Recension du livre : Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui
7 octobre 2010 par Didier Epsztajn
Dans ce petit livre intitulé Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui (Editions Cerisier, Mons, 2010, 8 euros), Éric Toussaint nous propose des lectures de textes des prédécesseurs/références des néolibéraux (Adam Smith, Jean Baptiste Say, David Ricardo ou d’autres), en soulignant les écarts entre les sources avouées et les théories plus actuelles. L’auteur met en perspective historique l’idéologie libérale (dont son éclipse entre 1930 et les années 70).
La présentation et les analyses permettent une puissante dénaturalisation des postulats idéologiques qui servent de soubassement aux politiques ’’contre réformistes’’. Je souligne de ce point de vue les trois encadrés « Le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et l’inexistence du chômage involontaire », « Les aberrations des penseurs néolibéraux et néoclassiques » et « Le rapport Doing Business de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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: un précis de politique néolibérale ».
Il ne faut pas prendre à la légère les effets de conviction de l’assimilation des rapports sociaux à des phénomènes naturels. Les constructions de ’’lois’’ comparables à celles élaborées dans les sciences naturelles ne peuvent être que frauduleuses de la pensée scientifique, voir de la pensée tout court. De réduction en réduction, les ’’élaborations’’ néolibérales font de la société un mécanisme naturel, de l’économie la clé qui ouvre la connaissance de tous les phénomènes sociaux, du marché l’optimisation des ressources et de l’opprimé ’’privilégié’’ un oppresseur.
Sans oublier « L’ultime argument des néolibéraux pour défendre leur bilan, c’est de dire qu’il n’y a toujours pas d’allocation optimum des ressources parce que nulle part, il n’y a de fonctionnement sans entrave de marché. Il s’agirait donc de lutter contre les entraves dans la perspective lointaine d’une prospérité générale. »
Tout cela n’en reste pas au monde des idées. Comme le souligne l’auteur « Si l’on y regarde bien, le Chili à partir du 11 septembre 1973 a constitué dans l’hémisphère Sud un laboratoire dans lequel a été mis en pratique, d’une manière particulièrement violente et brutale, le projet néolibéral ». En effet, et il conviendrait d’insister particulièrement sur ce que sont les « Chicago boys », non pas des économistes (même si à leurs yeux « l’économie ainsi conçue devient en quelque sorte la théorie générale du comportement humain ») mais des idéologues, dont les délires antidémocratiques ont eu des applications sanglantes (Yves Delazy et Bryan G. Garth : La mondialisation
Mondialisation
(voir aussi Globalisation)
(extrait de F. Chesnais, 1997a)
Jusqu’à une date récente, il paraissait possible d’aborder l’analyse de la mondialisation en considérant celle-ci comme une étape nouvelle du processus d’internationalisation du capital, dont le grand groupe industriel transnational a été à la fois l’expression et l’un des agents les plus actifs.
Aujourd’hui, il n’est manifestement plus possible de s’en tenir là. La « mondialisation de l’économie » (Adda, 1996) ou, plus précisément la « mondialisation du capital » (Chesnais, 1994), doit être comprise comme étant plus - ou même tout autre chose - qu’une phase supplémentaire dans le processus d’internationalisation du capital engagé depuis plus d’un siècle. C’est à un mode de fonctionnement spécifique - et à plusieurs égards important, nouveau - du capitalisme mondial que nous avons affaire, dont il faudrait chercher à comprendre les ressorts et l’orientation, de façon à en faire la caractérisation.
Les points d’inflexion par rapport aux évolutions des principales économies, internes ou externes à l’OCDE, exigent d’être abordés comme un tout, en partant de l’hypothèse que vraisemblablement, ils font « système ». Pour ma part, j’estime qu’ils traduisent le fait qu’il y a eu - en se référant à la théorie de l’impérialisme qui fut élaborée au sein de l’aile gauche de la Deuxième Internationale voici bientôt un siècle -, passage dans le cadre du stade impérialiste à une phase différant fortement de celle qui a prédominé entre la fin de Seconde Guerre mondiale et le début des années 80. Je désigne celui-ci pour l’instant (avec l’espoir qu’on m’aidera à en trouver un meilleur au travers de la discussion et au besoin de la polémique) du nom un peu compliqué de « régime d’accumulation mondial à dominante financière ».
La différenciation et la hiérarchisation de l’économie-monde contemporaine de dimension planétaire résultent tant des opérations du capital concentré que des rapports de domination et de dépendance politiques entre États, dont le rôle ne s’est nullement réduit, même si la configuration et les mécanismes de cette domination se sont modifiés. La genèse du régime d’accumulation mondialisé à dominante financière relève autant de la politique que de l’économie. Ce n’est que dans la vulgate néo-libérale que l’État est « extérieur » au « marché ». Le triomphe actuel du « marché » n’aurait pu se faire sans les interventions politiques répétées des instances politiques des États capitalistes les plus puissants (en premier lieu, les membres du G7). Cette liberté que le capital industriel et plus encore le capital financier se valorisant sous la forme argent, ont retrouvée pour se déployer mondialement comme ils n’avaient pu le faire depuis 1914, tient bien sûr aussi de la force qu’il a recouvrée grâce à la longue période d’accumulation ininterrompue des « trente glorieuses » (l’une sinon la plus longue de toute l’histoire du capitalisme). Mais le capital n’aurait pas pu parvenir à ses fins sans le succès de la « révolution conservatrice » de la fin de la décennie 1970.
des guerres de palais. La restructuration du pouvoir d’état en Amérique latine, entre notable du droit et ’’Chicago boys’’, Seuil Liber, Paris 2002).
Comme le dit si bien Nicolas Béniès dans le n°7 de la revue ContreTemps (Syllepse, Paris septembre 2010) : « Pour comprendre le monde et avoir une chance de le transformer, il est nécessaire d’aborder l’économie en lien avec toutes les autres sciences sociales : le fait politique est la synthèse de toutes les sciences sociales. »
Ce livre d’Eric Toussaint concoure bien à mettre à nu les nouveaux dieux, de décrypter les manières de penser, les kits idéologiques qui dominent. Je souligne que les néolibéraux nient la faisabilité même de l’histoire par les femmes et les hommes, en les enfermant dans un pseudo naturalisation de leurs relations.
Pour les curieuses et les curieux, le titre de cette note est une citation, reprise aussi par Éric Toussaint, de Daniel Bensaïd.
Eric Toussaint : Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui Editions Cerisier, 2010, 8 euros http://entreleslignesentrelesmots.w...
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