Les conséquences de la privatisation du réseau national de production et de distribution d’énergie électrique au Portugal

Hausse vertigineuse du prix de l’électricité au Portugal et bénéfices obscènes des actionnaires transnationales

12 novembre 2015 par Rui Viana Pereira , Eugénio Rosa


CC - Joao Vasco Almeida

Le développement économique et social d’un pays dépend de l’énergie et de l’efficacité de son usage. […] Voilà pourquoi les sociétés qui dominent le marché de l’énergie sont des entreprises stratégiques, car elles conditionnent non seulement le développement du pays, mais aussi le bien-être des entreprises et des familles, puisque tous les deux ont besoin et consomment de l’énergie.



Une des entreprises qui dominent le marché de l’énergie au Portugal, ou, plutôt, un des groupes les plus importants qui dominent le marché de l’énergie au Portugal est l’EDP. Voilà pourquoi l’EDP est une entreprise stratégique. Voilà aussi pourquoi l’EDP devrait être sous contrôle public. […] auparavant l’EDP était une entreprise publique et elle générait des recettes pour l’État] Les importants bénéfices que génère [l’EDP] sont maintenant versés à des actionnaires privés, surtout de grands groupes économiques étrangers, qui transfèrent ces sommes hors du pays, sans payer les impôts que les petits actionnaires portugais de l’EDP sont obligés, eux, de payer. […]


La hausse vertigineuse du prix de l’électricité au Portugal depuis la Troïka et le gouvernement PSD et les bénéfices gigantesque de l’EDP

Un des points du Protocole de prêt avec la Troïka visait la réduction les « revenus excessifs », notamment dans le secteur de l’énergie, qui non seulement généraient des bénéfices obscènes, mais ils étaient aussi responsables de la faible compétitivité des entreprises portugaises et de l’aggravation de la situation des familles portugaises, puisque les unes et les autres sont obligés de payer l’énergie qu’elles consomment à des prix supérieurs aux prix payez par ses concurrentes (dans le cas des entreprises) des autres pays. Mais ce qu’il était écrit dans le mémorandum est tout différent de ce qu’il s’est passé. […]

Cadre 1 – Variation du prix de l’électricité au Portugal et dans l’UE – 2010/2015

Source : Eurostat

Entre 2010 (l’année précédent à l’arrivé de la Troïka et du gouvernement du PSD/CDS-PP) et 2015, selon l’Eurostat […] le prix de l’électricité au Portugal pour les familles a accusé une hausse de 44,3 %, tandis que dans l’UE la hausse moyenne était de 24,6 % (23,2 % pour la zone euro), c’est-à-dire, environ la moitié ; quant aux entreprises (industrie) de moyenne dimension, la hausse de prix au Portugal était de 10 %, tandis que dans l’UE on assiste à une baisse moyenne de 2,2 % (6,5 % dans la zone euro).


Entre 2010 et 2015 les bénéfices liquides de l’EDP atteignent 10.276 milliards €

La conséquence de la hausse importante du prix de l’électricité n’est pas seulement l’aggravation des difficultés rencontrées par les familles et la réduction de la compétitivité des entreprises portugaises [...], mais aussi des bénéfices d’une taille carrément obscène pour l’EDP […]

Cadre 2 - Bénéfices nets de l’EDP - 2010-2015

Source : Bilans comptables de l’EDP, de 2000 jusqu’au 3e trimestre 2015

[…] Tout au contraire de ce que s’est passé avec les familles et la majorité des entreprises, la crise économique et sociale n’a pas touché l’EDP. [...]
Cette situation devient encore plus scandaleuse si nous faisons la comparaison avec l’évolution des revenus des familles des travailleurs portugais. […]

Cadre 3 - Variation des salaires nominaux et réels au Portugal - 2011-2014

Source : Bulletin statistique : décembre 2011 à août 2015 – GEE – Ministère de l’économie et Institut national de statistique

En même temps que les bénéfices de l’EDP croissaient toujours, les salaires et les revenus des travailleurs portugais, en valeur nominale et en valeur réelle (calculée en fonction de la hausse des prix) ne cessaient de baisser. Pendant cette période (d’octobre 2011 à octobre 2014) on constate que la rémunération mensuelle des travailleurs portugais a diminué de 24,5 € et le revenu mensuel de 18,1 €. Le pouvoir d’achat accuse une réduction de 4,3 % à 5,2 %. Rappelons que ces calculs ne prennent pas en compte l’énorme hausse des impôts (sur les revenus et la TVA) pendant cette période. On constate aussi qu’un nombre croissant de travailleurs reçoit seulement le salaire minimum national (SMN). De 2010 à 2014 le pourcentage des travailleurs qui reçoivent seulement le SMN a augmenté 73,5 % – on peut dire qu’avec la Troïka et le gouvernement PSD/CDS-PP le Portugal devient un pays de salaire minimum.


Les bénéfices obtenus par l’EDP au détriment des familles et des sociétés portugaises sont affectés à des groupes économiques étrangers qui transfèrent ces bénéfices hors du pays sans payer d’impôts

En collusion avec la Troïka et à prix d’aubaine, le gouvernement du PSD/CDS-PP a vendu l’EDP, qui était une entreprise publique, à une société appartenant à l’État chinois. […]

Donc, 53,81 % du capital de l’EDP, une des principales entreprises du secteur de l’énergie, est déjà contrôlé par de grands groupes économiques étrangers ; les groupes « portugais » ont seulement 4,44 % du capital de l’EDP. [La part rapportée « autres actionnaires » appartient certainement, elle aussi, à des actionnaires étrangers.] […] Donc, premièrement, si l’EDP est contrôlé par de grands groupes économiques étrangers, ses objectifs stratégiques seront fatalement les objectifs de ces groupes, et non le développement du pays […] Deuxièmement, la plus grand partie de ces bénéfices gigantesques obtenus par l’EDP, basés sur des prix léonins au détriment des familles et des entreprises portugaises, sont transférés vers l’étranger sans payer d’impôts. Un petit actionnaire de l’EDP, quand il reçoit son dividende, doit payer 28 % de impôt sur les revenus (ce taux est retenu à la source), tandis que la China Three Gorges, si elle a créé une société (SGPS) aux Pays-Bas, elle y transfert ce bénéfice sans payer un centime d’impôt sur son dividende ; et des Pays-Bas, il est possible de transférer ce bénéfice dans une autre partie du monde sans payer d’impôts. C’est le « monde merveilleux » de l’évasion fiscale [...]

D’après une étude d’Eugénio Rosa [1]. Ce résumé [2] est de la responsabilité de Rui Viana Pereira.
Traduction en français de Rui Viana Pereira en collaboration avec Christine Pagnoulle.


Notes

[1Eugénio Rosa est économiste. Depuis plusieurs années il produit toutes les semaines des études économiques et statistiques sur la situation au Portugal. Tous ses articles et études : http://www.eugeniorosa.com/

Rui Viana Pereira

est traducteur et sonoplaste, co-fondateur du Comité pour l’audit de la dette publique portugaise (CADPP), membre de Démocracie & dette. Avec Renato Guedes il a publié « Qui paye l’État providence au Portugal ? » (in Quem Paga o Estado Social em Portugal ?, coordonné par Raquel Varela ; Bertrand, Lisbonne, 2012) et « Et s’il y avait le plein emploi ? » (in A Segurança Social É Sustentável, coordonné par Raquel Varela ; Bertrand, Lisbonne, 2013).

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Eugénio Rosa

Licenciado em economia e doutorado pelo ISEG. Produz com regularidade mensal estudos sobre o mundo do trabalho e as condições de vida da população e publica-os em http://eugeniorosa.com/