature Environnement, Sherpa et l’Union syndicale Solidaires, etc sont signataires d’une prise de position qui explicite trois des principes autour desquels la politique commerciale européenne doit être refondée. Cette contribution a été soumise à la Commission européenne, dans le cadre de la consultation publique et de l’examen de sa propre orientation en matière de commerce qu’elle a organisée cette année. Cette contribution a également été transmise au gouvernement et aux parlementaires français.
En moins de six mois, l’épidémie de coronavirus a radicalement redistribué les cartes de la mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
économique. Chaînes d’approvisionnement complexes, division internationale du travail et opérations à flux tendu s’étaient développé ces trente dernières années. Leurs dysfonctionnements sont aujourd’hui une source de crise, pas de résilience. La pandémie souligne les vulnérabilités structurelles que le système économique a générées, tant pour les personnes que pour la planète. Loin de nous aider à surmonter la pandémie, l’organisation néolibérale du commerce et des investissements a empêché une réaction efficace à la crise, étant donné notre dépendance à l’égard de chaînes de production mondialisées particulièrement instables et distendues.
Le problème a trouvé une illustration parlante dans le cas des équipements de protection individuelle, qui ne sont plus produits que dans quelques pays et n’étaient pas disponibles quand ils auraient dû l’être. Les tentatives de mettre un vaccin au point sont entravées par les droits de propriété intellectuelle qui veillent à assurer des bénéfices mirobolants aux compagnies pharmaceutiques tandis que les coûts sont payés par les contribuables. Beaucoup des mesures d’urgence prises par les gouvernements pour protéger la santé publique pendant la pandémie risquent bien d’être en conflit direct avec la protection des investissements au niveau mondial. Par conséquent, les gouvernements de par le monde pourraient se trouver confrontés à une nouvelle vague de procès coûteux dans le cadre du règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS).
La pandémie frappe plus durement les personnes vulnérables. Les populations du Sud sont particulièrement éprouvées, d’autant qu’elles pâtissent déjà des pratiques scandaleuses des multinationales, ploient sous le fardeau de dettes impayables et subissent les conséquences d’un changement climatique qu’elles n’ont pas provoqué. En fait, le changement climatique va s’aggraver si les politiques économiques ne changent pas fondamentalement de cap. Il est très inquiétant de constater que l’Union européenne et ses États membres continuent à soutenir de nouveaux accords de commerce et d’investissements néolibéraux, comme celui qui vient d’être conclu avec le Mexique ou l’accord très controversé avec le Mercosur Mercosur Le Mercosur est une zone régionale de coopération économique du Cône Sud (marché du Cône Sud) qui rassemble le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, en plus de plusieurs pays associés, le Chili, la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Suriname, le Guyana et le Pérou. . C’est le moment de s’arrêter et d’évaluer la situation au lieu de poursuivre sur un chemin qui ne crée que des catastrophes humaines et écologiques.
En 2013, plus de 50 organisations de la société civile avaient soutenu l’Alternative Trade Mandate (Pour un Mandat commercial alternatif de l’UE) dans un appel à modifier le système de commerce international et la politique de l’UE en matière de commerce et d’investissement. Depuis lors, les crises climatiques et écologiques ont tragiquement empiré et les inégalités n’ont fait que croître. Aujourd’hui, au milieu d’une pandémie mondiale, cet appel à une autre approche est plus urgent que jamais. Dans beaucoup de pays, le soutien de la population à davantage de libéralisation s’amenuise à mesure que les gens font l’expérience de ses conséquences négatives tant pour eux personnellement que pour la société et la planète. Il nous faut un changement structurel immédiat. Le réseau Seattle to Brussels et ses partenaires voudraient que les trois principes suivants servent de guide à la réaction de l’UE aux crises multiples auxquelles nous sommes confrontés :
La CoViD-19 n’est pas qu’une crise sanitaire. La pandémie met à nu les failles systémiques qui nourrissent les différentes crises que nous traversons depuis des années. Les accords de commerce et d’investissements, qu’ils soient bilatéraux ou s’inscrivent dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
, ont joué un grand rôle dans l’affaiblissement du secteur public, en les libéralisant et en favorisant leur privatisation. Les chaînes d’approvisionnement se sont allongées, sont devenues plus complexes, moins transparentes. La production de biens essentiels comme des médicaments et des équipements médicaux a été laissées aux mains d’entreprises privées. Dans le même temps, des clauses dans les accords de commerce et d’investissements ont assigné aux pays du Sud le rôle de fournisseurs de matières premières, ce qui les empêche de diversifier leur économie et augmente leur dépendance aux importations venant de pays industrialisés. Augmenter les flux du commerce international est un impératif qui occulte la protection des droits humains et de la planète. Nous demandons par conséquent les mesures suivantes :
La façon dont fonctionnent actuellement le commerce et les investissements empêche un bon fonctionnement de nos démocraties. Les mesures d’urgence prises par les gouvernements dans la crise sanitaire pourraient être mises en cause par les règles de protection des investissements en vigueur. Le mécanisme de règlements des différends entre investisseurs et États (RDIE en français – ISDS en anglais), qui fait partie de beaucoup de traités bilatéraux d’investissement, permet aux multinationales d’intenter un procès à un gouvernement pour des décisions démocratiques qui pourraient nuire à leurs bénéfices. Ce mécanisme coûte très cher aux contribuables et signifie souvent que les gouvernements s’abstiennent de prendre les mesures nécessaires de peur des coûts potentiels. Les mesures qui visent à répondre aux crises climatique et environnementale, y compris l’élimination progressive des énergies fossiles, sont les plus ciblées.
Nous devons construire un ordre mondial qui ne fasse pas payer les populations pour des décisions prises démocratiquement. Aussi longtemps que nos démocraties seront entravées par ces traités d’investissement, il est quasi impossible de tenir les entreprises multinationales responsables d es atteintes aux droits humains et environnementaux dont elles se rendent coupables en cherchant à accroître toujours davantage leurs profits. Les décisions démocratiques et les droits humains doivent passer avant les intérêts privés et il faut mettre un terme à l’impunité des multinationales :
Plutôt que de chercher à développer un marché mondial néolibéral insoutenable, ce qui s’accompagne trop souvent et paradoxalement de mesures xénophobes et nationalistes, nous devons opter pour une relocalisation écologique et sociale, fondée sur une forte solidarité internationale. Le but n’est pas de rapatrier quelques usines stratégiques, mais de donner la priorité aux besoins de la population en reconstruisant nos économies au niveau local dans de bonnes conditions sociales et écologiques.
Il faut pour cela restaurer la capacité des États, des pouvoirs locaux et des populations à se servir des moyens législatifs, judiciaires, budgétaires, économiques et fiscaux de décider de la meilleure façon de satisfaire leurs besoins. De plus, il nous faut restructurer en profondeur les institutions et les règles qui président au commerce et aux investissements afin de protéger nos besoins élémentaires (santé, logement, enseignement, accès à de l’eau potable, énergie et alimentation). Ces priorités doivent conduire à préférer des fournisseurs locaux. La relocalisation ne signifie pas renoncer à un commerce international basé sur la complémentarité, la coopération et la solidarité.
Cela implique de :
Cette contribution est également disponible :
en français au format .pdf : https://www.collectifstoptafta.org/IMG/pdf/version_corrige_e_vf_sans_trackchanges.pdf
en anglais ici : http://s2bnetwork.org/covidandtrade/
en allemand ici : http://s2bnetwork.org/covidandtradede/
en espagnol ici : http://s2bnetwork.org/covidandtradees
en grec ici http://s2bnetwork.org/covidandtradegr/
Organisations signataires :
Source : Attac France
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