Quand arrive le moment de décider au sujet des actes administratifs et législatifs qui mettent en cause les droits humains et du travail, le Tribunal Constitutionnel (TC) oscille fréquemment du coté des intérêts représentés par la Troïka. Ce parcours zigzaguant n’a rien d’étrange, si nous prenons en compte la nature du TC et l’environnement historique de sa création comme nous l’avons développé dans l’article précédent sur la création du TC.
Les décisions du TC ont deux types de conséquences : les unes financières – correspondant aux arguments présentés par les pouvoirs publics pour justifier les mesures d’austérité-, les autres de principe – reniement des droits et garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). offerts par le modèle de l’État de droit et par la Constitution, reniements des accords négociés collectivement par les travailleurs. Ce reniement des principes a des conséquences réelles, concrètes et dévastatrices sur la vie des gens, sur leur santé, leur emploi, les relations au travail.
O Jornal de Negócios a présenté récemment [1] une infographie qui résume quelques uns des arrêts et leurs conséquences financières respectives :
Arrêts contre les mesures d’austérité
Arrêts favorables aux mesures d’austérité
« Récupérer » ou « Épargner » sont des mots que les pouvoirs publics aiment utiliser, en harmonie avec les Mémorandums de la Troïka. Mais quelle est l’origine de tout cet argent ? Le contenu de la liste ci-dessus montre clairement qu’il ne s’agit pas de restructuration et de rationalisation de services, mais d’une extorsion pure et simple sur les revenus des travailleurs et travailleuses. Les 7.715 millions proviennent pour leur totalité des revenus du travail (en supplément les impôts sur le capital ont été allégés [3], excepté dans le cas des petits propriétaires et des négociants). On aurait pu espérer que, selon les principes de la Loi Fondamentale et les principes généraux de justice sociale, ces montants reviennent au salaire indirect (c’est-à-dire des services au bénéfice des travailleurs et de la population, supportés par les taxes et les contributions – enseignement, santé, éducation, fonds pour l’emploi, culture, environnement...). Au contraire, tous les budgets pour faire face au chômage, pour un revenu minimum pour une vie digne, pour la santé, pour l’enseignement, pour la protection de l’environnement et les dommages causés par l’industrie, pour la production et la diffusion de la culture, pour la recherche scientifique, ont été diminués .
Mais alors où vont les 7.715 millions de euros ? Ces « économies » sont destinées :
Dans l’équilibre des décisions du TC il faut encore examiner un ensemble de cas, les uns généraux d’autres sectoriels. A titre d’exemple :
Comme déjà dit au début de cette série d’articles, le TC étant un organe de souveraineté avec des responsabilités prééminentes dans la préservation des accords de régime politique, la seule façon d’empêcher ses décisions ou de lui mettre la pression pour que ses décisions soient cohérentes avec les principes fondamentaux de la Constitution (exprimés dans les premiers articles) est d’inverser le rapport de force ; il faut activer les mouvements sociaux de base. Le pari sur les combats dans les superstructures est d’une utilité très relative et limitée car c’est précisément là, dans ces superstructures, que la bataille pour la sauvegarde des droits fondamentaux est en train d’être perdue.
Traduction : Jacques Dachary
[1] Jornal de Negócios, 27-11_2013, « Infografia : Constitucional deixou passar 80% da austeridade ».
[2] Pour une analyse du vol sur les prestations, voir par exemple Grazia Tanta,
http://grazia-tanta.blogspot.2012/07/o-tribunal-constitucional-e-o-roubo-dos.html
[3] D’après l’information publiée sur http://www.noticiasaominuto.com/economia/131055/imposto-de-selo-no-finianciamento-da-banca-reduzido-em-90 le gouvernement a promis à la banque une réduction de l’impôt de timbre et (plus important) de sa méthode de calcul. Cette mesure permettrait aux institutions financières d’épargner entre 400 et 500 millions de euros l’an prochain, selon une estimation fournie par Grazia Tanta.
[4] Un exemple plus récent :l’entreprise MARTIFER loua à l’Etat les terrains et les équipements des Chantiers Navals de Viana do Castelo (ENVC) ; le contrat va jusque 2031, avec un loyer annuel de 415 000 euros(total : 7 millions d’euros ) Ce contrat implique le licenciement de 609 travailleurs, qui devront être indemnisés par l’Etat jusqu’en 2014 , les indemnités se monteront à 30 millions d’euros. En sus, l’Etat devra acquitter des millions d’indemnisation à diverses entreprises ou organismes car l’arrêt de l’activité des chantiers ne permet pas d’honorer les contrats de construction navale en cours. Voir en particulier Expresso 29-11-2013 ; Diario de Noticias 27-11-2013
est traducteur et sonoplaste, co-fondateur du Comité pour l’audit de la dette publique portugaise (CADPP), membre de Démocracie & dette. Avec Renato Guedes il a publié « Qui paye l’État providence au Portugal ? » (in Quem Paga o Estado Social em Portugal ?, coordonné par Raquel Varela ; Bertrand, Lisbonne, 2012) et « Et s’il y avait le plein emploi ? » (in A Segurança Social É Sustentável, coordonné par Raquel Varela ; Bertrand, Lisbonne, 2013).
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