Synthèse du 13e Séminaire international du CADTM sur la dette et les droits humains « Que peuvent faire les États pour stopper les fonds vautours ? »
4 novembre 2014 par Claude Quémar
Commençons notre fable par les prédateurs.
Ceux dont il a été le plus question sont bien sûr les vautours, même si dans la nature ces animaux ont une véritable utilité.Les vautours dont il a été question ici ont eux une fonction néfaste. Ils utilisent le droit pour aller à l’encontre de la justice sociale, afin de s’accorder à eux-mêmes un avantage illégitime. Ce qui renvoie au débat que connaissent bien les mouvements sociaux. Je pense à l’exemple du droit des étrangers, entre ce qui est légal et ce qui est légitime.
Mais ils ne sont pas les seuls prédateurs dans cette fable, il a été également question de requins, c’est à dire les banques et leurs actions contre les peuples, en particulier en Grèce et en Argentine. À tel point que la question a été posée de savoir si ces banques n’étaient pas, elles, souveraines, aujourd’hui dans le monde. Et toujours en référence à la tapisserie derrière moi, elles se sont construit leur propre monde, qu’elles appellent ’paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
’.
Enfin, les loups sont les trois composantes de la Troïka qui s’acharnent contre les peuples du Sud de l’Europe. Mais je voudrais faire un sort particulier à la meute qui s’appelle ’Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
’. Comment appeler autrement cette structure, autoproclamée, qui ignore aujourd’hui ce qui se passe en Guinée, au Sierra Leone et au Liberia, avec l’épidémie d’Ebola.
Souvenons nous du tsunami qui avait touché l’Asie du Sud-est. À l’époque, le Club de Paris avait fait semblant de parler d’annulation de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
de ces pays, avant de finalement se contenter, une fois les médias éloignés, d’un simple moratoire
Moratoire
Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.
Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
pour deux pays. Aujourd’hui pas un mot pour ces trois pays touchés par l’épidémie d’Ebola dont le développement est directement lié à l’état de délabrement dans lequel leurs politiques ont laissé ces États. Leurs dettes doivent être immédiatement annulées et les ressources dégagées doivent être consacrées à la reconstruction d’un service de santé, d’un urbanisme permettant de répondre à l’urgence de la situation. La France doit cesser de gérer avec la Guinée le C2D (Contrat désendettement développement) et annuler tout simplement ses créances.
Après la dénonciation de ces prédateurs, notre journée a traité des possibles pour une autre fable. Lors de son introduction de ce matin, la sénatrice Olga Zrihen a utilisé l’expression ’Nous posons des actes’. Oui, élus, juristes, associations, ont cette responsabilité de poser des actes à tous les niveaux, national, européen, multilatéral... pour mettre le droit au service des peuples et non du capitalisme. Nous sommes au treizième séminaire de droit du CADTM et nous savons bien que le droit est un terrain de luttes que nous devons occuper pour armer les licornes, c’est à dire les peuples.
Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que notre première arme vis à vis de la dette est l’audit. Vous connaissez déjà la place que l’audit prend dans notre démarche de mobilisation.
Mais il a été rappelé ici-même qu’une des armes essentielles pour construire une véritable démocratie sociale est la transparence. Tout ce qui a des conséquences sur les conditions de vie des peuples doit être transparent pour ces mêmes peuples. Nous ne saurions donc accepter quelque clause de confidentialité que ce soit.
Tout ce que nous avons analysé et dénoncé aujourd’hui fait système et c’est à ce système que les mouvements sociaux que nous sommes s’affrontent. Il est de notre responsabilité non de raconter une fable mais de construire notre histoire commune.
Notre responsabilité est de soutenir les mobilisations en Grèce, en Argentine, en Équateur, au Sierra Leone, au Liberia, en Guinée, en Haïti. Nous devons soutenir le droit des peuples à poser des actes souverains unilatéraux. Face à ce système, nous exigeons le droit, légitime, à la désobéissance. Et c’est pourquoi j’ai décidé que l’animal en haut à droite de la tapisserie était une licorne, parce que les licornes ont une corne et qu’elles savent s’en servir...
*Pour comprendre ce titre il vaut mieux connaître la tapisserie de la salle de la maison des parlementaires où se tenait le séminaire.
Haïti
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