Réunion annuelle du CADTM Asie du Sud

Pakistan : Entre programmes du FMI et répression politique, la jeunesse quitte le pays

1er mars par Abdul Khaliq , Maxime Perriot


Abdul Khaliq, CADTM Pakistan

Comme le Sri Lanka, le Pakistan a signé un accord avec le Fonds monétaire international pour un prêt de 3 milliards de dollars. Il est décaissé au fur et à mesure de l’application par le gouvernement pakistanais des conditionnalités exigées par le FMI. Ce 24e accord avec le FMI, combiné à une situation politique très tendue et à un départ massif des jeunes du pays, caractérisent la situation économique, politique et sociale d’un pays où la gauche est quasiment absente. Voici le portrait qu’en a dressé Abdul Khaliq pendant la réunion annuelle du CADTM Asie du Sud à Katmandou (Népal), les 14 et 15 février 2024.



  Les conditionnalités du FMI font exploser les prix de l’énergie

Les prix du gaz sont multipliés par 4 tous les ans et ceux de l’électricité ont augmenté de 80% au cours des deux dernières années

Un an et demi après de terribles inondations qui ont tué au moins 1 700 personnes, affecté 33 millions de personnes et qui ont creusé la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique pakistanaise, le pays se retrouve de nouveau empêtré dans les filets du FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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. Un programme de 3 milliards de dollars de versements a été signé avec l’institution de Bretton Woods. Comme pour le Sri Lanka, ce programme rime avec coupes dans les subventions publiques au gaz et à l’électricité, privatisations en série et facilitation des investissements au Pakistan pour les grands fonds d’investissement Fonds d’investissement Les fonds d’investissement (private equity) ont pour objectif d’investir dans des sociétés qu’ils ont sélectionnées selon certains critères. Ils sont le plus souvent spécialisés suivant l’objectif de leur intervention : fonds de capital-risque, fonds de capital développement, fonds de LBO (voir infra) qui correspondent à des stades différents de maturité de l’entreprise. internationaux.

Lire aussi : Nouvelle vague de privatisations imposées par le FMI au Pakistan

Concrètement, cela signifie une inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. des prix du gaz et de l’électricité encore plus accablante pour la population : les prix du gaz sont multipliés par 4 tous les ans et ceux de l’électricité ont augmenté de 80% au cours des deux dernières années. L’inflation s’élève à 38% en moyenne. À côté de cela, le Pakistan a une dette extérieure de 130 milliards de dollars US, soit 90% de son PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
. En manque de devises extérieures pour rembourser, il contacte des prêts d’urgence auprès de la Chine, de l’Arabie Saoudite, du FMI, des Émirats arabes unis dans une fuite en avant clairement opposée aux intérêts de la population pakistanaise.

Ainsi, le Pakistan subit la pression des créanciers tels que la Chine ou le FMI. Les conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. de ce dernier plongent donc le pays dans une inflation toujours plus importante. La question de l’endettement et de l’obéissance au FMI est donc une question d’intérêt général cruciale au Pakistan. Cruciale aussi car le Pakistan emprunte auprès des banques pakistanaises à du 22% d’intérêt (il a récemment réalisé un emprunt de 400 millions de dollars auprès de celles-ci), creusant toujours plus son niveau d’endettement et consacrant toujours plus de revenus au remboursement et au paiement d’intérêts plutôt qu’à l’éducation, à la santé etc.

Lire aussi : Le prêt conditionnel du FMI et son coût

Dans cette situation d’inflation énorme et de privatisation progressive de l’hôpital et de nombreux autres services publics, des centaines de milliers de personnes tombent dans le désespoir et fuient le pays dans l’espoir de trouver de meilleures conditions de vie ailleurs.

  Une situation politique très instable

Emprisonné et écarté des élections législatives de 2024, Imran Khan et son Mouvement du Pakistan pour la justice (PTI) étaient au pouvoir de 2018 à avril 2022, année marquant la censure de son gouvernement. D’ici à 2024, Imran Khan a échappé de peu à la mort lors d’une tentative d’assassinat et a été emprisonné pour ne pas avoir déclaré certains « cadeaux diplomatiques ». Malgré tous ces évènements, il est resté très populaire au Pakistan et son parti, qui n’avait pas l’autorisation de concourir aux élections législatives du 8 février 2024, a présenté des candidat·es indépendant·es et est arrivé en tête. Les autres partis ont alors formé une coalition pour empêcher à tout prix les partisan·es d’Imran Khan d’arriver au pouvoir.

Lire aussi : Accord ou défaut : est-ce la fin de la partie pour le Pakistan ?

En bref, la situation politique au Pakistan est très instable et la répression est extrêmement forte. Cette instabilité concerne également la situation diplomatique tendue du Pakistan avec l’Inde, l’Afghanistan, mais également l’Iran.


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