19 septembre 2013 par Andreja Živković , Matija Medenica
Les Balkans luttent contre la triple crise de la dette extérieure, du chômage de masse et la stagnation du secteur productif. En réalité cette crise est la crise de la dépendance au capital européen. La vie économique est complètement dépendante de l’importation onéreuse de capital européen afin de couvrir les déficits budgétaires et commerciaux béants. Ce système économique est un vaste pillage du bien national au profit des banquiers européens. Avec la crise les banquiers européens qui contrôlent le système financier de toute la région ont cessé de prêter et le système pyramidal s’est effondré. Depuis, la Grèce, la Slovénie, la Serbie, la Roumanie et la Bosnie sont tous placés sous « redressement judiciaire » par la Troïka (FMI, UE et BCE) qui a imposé, avec la complicité de la classe politique locale, des programmes d’austérité si sauvages qu’ils entraînent un désastre humanitaire. Une nouvelle guerre européenne fait rage. Son but est de faire payer aux Balkans et au reste de l’Europe périphérique le coût des dettes des banques d’Europe du nord.
Nous allons démontrer comment notre région a été historiquement traversée par des phases d’intégration dans les structures des Grandes Puissances et quelles en ont été les conséquences. Nous allons donner quelques exemples de mécanisme économiques qui ont été à l’œuvre dans la mise en place de ce modèle. Notre but est d’élaborer une perspective socialiste à cette question à laquelle les réponses restent floues : « quelle doit être la position de la Gauche face à l’intégration européenne ». Cette question est posée d’habitude par la nébuleuse de forces d’extrême droite locale bien plus bruyantes et considérées comme étant à priori contre l’intégration – même si ces forces politiques sont pro intégration dans certaines des grandes puissances comme en Russie. Nous souhaitons ainsi rendre plus claire l’idée redécouverte de la Fédération Socialiste des Balkans, telle qu’elle a été élaborée par les grandes figures socialistes du passé comme Svetozar Marković, Hristo Botev, Christian Rakovsky, Constantin Dobrogeanu-Gherea, Dimitrije Tucović et Dimitar Blagoev, en l’occurrence comme une vision stratégique d’un « Autre Balkan ». Nous concevons cette idée comme une alternative à tous les désastreux processus de différentes « intégrations » et non comme une sorte de rectification de l’Union européenne déjà existante. Nous sommes d’accord que nos pays sont trop petits et trop faibles pour faire tomber le marché et le système impérialiste et nous sommes également pressés par la nécessité de faire sortir notre nouvelle Gauche petite et encore faible de ses sentiers battus intellectuels. Ainsi la première des choses que nous devons faire est de donner une vision combative et contrer le racisme et le paternalisme en provenance de l’« extérieur » comme de « l’intérieur » car ils masquent les véritables sources d’oppression. Nous voulons ainsi combattre l’apathie et le désespoir par l’espoir afin d’inspirer un véritable mouvement, une force politique réellement viable, capable non seulement d’analyser le présent, mais aussi de concevoir notre avenir. Afin d’être le plus compréhensible possible, nous allons revenir un peu en arrière dans l’histoire afin de comparer les problématiques du passé avec celles d’aujourd’hui.
On nous a dit et répété que c’est la “mentalité balkanique” primitive qui serait responsable des « conflits ethniques » du passé. L’intégration européenne, la transition vers l’économie de marché, l’intervention militaire de l’OTAN
OTAN
Organisation du traité de l’Atlantique Nord
Elle assure aux Européens la protection militaire des États-Unis en cas d’agression, mais elle offre surtout aux États-Unis la suprématie sur le bloc occidental. Les pays d’Europe occidentale ont accepté d’intégrer leurs forces armées à un système de défense placé sous commandement américain, reconnaissant de ce fait la prépondérance des États-Unis. Fondée en 1949 à Washington et passée au second plan depuis la fin de la guerre froide, l’OTAN comprenait 19 membres en 2002 : la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, auxquels se sont ajoutés la Grèce et la Turquie en 1952, la République fédérale d’Allemagne en 1955 (remplacée par l’Allemagne unifiée en 1990), l’Espagne en 1982, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque en 1999.
sont présentées comme un antidote à l’histoire de « l’échec de la modernisation » des prétendus « États défaillants ». Maintenant, après deux décennies de destruction économique et de dépendance néocoloniale, il devient évident que nos problèmes sont inséparables de l’histoire de l’impérialisme dans notre région.
Courant du 19e siècle le déclin de l’Empire Ottoman a créé la prétendue « question de l’Orient ». Cette question se résumait au dilemme : laquelle des Grandes Puissances allait contrôler le sud-est de l’Europe et les voies commerciales et stratégiques entre l’Europe et l’Asie lorsque « l’homme malade de l’Europe » serait enfin mis hors jeu. De la même façon que la désintégration de l’Empire Ottoman attira toutes les Grandes Puissances, l’Ex-Yougoslavie en guerre civile fut le lieu où les Grandes Puissances luttèrent entre elles pour asseoir leur suprématie en Europe de l’Est après l’implosion de l’Union soviétique.
Les fréquentes révoltes des peuples des Balkans contre l’Empire Ottoman ont servi de prétextes aux interventions des Grandes Puissances. La volonté affichée de « protéger les communautés chrétiennes » et plus tard « les droits nationaux » des peuples des Balkans sont devenus le travestissement favori pour l’intervention des Grandes Puissances, tout comme l’objectif de « l’intervention humanitaire » le fut dans la guerre civile en Ex Yougoslavie. Ces interventions ont permis aux Puissances de maintenir sous leur contrôle toute la région et ont jeté les bases pour les conflits dévastateurs entre les peuples des Balkans. L’exemple classique en est le Congrès de Berlin en 1878 qui fut le démiurge des Balkans modernes et a transformé la région en « poudrière » de l’Europe.
Après sa victoire dans la guerre russo-turque de 1877-78 la Russie a construit une énorme Bulgarie qui, à Berlin, fut réduite de plus de la moitié par les autres Puissances. La Bosnie et l’Herzégovine, théâtre d’une insurrection paysanne contre le pouvoir ottoman en 1875, ont été placées sous occupation autrichienne. La Serbie, entraînée par la Russie dans une guerre contre la Turquie en 1876 en échange de promesses de territoires pris sur la Bosnie et l’Herzégovine, fut placée elle aussi sous protectorat autrichien en échange de la stabilisation du protectorat russe sur la Bulgarie et de l’annexion par la Russie de la Bessarabie au détriment de la Roumanie. De la même façon que les Puissances ont tiré profit des conflits nationalistes dans les Balkans en créant leurs propres clients parmi ces pays, les États Unis d’Amérique ont exploité la guerre civile en Ex Yougoslavie afin de fonder des protectorats néocoloniaux divisés comme la Bosnie et le Kosovo et plus récemment la Macédoine, dont ils délèguent l’administration aux Nations Unies, à l’Union Européenne et à l’OTAN.
Les Balkans qui ont émergé du Traité de Berlin étaient constitués d’un patchwork d’États minuscules et fragmentés, dominés par les Grandes Puissances et se disputant les mêmes territoires afin d’assurer leur propre sécurité et viabilité. Le fait que les nouveaux Balkans furent morcelés lors des sommets diplomatiques des Grandes Puissances, et ce contre la volonté des représentants des peuples des Balkans exclus de ces congrès, a eu des conséquences fatales pour les nationalistes de ces pays. Le sponsoring des Grandes Puissances, sinon leur protection, ont été vus comme nécessaires afin que le rêve de la réunification nationale et d’agrandissement du territoire puisse être réalisé.
En conséquence, le face à face de deux blocs de Grandes Puissances, chacun accompagné de ses alliés balkaniques particuliers luttant pour leurs ambitions territoriales propres, a transformé la région en poudrière où les luttes nationales n’ont agi que comme des mandataires et des exécutants de rivalités impérialistes meurtrières. La Serbie, bloquée par l’Autriche dans son expansion vers l’Ouest en direction de la Bosnie et de l’Herzégovine et empêchée de s’unir au Monténégro, fut incitée par Vienne en 1885 à mener une guerre désastreuse contre la Bulgarie pour affaiblir la position de la Russie dans les Balkans. La pomme de discorde posée sur la table au Congrès de Berlin a conduit la Serbie, la Bulgarie et la Grèce à entrer dans un cercle vicieux de luttes de plus en plus violentes en Macédoine multi-ethnique, jetant les bases de la guerre fratricide de 1913. Les Balkans contemporains continuent à être une arène d’affrontement des intérêts des Grandes Puissances car les nationalistes des Balkans, trop faibles pour imposer leurs ambitions à leurs rivaux, ne cessent d’escompter l’intervention des Grandes Puissances. Il en résulte tous les schémas trop familiers et connus de divisions et de domination. Par exemple dans le cas du Kosovo, le prix de « l’indépendance du Kosovo » est le protectorat US sur ce territoire et la colonisation énergétique de la Serbie par la Russie.
De même, les États indépendants des Balkans créés à Berlin n’étaient indépendants que formellement. Les Puissances ont imposé un certain nombre de conditions à cette indépendance. Une de ces conditions était l’obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
de signer des traités de libre échange avec les puissants protecteurs. De même le « marché libre » a été inscrit dans le Traité de Dayton à l’origine de la création de l’État bosniaque en 1995 et de l’Autorité autonome du Kosovo prévue par la conférence avortée de Rambouillet de 1999. Après 1878 la Serbie et la Roumanie ont été obligées d’accorder à l’Autriche-Hongrie la clause de la nation la plus favorisée.
Dans les Balkans, les produits industriels occidentaux bon marché ont détruit l’artisanat traditionnel et ont même conduit à la désindustrialisation, par exemple dans le cas de l’industrie du cuir et du textile bulgares. Le même processus d’ouverture au marché global a entraîné après 1989 la ruine de l’industrie et le chômage massif. Au même moment, dès 1878, les Balkans sont devenus complètement dépendants de l’exportation de leurs produits agricoles dont la demande n’était pas extensible et dont la valeur était dépréciée par la concurrence internationale. Le fondateur du socialisme bulgare Dimitri Blagoev s’alarmait déjà en 1885 que les Balkans devenaient une colonie agricole de l’Ouest capitaliste.
Puis la dépendance économique devint une dépendance financière. Une des conditions de l’accession à l’indépendance était pour les États des Balkans l’obligation de payer pour construire des chemins de fer d’intérêt stratégiques pour les Grandes Puissances et de confier ces travaux à des entreprises étrangères. La construction de lignes de chemins de fer devint alors un terrain de rivalités pour les Grandes Puissances dans la région, tout comme aujourd’hui les Balkans se trouvent au centre le la concurrence entre la Russie et l’UE-États-Unis pour la livraison de matières premières énergétiques et de leur contrôle en Asie centrale. En tant que bases militaires stratégiques potentielles pour les Grandes Puissances, les États indépendants des Balkans ont été obligés de créer des armées permanentes et de déclencher dans la région une course aux armements. Afin de financer les chemins de fer, les armées et l’appareil bureaucratique et de les administrer, les États des Balkans ont été amenés à se tourner vers des prêts extérieurs. C’est ainsi que ces États faibles, appauvris et arriérés sont tombés dans le piège de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
. Les Grandes Puissances en ont tiré grand profit mettant en place des comités de supervision qui collectaient des impôts et des taxes spéciales affectés au paiement de la dette et géraient des concessions en Serbie, Bulgarie et Roumanie. C’étaient les « Fonds monétaires internationaux » de l’époque, de la même nature que ceux qui imposent les « plans d’ajustement structurel » dans les Balkans d’aujourd’hui. Les « concessions » du 19e siècle sont aujourd’hui appelées « zones ouvertes à la concurrence » où les monopoles d’État sont transmis dans les mains de capitalistes étrangers.
Ce schéma d’intégration impérialiste dans l’économie mondiale fut répété, dans une forme à peine modifiée, dans les Balkans dans la deuxième moitié du siècle dernier. Il est à la racine de la destruction de la Yougoslavie et des crises actuelles.
L’intégration commerciale avec la CEE-UE a commencé au début des années 1970 avec la signature des traités commerciaux entre la CEE et la Yougoslavie, d’un contrat de 10 ans entre la République Fédérale d’Allemagne et la Bulgarie et avec l’importation de technologie par la Roumanie. Cette intégration a mené ces pays dans le piège de la dette. La faiblesse principale de ce type d’intégration provenait du fait que ces pays achetaient l’expertise technique en devises fortes mais la vendaient en devises faibles à l’intérieur du bloc de l’Est à cause de leur manque de compétitivité sur le marché international et des barrières à l’importation érigées par l’Union européenne. C’est pour couvrir les frais de ces importations que les États des Balkans ont emprunté massivement aux banques occidentales. En 1989 la Yougoslavie avait une dette de 20 milliards de dollars et la Bulgarie de 12 milliards, la moitié des recettes de l’export bulgare étant affectée au paiement des intérêts de la dette.
Afin d’imposer la discipline économique nécessaire au remboursement de la dette, le Fonds monétaire international
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et l’Union européenne ont exigé la recentralisation de la Fédération yougoslave. Pour récompenser le succès des « réformes » l’UE a fait miroiter la carotte de l’intégration. Dans la pratique cela signifiait l’alignement de l’UE sur les positions de Milosevic et du nationalisme de la Grande Serbie qui cherchait à améliorer la compétitivité de l’économie serbe par la recentralisation de la Yougoslavie. Mais la promesse de l’intégration a donné un élan aux riches républiques du nord qui voulaient augmenter leur compétitivité en se débarrassant du sud pauvre et de rejoindre l’UE. Ainsi, l’Union européenne a non seulement joué le rôle d’agent de désintégration économique de la République Fédérative Socialiste de Yougoslavie mais également, par la promesse d’une intégration accélérée, l’UE a été un facteur de sa désintégration nationaliste.
L’ouverture de la Yougoslavie de Tito au marché mondial dans les années 50 a conduit à la fragmentation de la Fédération en un ensemble de républiques aux économies concurrentes et autarciques et de fait, à partir des années 60, au développement du nationalisme « régional » dans ces républiques. La tentative de la Yougoslavie d’entrer en concurrence avec les Grandes Puissances a plutôt mené à la fragmentation interne de l’économie. Dans les Balkans dans leur ensemble c’est le projet d’industrialisation nécessaire à l’indépendance vis-à-vis des Grandes Puissances qui a progressivement détaché la région de sa dépendance vis-à-vis de la zone économique soviétique et entraîné sa dépendance vis-à-vis de l’UE. Le point le plus important est que toute l’histoire de l’économie de marché dans la région est plus celle de liens externes de dépendance que de liens internes entre économies. Le plus compréhensible serait d’imaginer les Balkans comme une bicyclette : comme un ensemble de roues attachées à un moyeu central, mais n’ayant aucune connexion entre elles. C’est ainsi que d’un point de vue économique les Balkans demeurent dans un espace semi-colonial de pauvreté et d’arriération, ce qui, en retour, les a ré-ouvert à la domination militaire des Grandes Puissances. L’intégration régionale orchestrée actuellement par l’Union européenne – comme par exemple l’Accord de Libre Échange d’Europe Centrale CEFTA – n’a pas pour objectif de promouvoir une coopération régionale parce que cela pourrait entrer en conflit avec l’intégration dans l’UE elle-même. En réalité, les Balkans sont intégrés comme un marché captif pour des biens et les investissements occidentaux renforçant ainsi les tendances de désindustrialisation et de dépendance à la dette.
Désormais, parler de la « transition vers l’économie de marché » c’est ignorer délibérément que ce qui se joue actuellement est le second cycle de l’économie de la dette. La dette a contraint les économies des Balkans à s’ouvrir au flux de capital et à la finance étrangère – la plupart des recettes provenant des privatisations – afin de refinancer cette même dette. Les intérêts élevés de la dette, exigés par le capital étranger, produisent une croissance basée sur l’importation et la consommation de biens, mais en même tant détruisent l’industrie et jettent la région dans un piège de la dette plus profond. Ce n’est pas un hasard. Le rôle de la politique monétaire encourageant la bulle spéculative des années 2000, notamment le rôle de la monnaie forte, son indexation sur l’Euro et les caisses d’émissions monétaires (currency board), sont la clé de voûte de ce système. D’un côté les taux d’intérêts élevés et une monnaie surévaluée sont censés attirer les capitaux étrangers dans le but de pouvoir emprunter pour payer les importations. De l’autre, ce même système de monnaie forte et de privatisations est responsable de la destruction de l’industrie. Une monnaie surévaluée n’incite pas à des investissements dans l’économie réelle et rend l’export non compétitif. Ajoutons à cela l’augmentation des déficits budgétaires et il en résulte la crise de la dette actuelle.
Le cas bulgare prouve clairement que le modèle de croissance par la finance n’est en réalité qu’un mécanisme d’extraction de capital par les banques occidentales. Le système de caisse d’émission monétaire instaure une convertibilité
Convertibilité
Désigne la possibilité légale de passer d’une monnaie à une autre ou d’une monnaie à l’étalon dans laquelle elle est officiellement définie. Dans le système actuel de taux de change libéralisés (c’est l’offre et la demande de devises qui détermine leurs cours respectifs - taux de change flottants), les monnaies flottent autour du dollar (étalon-dollar).
de la monnaie en devises de références. Dans ce système l’État ne contrôle plus l’émission de sa monnaie (comme c’est le cas dans la zone Euro). Tout déficit des comptes en devises affecte directement les réserves de change ce qui contracte la quantité de monnaie disponible dans l’économie et a un effet négatif sur les liquidités
Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
, les prix, les salaires et l’activité économique en général. De plus, le but de l’économie monétaire est alors de dégager un excédant budgétaire destiné à être investi dans l’achat de devises étrangères afin de garantir la valeur de la monnaie locale. Ces fonds sont alors majoritairement investis dans des obligations d’État d’autres pays européens. C’est ainsi que le plus pauvre pays de l’Europe finance les plus riches avec les dépenses de ses citoyens les plus pauvres. La Bulgarie, comme le reste des Balkans, est un créditeur net de l’Union européenne. Afin de maintenir la valeur de la devise nationale pour payer des prêts contractées en devises étrangères, prêts qui couvrent le déficit budgétaire courant et permettent le remboursement de la dette extérieure, les États des Balkans ont financé la dette des riches États de l’Eurozone. En retour, des banques de l’Eurozone utilisent la crise de la dette pour s’emparer de nouvelles sources de richesses publiques, comme le secteur de l’énergie qui, en Grèce, Roumanie et Bulgarie, a été privatisé sous le coup des Plans d’ajustement structurel du FMI. Ce régime d’excédent budgétaire exige en contrepartie une austérité permanente des finances publiques, c’est-à-dire un vaste transfert de richesses des pauvres vers l’oligarchie des Balkans et vers les banquiers occidentaux. Et cela parce que l’économie de la dette détruit les bases industrielles de la croissance qui, seules, pourraient différer la crise de l’endettement.
Le régime de monnaie forte est un système de convergence vers l’Eurozone permettant aux économies des Balkans de payer une dette libellée en Euro. Mais cela signifie que tous les États des Balkans sont de facto membres, ou plus précisément, des colonies, de l’Eurozone parce qu’ils ne sont plus capables de mener une politique monétaire indépendante. Forcés de dégager des excédents budgétaires pour rembourser la dette, ils ne peuvent plus investir dans l’industrie pour faire redémarrer leur économie et, comme dans le cas de la Grèce et de l’Europe périphérique, ils doivent imposer une politique néolibérale brutale en attaquant les salaires, les retraites, la protection sociale et en privatisant les biens publics.
C’est pourquoi la seule voie pour sortir de la crise est une fédération de nos pays qui pourrait mettre en commun et canaliser les ressources disponibles vers des industries nationalisées dans le but de créer des emplois et augmenter le niveau de vie. Nous devons exiger un modèle d’intégration régionale qui ne dépend pas de l’importation onéreuse de capital ni de biens de consommation occidentaux pour exporter une armée massive de travailleurs migrants esclaves afin de rembourser la dette consécutive à ce système. Nous devons créer un système dont la base sera un investissement public dans l’industrie et dans des réseaux d’échanges dans tous les Balkans.
L’idée de la Fédération des Balkans nous permettra de lier la lutte contre l’esclavage de la dette avec les luttes contre le contrôle impérialiste sur la région. Ces luttes seront dirigées contre l’intégration dans l’UE et contre la tutelle de la Russie, contre la dette et contre la dépendance énergétique. Ceci montre que cette idée n’est pas une idée nationaliste, mais internationaliste, un projet contre les alliances entre la classe locale de capitaliste et l’impérialisme.
Stratégiquement, cette idée peut conduire à l’unification des luttes populaires dans la région contre notre Troïka (FMI, EU-OTAN et Russie) en un seul mouvement de libération nationale et sociale de tous les peuples des Balkans. Contre l’alliance entre la classe dominante et leurs sponsors extérieurs, la Fédération des Balkans montre que nos alliés réels sont les travailleurs, les étudiants, les paysans et les retraités de toute la région et que pour lutter contre l’oppresseur extérieur, nous avons besoin de renverser les oppresseurs de chez nous.
Ainsi, seule la Fédération des Balkans peut créer une alternative internationaliste aux luttes nationalistes du Kosovo, de la Bosnie, de la Macédoine, ces luttes qui justement permettent aux impérialistes de diviser pour régner. Finalement, seul le concept de Fédération des Balkans est suffisamment large pour mener à une unification nationale des peuples des Balkans et leur permettre de vivre ensemble dans la paix et l’égalité.
La Fédération des Balkans sera notre alliance avec le peuple grec contre l’esclavage de la dette et la domination étrangère, elle sera notre propre contribution à la destruction de l’empire européen du capital et ouvrira une nouvelle ère pour toute la région, une ère où les peuples seront des sujets de leur propre destin. C’est pourquoi nous devons encore et encore poser la question de la Fédération des Balkans, inclure cette idée dans tous les aspects de nos luttes politiques, de nos interventions quotidiennes et commencer à construire ses fondations par le bas, en connectant mouvements sociaux entre eux et en replaçant les luttes dans un contexte plus large que le cadre national.
Juin 2013
Traduit de l’Anglais par Monika Karbowska
29 septembre 2015, par Andreja Živković , Tijana Okić