Réunion annuelle du CADTM Asie du Sud

Les députés européens ne doivent pas voter la ratification des accords UE-Chili et UE-Kenya !

28 février 2024 par CADTM France , Collectif national Stop CETA/Mercosur


Photo : Via Campesina, source : https://viacampesina.org/fr/europe-ecvc-presente-des-suggestions-concretes-pour-garantir-des-prix-equitables-aux-paysan%c2%b7ne%c2%b7s/

Alors que le monde agricole est en pleine mobilisation, tant en en Europe qu’en France, en pointant notamment le rôle nocif des accords de libre-échange, les députés européens se prononcent ce jeudi 29 février sur deux nouveaux accords avec le Chili, d’une part, et le Kenya, de l’autre. Ils conduiront à importer en Europe toujours plus de produits de l’autre bout de la planète et ne répondant pas aux mêmes normes sociales et environnementales. Sans compter qu’ils renforceront des relations commerciales inégalitaires et néocoloniales. C’est pourquoi une trentaine d’organisations françaises, dont le CADTM France, se joignent aux appels aux députés européens pour qu’ils votent contre ces accords.



Voilà de quoi jeter de l’huile sur le feu : en plein salon de l’agriculture et alors que la mobilisation du monde agricole bât son plein dans plusieurs pays européens, et après avoir ratifié l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande en décembre 2023, les Parlementaires européens doivent se prononcer ce jeudi 29 février sur deux nouveaux accords, avec le Chili et le Kenya. Pleinement soutenus par la France, ces deux accords vont à la fois contribuer à augmenter l’importation de produits agricoles venant de milliers de kilomètres d’ici et continuer à tirer les prix vers le bas par un renforcement de la concurrence internationale.

Sur le seul plan agricole, l’accord UE-Chili augmente les quotas d’importation sans droit de douane de nombreuses viandes : 9 000 tonnes pour le porc, 2000 tonnes pour le bœuf, 4 000 tonnes pour la viande ovine et 18 000 tonnes pour la volaille. Ces quotas, que la Commission juge limités, s’additionnent aux quotas existants et à ceux, nouveaux, que vient d’instaurer l’accord UE-Nouvelle-Zélande : 38 000 tonnes de viande ovine et 10 000 tonnes de viande bovine. A force, le cumul de ces quotas représentent une part conséquente de la production européenne, suffisante pour tirer les prix vers le bas et faire disparaître les producteurs les moins compétitifs.

L’accord UE-Chili crée également de nouveaux quotas pour les préparations de fruits (10 000 t), l’huile d’olive (11 000 t), et permet d’importer sans limite de quantité et sans droit de douane des pommes, des kiwis, du miel, qui vont donc traverser la planète pour se retrouver sur nos étals. Par ailleurs, contrairement aux promesses de réciprocité des normes prononcées par la Commission européenne et Emmanuel Macron, cet accord n’oblige pas aux produits agricoles chiliens d’être alignés sur la législation qui encadre la production européenne.

L’accord UE-Kenya va lui empêcher le Kenya, ainsi que ses pays voisins avec lequel il partage une union douanière, de mettre en œuvre des politiques visant à protéger ses producteurs et marchés agricoles, telles qu’une politique de prix garanti pour ses producteurs nationaux : les intérêts européens, massivement présents dans le secteur de l’exportation de fruits, légumes et fleurs vont pouvoir continuer à exporter ces produits à bas coûts vers l’UE. C’est le propre de ces accords que de rendre toujours plus difficile l’introduction de politiques visant à protéger les producteurs agricoles d’une compétition internationale trop féroce.

Ces accords ne portent pas exclusivement sur le secteur agricole. L’accord UE-Chili, signé en catimini le 13 décembre 2023, en pleine COP28 sur le climat, vise à ce que les entreprises européennes puissent mettre la main sur des matières premières très convoitées telles que le lithium ou le cuivre, au risque d’aggraver la pression minière et les conflits socio-environnementaux, déjà très nombreux, dans le pays. L’électrification et le verdissement de l’économie européenne peuvent-elles se réaliser au prix d’une dégradation de la situation socio-environnementale des pays du Sud tels que le Chili ?
Cet accord UE-Chili maintient également un dispositif de règlement des investissements investisseurs-État (ISDS en anglais), forme de justice parallèle accessible aux seuls investisseurs étrangers qui leur est généralement extrêmement avantageux, protégeant leurs intérêts au détriment de la capacité des États et des pouvoirs publics à réguler leurs activités et mener des politiques de transition socio-écologiques.

L’accord UE-Kenya va quant à lui saper les efforts d’intégration régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est : comment imaginer qu’une union douanière telle que celle-ci ne soit pas profondément déstabilisée par un accord bilatéral qui va générer une pression concurrentielle au cœur même de la CAE ? Ainsi, comme c’est le cas pour l’accord intérimaire avec la Côte d’Ivoire et le Ghana, le lait en poudre européen, moins cher, va traverser les frontières et compromettre la capacité des autres pays de la CAE à garantir leur propre sécurité alimentaire.

Autant de raisons qui conduisent des dizaines d’organisations de la société civile dont une trentaine d’organisations françaises (ActionAid France, Action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
non-violente COP 21, Aitec, Alternatiba, Alofa Tuvalu, Attac France, Bloom, CADTM France, Canopée, Confédération paysanne, CGT, Extinction Rebellion, Fédération Artisans du Monde, France Amérique Latine – FAL , France Nature Environnement, FSU, Générations Futures, LDH, Les Amis de la Terre, Les Amis du Monde diplomatique, L’Offensive, Notre Affaire À Tous, Sherpa, Veblen Institute, ZEA et le Collectif national Stop CETA-Mercosur Mercosur Le Mercosur est une zone régionale de coopération économique du Cône Sud (marché du Cône Sud) qui rassemble le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, en plus de plusieurs pays associés, le Chili, la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Suriname, le Guyana et le Pérou. ), à appeler, dans deux déclarations distinctes (ici et ici), les députés européens à voter contre ces deux accords UE-Chili et UE-Kenya.

Ces mêmes organisations appellent les internautes à écrire à leurs députés européens « Votez NON aux accords UE-Chili et UE-Kenya ! » via un outil en ligne.

Les États-membres de l’UE et la Commission européenne veulent insérer toujours plus d’activités, d’entreprises et d’emplois dans la mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
et la concurrence internationale, ce qui se fait au détriment de l’ambition climatique et écologique, de la protection des emplois et des conditions de travail, du maintien d’une agriculture paysanne de qualité et soutenable, ainsi que des promesses de relocalisation faites pendant la pandémie de Covid-19. Ce n’est pourtant pas une fatalité et il est urgent d’emprunter une voie alternative vers la relocalisation écologique, sociale et solidaire.

Le collectif national Stop CETA/Mercosur (www.collectifstoptafta.org)