Série : Les États au service des banques au prétexte du « Too big to fail » (partie 3)
31 août 2014 par Eric Toussaint
En ce qui concerne la zone euro, les banques bénéficient d’un privilège : elles jouissent du monopole du crédit destiné au secteur public. En effet, il est interdit à la BCE
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
et aux banques centrales faisant partie de l’Eurosystème d’octroyer du crédit aux administrations publiques (voir encadré sur la BCE). Les gouvernements de la zone euro ont la possibilité de contourner partiellement cette interdiction en empruntant à des banques publiques (dans les pays où il en existe encore) mais ils se refusent jusqu’ici à mettre cette possibilité en pratique.
Or, les banques privées se financent principalement depuis 2008 auprès des pouvoirs publics (la BCE et les banques centrales de l’Eurosystème) à un taux extrêmement avantageux. Depuis juin 2014, elles empruntent à la BCE au taux de 0,15 % et de 0,05 % depuis le 4 septembre 2014 (alors que le taux d’inflation
Inflation
Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.
a été en 2013 de l’ordre de 0,8 % dans la zone euro, cela signifie que les banques paient un taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
inférieur à l’inflation, i.e. un taux d’intérêt réel négatif). Elles prêtent ensuite cet argent aux pays européens de la Périphérie (Espagne, Italie, Portugal, Grèce, Irlande, Chypre et des pays de l’Est membres de la zone euro) en exigeant des taux nettement plus élevés, voire exorbitants (entre 3 et 7 %, taux appliqués correspondants à juin 2014). Elles prêtent à la France, à la Belgique, aux Pays-Bas à un peu moins de 2 % et à l’Allemagne à 1,6 % (taux pratiqués en juin 2014).
La Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. européenne
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Éric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, préside le CADTM Belgique et est membre du conseil scientifique d’ATTAC France. Il est auteur des livres Bancocratie, Aden, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Editions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010.
[1] Onze pays ont créé la zone euro* en 1999 (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal), rejoints par la Grèce en 2001, la Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008, la Slovaquie en 2009, l’Estonie en 2011 et la Lettonie en 2014. Voir : http://www.touteleurope.eu/actualite/carte-des-pays-membres-de-la-zone-euro.html
[2] Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 282.
[3] Depuis le début de la crise, la FED a racheté pour plus de 2400 milliards $ de bons du trésor des États-Unis (en octobre 2014, le volume de bons du trésors détenu par la Fed atteindra 2450 milliards), ce qui représente 18% du volume total des bons du trésor en circulation. Source : Natixis, EcoHebdo, 25 juillet 2014, N°29, http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=78192 Attention, contrairement à une idée largement répandue, la Fed n’achète pas les bons du trésor au Trésor directement, elle les achète via des opérations d’open market aux banques privées qui les ont acquises préalablement. Voir la législation des États-Unis en la matière : http://www.federalreserve.gov/aboutthefed/section14.htm Il en va de même pour la banque d’Angleterre.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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