Le système mis en place par les États les plus industrialisés grâce au FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et à la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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a assuré leur domination sur le tiers-monde. La dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
en est le centre nerveux. C’est pourquoi il est pertinent de présenter la lutte altermondialiste avec comme angle d’attaque du modèle économique actuel l’annulation de la dette extérieure publique du tiers-monde et l’abandon des politiques d’ajustement structurel.
Pour des arguments moraux : très fortement incités à s’endetter dans les années soixante - soixante-dix par les banques privées, les États du Nord et la Banque mondiale, les pays en développement ont subi la crise de la dette au début des années quatre-vingt. La hausse des taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
aux États-Unis et la chute du cours des matières premières sur les marchés mondiaux ont amputé les revenus du tiers-monde tout en le forçant à rembourser trois fois plus d’intérêts. Après l’apparition de la crise de la dette, le FMI a été mandaté par les pays riches pour gérer cette crise et garantir la poursuite des remboursements. Ses experts ultralibéraux exigent toute une série de mesures qui favorisent les créanciers des pays riches, les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
et les sociétés transnationales, mais pénalisent lourdement les couches les plus défavorisées : arrêt des subventions aux produits de première nécessité, baisse drastique des budgets sociaux, dévaluation
Dévaluation
Modification à la baisse du taux de change d’une monnaie par rapport aux autres.
de la monnaie, taux d’intérêts élevés, développement du tout à l’exportation, fiscalité préservant les détenteurs de capitaux, privatisations massives, etc. Les plus démunis subissent de plein fouet ces mesures.
La dette opère donc une ponction insupportable sur les budgets des pays du Sud, les empêchant de garantir des conditions de vie décentes pour leurs citoyens. Il est immoral de demander en priorité le remboursement de la dette à des créanciers aisés plutôt que la satisfaction des besoins fondamentaux des populations.
Les arguments politiques : suite aux plans d’ajustement structurel imposés par le FMI, les pays qui se sont soumis au diktat des créanciers ont été au fil du temps contraints d’abandonner toute souveraineté. Les gouvernements ne sont plus en mesure de mettre en place la politique pour laquelle ils ont été élus. C’est une nouvelle colonisation.
Loin de favoriser les dictatures, contrairement au système actuel, une véritable annulation de la dette et la rétrocession des fonds détournés par les dirigeants du Sud avec la complicité des créanciers seraient en mesure de mettre à bas des régimes autoritaires et corrompus.
Les arguments économiques : d’une part, la dette a déjà été remboursée plusieurs fois : pour 1 dû en 1980, le tiers-monde a remboursé 8 mais en doit encore 4 ! Elle a donc cessé de faire l’objet d’un remboursement équitable dans des conditions régulières, pour devenir un instrument de domination implacable, dissimulant racket et pillage. D’autre part, les infrastructures et les services publics essentiels représentent de puissants facteurs de croissance endogène. Or, tout investissement public conséquent est rendu impossible par le poids de la dette et la contrainte d’austérité budgétaire qu’il implique. L’annulation de la dette peut donc être un puissant facteur de relance de l’économie mondiale.
Les arguments juridiques : le cas de force majeure et d’état de nécessité. L’un peut être invoqué lorsqu’un gouvernement se trouve malgré lui soumis à une contrainte extérieure qui l’empêche de respecter ses obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
internationales, c’est la codification juridique du fait qu’à l’impossible nul n’est tenu ; l’autre se caractérise par une situation de danger pour l’existence de l’État, pour sa survie politique ou économique, comme une instabilité sociale grave ou l’impossibilité de satisfaire les besoins de la population. La commission des Droits de l’homme de l’ONU a affirmé que « l’exercice des droits fondamentaux de la population des pays endettés à l’alimentation, au logement, à l’habillement, au travail, à l’éducation, aux services de santé et à un environnement sain, ne peut être subordonné à l’application de politiques d’ajustement structurel et à des réformes économiques générées par la dette ». La dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
: le droit international reconnaît la nécessité de prendre en compte la nature du régime qui a contracté les dettes, et l’utilisation qui a été faite des fonds versés. Si des dettes ont été contractées à des fins odieuses, elles peuvent être frappées de nullité. Les mouvements sociaux doivent rappeler avec force que le droit international, et en particulier la Déclaration universelle des droits de l’homme et le pacte des droits économiques, sociaux et culturels, sont incompatibles avec le remboursement d’une dette immorale, et bien souvent odieuse.
Les arguments écologiques : depuis plusieurs siècles, les ressources du Sud sont exploitées au bénéfice exclusif des pays riches. La force est désormais remplacée par les plans d’ajustement structurel. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette ou se maintenir au pouvoir, les gouvernements sont prêts à surexploiter et à brader les ressources naturelles, à mettre en péril la biodiversité, à favoriser la déforestation, l’érosion des sols, la désertification. En Afrique, 65 % des terres cultivables ont été dégradées au cours des cinquante dernières années. Par conséquent, les populations du Sud sont en droit de réclamer aux classes dominantes du Nord et du Sud des réparations exigibles immédiatement.
Mais... Mais cette annulation totale de la dette extérieure publique devra aller de pair avec des procédures judiciaires sur les fonds mal acquis par les classes dominantes. Ils seront alors rétrocédés aux populations et placés dans des fonds de développement nationaux destinés à financer des projets définis et contrôlés par les populations concernées, sur le modèle du budget participatif pratiqué à Porto Alegre. Par ailleurs, il s’agit de mettre en place un financement alternatif du développement : abandonner l’ajustement structurel, développer des accords régionaux, tripler l’aide publique au développement afin que les États du Nord respectent enfin leurs engagements, taxer la spéculation
Spéculation
Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
internationale, instaurer des mesures fiscales redistributives de richesses, etc. Il est aussi primordial de poursuivre pénalement les institutions financières internationales pour complicité avec des régimes dictatoriaux et pillage des ressources naturelles. Il y a urgence à mettre en ouvre ces mesures seules capables de construire des relations justes et équitables entre les populations du monde. Et cela exige la pression d’une très large mobilisation internationale.
Article paru dans « L’Humanité », le 20 novembre 2003.
professeur de mathématiques en classes préparatoires scientifiques à Orléans, porte-parole du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), auteur de L’Afrique sans dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec Frédéric Chauvreau des bandes dessinées Dette odieuse (CADTM-Syllepse, 2006) et Le système Dette (CADTM-Syllepse, 2009), co-auteur avec Eric Toussaint du livre Les tsunamis de la dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec François Mauger de La Jamaïque dans l’étau du FMI (L’esprit frappeur, 2004).
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