Migrations forcées, discriminations et exclusions

5 mai 2021 par Claude Calame , Alain Fabart


Cet ouvrage propose différents éclairages sur les causes des migrations forcées et sur leurs conséquences en termes de stigmatisation, de discrimination, d’exclusion et de négation des droits : droits de la personne, droits sociaux.



Poussé·es à l’exil en particulier par les effets d’une mondialisation Mondialisation (voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.

Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».

La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
économique et financière d’ordre néocolonial, les migrant·es tentant de trouver refuge dans un pays de l’Union européenne sont soumis à une triple sélection : par le voyage, plus qu’aléatoire ; par l’enregistrement aux frontières de l’Union européenne dans les hotspots ; par la menace constante d’expulsion du pays qui devrait les accueillir. La catégorie du migrant se définit donc par la négative, par l’illégalité du séjour sur un territoire défini par ses frontières nationales. Quels que soient son origine, sa langue, sa culture, sa religion, son statut social, la personne exilée cherchant en Europe un refuge et une nouvelle dignité est condamnée à l’invisibilité, au rejet, à l’exclusion, quand ce n’est pas à la disparition au cours du trajet migratoire.

L’absence de statut, la négation de toute identité condamnent migrantes et migrants à des conditions de vie plus que précaires, aux violences policières et à des pressions psychiques qui contribuent à détruire leur humanité.

Les auteur·es s’interrogent autant sur les raisons de ces discriminations et de ces exclusions que sur leurs usages politiques. Quelles voies proposer pour une autre politique migratoire et pour changer le système qui produit les migrations forcées, sous la contrainte économique, sociale et environnementale.

Sommaire
Introduction. Entre stigmatisations, rejets et disparitions
Claude Calame et Alain Fabart
Pour un droit de l’hospitalité : l’urgence et l’obstacle
Étienne Balibar
Migrations dans le monde
Catherine Wihtol de Wenden
Accueil des migrants : enjeux de civilisation
Roger Martelli
La liberté de circulation : pourquoi ?
Danièle Lochak
Les fantasmes migratoires à travers l’exemple du « Pacte de Marrakech »
Marie-Christine Vergiat
Pour une politisation de la question migratoire
Alexis Nuselovici
Mondialisation capitaliste, eurocentrisme et immigration. Une prolétarisation du monde
Saïd Bouamama
Les malhonnêtes : idéologies, peurs et mensonges autour des migrations internationales
Julien Brachet
Causes et effets des migrations contraintes : propositions altermondialistes
Claude Calame et Alain Fabart
Les migrations environnementales comme enjeu de solidarité internationale
Henri Lefebvre
Pour une approche altermondialiste des migrations
Gustave Massiah

Pour vous procurer ce livre, rendez-vous sur la page des Éditions du Croquant.

Dans la même thématique, ne manquez pas le prochain numéro des Autres Voix de la Planète (AVP) du CADTM.

« Dettes & migrations : Divisions internationales au service du capital » : https://www.cadtm.org/Dettes-migrations-Divisions-internationales-au-service-du-capital

Claude Calame

est Directeur d’études, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris. Il est membre du Collectif de soutien de l’EHESS aux sans papiers et aux migrant-es (Section EHESS de la LDH), membre de la Commission « migrations » d’ATTAC-France et membre du CADTM.

Alain Fabart

membre du Conseil scientifique d’Attac France, co-animateur de l’Espace de travail thématique migrations, association SALTO 92 d’accompagnement des personnes en exil.