17 juin 2021 par Eric Toussaint , C.J. Polychroniou
Interview d’Éric Toussaint par C.J. Polychroniou pour le site TruthOUT https://truthout.org/
Question : Au cours des dernières décennies, les inégalités se sont accrues dans de nombreux pays du monde, tant dans les pays développés que dans les pays du Sud, créant ce que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé dans son avant-propos au Rapport social mondial 2020 « un paysage mondial profondément inégalitaire ». En outre, le 1 % de la population la plus riche est le grand gagnant de l’économie capitaliste mondialisée du XXIe siècle. L’inégalité est-elle une évolution inévitable face à la mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
, ou le résultat de politiques et d'actions menées au niveau de chaque pays ?
Éric Toussaint : La montée des inégalités n’est pas inévitable. Néanmoins il est évident que l’explosion des inégalités est consubstantielle à la phase dans laquelle le système capitaliste mondial est entré au cours des années 1970, voici un demi-siècle. L’évolution des inégalités dans le système capitaliste est à mettre directement en relations avec les rapports de forces entre les classes sociales fondamentales, entre le Capital et le Travail. Quand j’utilise le terme Travail cela couvre aussi bien les salarié·es des villes que les travailleurs et les petits producteurs des campagnes.
L’explosion des inégalités est consubstantielle à la phase dans laquelle le système capitaliste mondial est entré au cours des années 1970
On peut distinguer de grandes périodes dans l’évolution du capitalisme en fonction de l’évolution des inégalités et des rapports de forces sociaux. Elles ont augmenté entre le début de la révolution industrielle au cours de la première moitié du 19e siècle jusqu’aux politiques mises en place par l’administration de F. D. Roosevelt aux États-Unis dans les années 1930 puis elles ont diminué jusqu’au début des années 1980. En Europe le tournant vers la diminution des inégalités a été décalée d’une dizaine d’années par rapport aux États-Unis car il a fallu attendre la fin de la Deuxième guerre mondiale et la défaite définitive du nazisme pour que des politiques de réduction des inégalités se mettent en place, que ce soit en Europe occidentale ou dans la partie de l’Europe passée dans le camp de Moscou. Dans les principales économies de l’Amérique latine, il y a eu réduction des inégalités des années 1930 aux années 1970 notamment pendant la présidence de L. Cardenas au Mexique, J. D. Peron en Argentine. Au cours de la période qui va des années 1930 aux années 1970, les luttes sociales étaient massives. Dans de nombreux pays capitalistes, le Capital a dû faire des concessions au Travail afin de stabiliser le système. Dans certains cas, la radicalité des luttes sociales ont débouché sur des révolutions comme en Chine en 1949 et à Cuba en 1959.
On distingue de grandes périodes dans l’évolution du capitalisme en fonction de l’évolution des inégalités et des rapports de forces sociaux
Le retour à des politiques renforçant très fortement les inégalités s’amorce de manière brutale dans les années 1970 en Amérique latine et dans une partie de l’Asie. Citons à partir de 1973 la dictature du général Pinochet conseillé par les Chicago boys, la dictature de F. Marcos aux Philippines, les dictatures argentine et uruguayenne, pour n’en prendre que quelques exemples de pays où les politiques néolibérales ont été mises en pratique en premier lieu.
Ces politiques néolibérales, qui ont produit une forte augmentation des inégalités, se sont généralisées à partir de 1979 en Grande-Bretagne avec M. Thatcher, à partir de 1980 aux États-Unis avec R. Reagan, à partir de 1982 en Allemagne avec H. Kohl, en 1982-1983 en France après le tournant à droite de F. Mitterrand.
Les inégalités se sont fortement accrues avec la restauration capitaliste dans les pays de l’ex-Union soviétique et dans son bloc en Europe centrale et de l’Est. En Chine à partir de la deuxième moitié des années 1980 les politiques dictées par Deng Xiaoping ont conduit également à une restauration progressive du capitalisme et à une montée des inégalités.
Le retour à des politiques renforçant très fortement les inégalités s’amorce de manière brutale dans les années 1970
Il est très clair également que pour les idéologues du système capitaliste et pour toute une série de responsables d’organismes internationaux, une montée des inégalités est une condition nécessaire de la croissance.
Rappelons que Simon Kuznets [1] a élaboré dans les années 1950 une théorie selon laquelle un pays dont l’économie décolle et progresse doit nécessairement passer par une phase d’augmentation des inégalités. Selon ce dogme, les inégalités commenceront à baisser dès que le pays aura atteint un seuil supérieur de développement. C’est un peu la promesse du paradis après la mort qui est utilisée par les classes dominantes pour faire accepter une vie faite de souffrances et de reculs. La nécessité de voir monter les inégalités est très ancrée à la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
Cliquez pour plus de détails.
. Pour preuve, les paroles du président de la BM, Eugene Black, en avril 1961 : « Les inégalités de revenus découlent nécessairement de la croissance économique (qui) donne la possibilité aux gens d’échapper à une existence dans la pauvreté » [2]. Pourtant, les études empiriques réalisées par la Banque Mondiale du temps de Hollis Chenery, économiste en chef de cette institution dans les années 1970 ont infirmé les affirmations de Kuznets.
Les inégalités ont atteint un niveau inédit dans l’histoire de l’humanité. C’est le produit de la dynamique du capitalisme globalisé
Dans son livre Le capital au XXIe siècle [3], Thomas Piketty a présenté une critique très intéressante de la théorie de Kuznets. Piketty rappelle qu’au départ Kuznets doutait lui-même du bien-fondé de sa courbe, cela ne l’a pas empêché d’en faire une théorie qui a la vie longue. Entre temps les inégalités ont atteint un niveau inédit dans l’histoire de l’humanité. C’est le produit de la dynamique du capitalisme globalisé soutenue par les politiques des institutions internationales en charge du « développement » et des gouvernements qui favorisent le 1 % le plus riche au détriment de l’écrasante majorité de la population tant au Nord qu’au sud de la planète.
En 2021, la Banque mondiale est revenue sur le printemps arabe de 2011 en affirmant, contre toute évidence, que le niveau d’inégalité était faible dans toute la région arabe et cela l’a beaucoup inquiété car selon elle c’est le symptôme que quelque chose ne fonctionne pas suffisamment dans le supposé succès économique de la région. En fidèles adeptes de la théorie de Kuznets, Vladimir Hlasny et Paolo Verme affirment dans un document publié par la Banque mondiale qu’ « une faible inégalité n’est pas un indicateur d’une économie saine » [4].
Une crise de cette ampleur impose de « mettre les compteurs à zéro » comme cela a eu lieu à de nombreuses reprises dans l’histoire de l’humanité
Gilbert Achcar résume ainsi la position adoptée par Paolo Verme de la Banque mondiale : « selon l’étude de la Banque mondiale de 2014, c’est l’aversion pour l’inégalité, et non l’inégalité en soi, qui doit être déplorée, puisque l’inégalité doit inévitablement augmenter avec le développement dans une perspective kuznétsienne. » [5]
Il est enfin très clair que la pandémie du coronavirus a augmenté encore un peu plus l‘inégalité de la répartition des revenus et des patrimoines. L’inégalité devant la maladie et devant la mort a crû également de manière dramatique.
Les politiques néolibérales ont créé de forts niveaux d’endettement pour les marchés dits émergents et les pays en développement, la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
menaçant de créer une urgence de développement mondiale qui pourrait être plus grave que l’urgence sanitaire mondiale créée par la pandémie de Covid-19. Quelle est la solution la plus réaliste à la crise de la dette dans les pays en développement ?
Il faut l’annulation des dettes abusives réclamées aux classes populaires
La solution est claire : il faut procéder à des suspensions de paiement en excluant le versement d’indemnités de retard. Au-delà d’une suspension de paiement, il faut procéder dans chaque pays à des audits de la dette avec une participation active des citoyen·nes afin de déterminer la partie illégitime, odieuse, illégale et/ou insoutenable qu’il faut annuler. Une crise de cette ampleur impose de « mettre les compteurs à zéro » comme cela a eu lieu à de nombreuses reprises dans l’histoire de l’humanité. David Graeber l’a rappelé dans son fameux livre Dette : 5000 ans d’histoire.
Au niveau du CADTM, qui est un réseau mondial actif principalement au Sud de la planète mais aussi au Nord, la nécessité de recourir à des suspensions de paiement et à des annulations de dettes ne concernent pas que les pays en développement qu’ils soient émergents ou non. Cela concerne également les pays du Nord à commencer par des pays comme la Grèce ou des semi-colonies comme Puerto Rico.
Il faut aussi oser parler d’annulation des dettes abusives réclamées aux classes populaires. Les banques privées et d’autres organismes privés ont développé très fortement une politique de prêts destinées aux classes populaires qui recourent à l’emprunt car leurs revenus ne sont pas suffisants pour payer les études supérieures ou pour se soigner. Les dettes étudiantes s’élèvent à plus de 1650 milliards de dollars aux États-Unis, une grande partie des dettes hypothécaires sont soumises à des conditions abusives (comme la crise des subprime l’a montré clairement à partir de 2007), certaines dettes de consommation sont également abusives, comme le sont dans le Sud, la plupart des dettes liées au microcrédit abusif.
Comme les politiques néolibérales démantèlent les systèmes de protection, les personnes doivent à leur tour s’endetter individuellement
L’endettement des classes populaires est éminemment lié au creusement des inégalités et à la démolition du welfare state Welfare State La terminologie Welfare State remonte à 1942. Il s’agit d’un jeu de mot qui opposait le Welfare State au Warfare State (état de guerre). Sir William Beveridge écrira deux rapports pour le gouvernement conservateur, dont le dernier, publié en 1944, est intitulé : Le plein emploi dans une société de liberté. Il y reprend des idées de l’économiste John Maynard Keynes pour lutter contre la pauvreté, le chômage, etc. Dans l’immédiat après-guerre, avec la montée des Travaillistes, l’expression Welfare State s’applique à un ensemble de mesures économiques (nationalisations, planification indicative) et à un ensemble de réformes sociales. Au cours des années 1950, l’acceptation de ce terme se réduira aux aspects plus strictement sociaux. Le terme anglais Welfare State est actuellement traduit en français par Etat-providence, ce qui laisse entendre que les droits sociaux « tombent du ciel » sur des citoyens « passifs » et « déresponsabilisés ». Il ne faut pas confondre l’acceptation britannique et européenne du Welfare State avec celle, américaine, qui fait référence à l’assistance sociale. à laquelle la plupart des gouvernements se sont livrés depuis les années 1980. C’est vrai aux quatre coins de la planète : que ce soit au Chili, en Colombie, dans la région arabe, au Japon, en Europe ou aux États-Unis. Comme les politiques néolibérales démantèlent les systèmes de protection, les personnes doivent à leur tour s’endetter individuellement pour compenser le fait que les États ne s’acquittent pas de l’obligation qui leur incombe de protéger, de promouvoir et de réaliser les droits humains. Cynzia Arruzza, Tithi Bhattacharya et Nancy Fraser ont souligné cela dans leur livre Féminisme pour les 99 % Un manifeste.
Quelles sont les alternatives pour un autre modèle de développement ?
Comme nous le disons dans le Manifeste Mettons fin au système de brevets privés ! : « La crise sanitaire est loin d’être résolue. Le système capitaliste et les politiques néolibérales ont joué un rôle fondamental à toutes les étapes. À l’origine de ce virus, il y a la transformation effrénée de la relation entre l’espèce humaine et la nature. La crise écologique et la crise sanitaire sont intimement liées. »
La crise sanitaire est loin d’être résolue. Le système capitaliste et les politiques néolibérales ont joué un rôle fondamental à toutes les étapes
Les gouvernements et le Grand Capital n’abandonneront la poursuite de cette offensive contre les intérêts de l’écrasante majorité de la population que si de très puissantes mobilisations les contraignent à faire des concessions.
Parmi les nouvelles attaques auxquelles, il faut résister : l’accélération de l’automatisation/robotisation du travail ; la généralisation du télétravail où les salariés sont isolés, sont encore moins maîtres du temps et doivent assumer eux-mêmes une série de coûts liés à leurs outils de travail qu’ils ne devraient pas assumer s’ils travaillaient physiquement dans l’entreprise ; de nouvelles attaques contre l’enseignement public et un développement de l’enseignement à distance qui creuse les inégalités culturelles et sociales ; le renforcement du contrôle sur la vie privée et sur les données privées ; le renforcement de la répression,…
La crise écologique et la crise sanitaire sont intimement liées
La question des dettes publiques revient au centre des enjeux des batailles sociales et politiques. Aujourd’hui, les dettes publiques explosent car les gouvernements recourent massivement à l’endettement pour éviter de taxer les riches dans la lutte contre les effets de l’épidémie Covid-19 et bientôt, sous prétexte de rembourser ces dettes, ils reprendront l’offensive austéritaire. En conséquence, la lutte pour l’annulation des dettes publiques illégitimes doit prendre une nouvelle vigueur. Les dettes privées illégitimes réclamées aux classes populaires vont aussi peser de plus en plus dans la vie quotidienne. Il faudra renforcer le combat pour leur annulation.
Les luttes qui ont éclaté sur plusieurs continents au cours du mois de juin 2020, notamment les luttes antiracistes massives sur le thème Black Lives Matter, montrent que les classes populaires et la jeunesse n’acceptent pas la poursuite du statu quo.
Parmi les nouvelles attaques : l’accélération robotisation du travail ; la généralisation du télétravail ; de nouvelles attaques contre l’enseignement public et un développement de l’enseignement à distance ; le renforcement du contrôle sur la vie privée et de la répression, …
En 2021, les énormes mobilisations populaires en Colombie et plus récemment au Brésil montrent à nouveau que les peuples d’Amérique latine résistent massivement.
Il faut contribuer autant que possible à ce qu’un nouveau puissant mouvement social et politique soit capable d’aider à la convergence des luttes sociales et de contribuer à l’élaboration d’un programme de rupture avec le capitalisme en mettant en avant des solutions anticapitalistes, antiracistes, écologistes, féministes et socialistes.
Il est fondamental d’agir pour la socialisation des banques avec expropriation des grands actionnaires, pour la suspension du paiement de la dette publique le temps de réaliser un audit à participation citoyenne en vue de répudier la partie illégitime de la dette, pour l’imposition d’un impôt de crise très élevé sur les plus riches, pour l’annulation des dettes réclamées de manière illégitime aux classes populaires (dettes étudiantes, dettes hypothécaires abusives...), pour la fermetures des bourses de valeur qui sont des lieux de spéculation, pour la réduction radicale du temps de travail (avec maintien des salaires) afin de créer un grand nombre d’emplois socialement utiles, pour l’augmentation radicale des dépenses publiques de santé et d’éducation, pour la socialisation des entreprises pharmaceutiques et du secteur de l’énergie, pour la relocalisation d’un maximum de production et le développement des circuits courts et toute une série d’autres demandes essentielles.
Il y a quelques années, vous avez affirmé que le projet socialiste avait été trahi et devait être réinventé au XXIe siècle. À quoi devrait ressembler le socialisme dans le monde d’aujourd’hui, et comment y parvenir ?
Les dettes publiques explosent car les gouvernements recourent massivement à l’endettement pour éviter de taxer les riches
Aujourd’hui le projet socialiste doit être féministe, écologiste, anticapitaliste, antiraciste, internationaliste et autogestionnaire. En 2021, nous commémorons les 150 de la Commune de Paris au cours de laquelle le peuple a mis en place une forme de d’autogouvernement démocratique : la combinaison de l’auto-organisation et de formes de délégation de pouvoir qui pouvait à tout moment être remise en cause car tous les mandats publics étaient révocables à la demande du peuple. Il faut affirmer clairement que l’émancipation des opprimé·es sera l’œuvre des opprimé·es eux- mêmes ou ne sera pas. Le socialisme ne pourra être atteint que si les peuples se fixent consciemment pour objectif de le construire et s’ils se dotent des moyens d’empêcher la dégénérescence autoritaire ou dictatoriale et la bureaucratisation de la société nouvelle.
Il faut souligner la validité de ce qu’affirmait déjà Rosa Luxembourg en 1918 : « Sans une presse libre et dégagée de toute entrave, si l’on empêche la vie des réunions et des associations de se dérouler, la domination de vastes couches populaires est alors parfaitement impensable. » (La révolution russe, in Œuvres II, Petite Collection Maspero, 1971, p. 82)
Le projet socialiste doit être féministe, écologiste, anticapitaliste, antiraciste, internationaliste et autogestionnaire
Elle ajoutait : « La liberté pour les seuls partisans du gouvernement, pour les seuls membres d’un parti -aussi nombreux soient-ils- ce n’est pas la liberté. La liberté, c’est toujours au moins la liberté de celui qui pense autrement. Non pas en vertu du fanatisme de la ’’justice” mais parce que tout ce que la liberté comporte d’instructif, de salutaire et de purifiant dépend de ce principe et cesse d’être efficace lorsque la ’’liberté » devient un privilège. » (p.83)
Face à la crise multidimensionnelle du capitalisme et à sa course vers l’abîme due à la crise écologique, aménager le capitalisme n’est pas une véritable option, ce ne serait qu’un moindre mal qui n’apporterait pas les solutions radicales qu’exige la situation.
[1] KUZNETS Simon. 1955. « Economic Growth and Income Inequality », American Economic Review, n°49, mars 1955, p.1-28.
[2] Cité par DEVESH KAPUR, JOHN P. LEWIS, RICHARD WEBB. 1997. The World Bank, Its First Half Century, Volume 1, p. 171.
[3] Le capital au XXIe siècle, Le Seuil, 2013, 970 p.
[4] « low inequality was not an indicator of a healthy economy » Vladimir Hlasny et Paolo Verme, « On the ‘Arab Inequality Puzzle’ : A Comment », publié en janvier 2021 dans la Revue Development and Change de l’Institut des Etudes sociales de La Haye, p. 4.
[5] Gilbert Achcar , « On the ‘Arab Inequality Puzzle’ : The Case of Egypt », publié le 17 Mars 2020, https://doi.org/10.1111/dech.12585 in the view of the 2014 World Bank study, it is inequality aversion, not inequality per se, that should be deplored, since inequality must inevitably rise with development from a Kuznetsian perspective. … Following the same logic, in order to conform to the Kuznets curve, it is more inequality rather than less that Egypt needs
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
Série : 1944-2024, 80 ans d’intervention de la Banque mondiale et du FMI, ça suffit !
La Banque mondiale n’a pas vu venir le printemps arabe et préconise la poursuite des politiques qui ont produit les soulèvements populaires11 septembre, par Eric Toussaint
Série : 1944-2024, 80 ans d’intervention de la Banque mondiale et du FMI, ça suffit !
Équateur : De Rafael Correa à Guillermo Lasso en passant par Lenin Moreno4 septembre, par Eric Toussaint
30 août, par Eric Toussaint
Série : 1944-2024, 80 ans d’intervention de la Banque mondiale et du FMI, ça suffit !
Équateur : Les résistances aux politiques voulues par la Banque mondiale, le FMI et les autres créanciers entre 2007 et 201116 août, par Eric Toussaint
Série : 1944-2024, 80 ans d’intervention de la Banque mondiale et du FMI, ça suffit !
Les prêts empoisonnés de la Banque mondiale et du FMI à l’Équateur14 août, par Eric Toussaint
27 juillet, par Eric Toussaint
11 juillet, par Eric Toussaint
10 juillet, par Eric Toussaint
5 juillet, par Eric Toussaint , CADTM Belgique
Série : 1944-2024, 80 ans d’intervention de la Banque mondiale et du FMI, ça suffit !
L’ajustement structurel et le Consensus de Washington n’ont pas été abandonnés par la Banque mondiale et le FMI au début des années 20003 juillet, par Eric Toussaint
is a political economist/political scientist who has taught and worked in numerous universities and research centers in Europe and the United States. Currently, his main research interests are in European economic integration, globalization, climate change, the political economy of the United States, and the deconstruction of neoliberalism’s politico-economic project. He is a regular contributor to Truthout as well as a member of Truthout’s Public Intellectual Project. He has published scores of books, and his articles have appeared in a variety of journals, magazines, newspapers and popular news websites. Many of his publications have been translated into several foreign languages, including Arabic, Croatian, Dutch, French, Greek, Italian, Portuguese, Russian, Spanish and Turkish. His latest books are Optimism Over Despair : Noam Chomsky On Capitalism, Empire, and Social Change, an anthology of interviews with Chomsky originally published at Truthout and collected by Haymarket Books ; Climate Crisis and the Global Green New Deal : The Political Economy of Saving the Planet (with Noam Chomsky and Robert Pollin as primary authors) ; and The Precipice : Neoliberalism, the Pandemic, and the Urgent Need for Radical Change, an anthology of interviews with Chomsky originally published at Truthout and collected by Haymarket Books.
12 février, par Gilbert Achcar , C.J. Polychroniou