Répondre aux « Questions qui piquent sur la dette et l’austérité »

Que fait le FMI de l’argent des intérêts qu’il perçoit ?

Question 2

8 avril 2016 par CADTM Belgique , El Adlouni Oualid


CC - Flickr - georgetikis

Au CADTM, on sait trop bien ce que c’est d’être flippéE, voire découragéE, par toutes ces questions sur lesquelles on sèche. Du coup, inspiréEs par nos meilleurEs piqueurs et piqueuses (notre famille, nos potes, le pizzaiolo d’en face, les gens que l’on rencontre en animation), le CADTM Liège a organisé plusieurs sessions d’élaborations collectives d’éléments de réponse à ces piques (qu’elles soient d’ordre technique ou plus « politique »).

Ce travail a engendré une brochure que vous pouvez retrouver en entier ici.



D’où vient l’argent que le FMI utilise pour réaliser ses prêts ?

  • Du recours à des emprunts supplémentaires envers les grandes puissances économiques (+- 50 milliards $).

Par ailleurs, le FMI est le 3e plus grand détenteur d’or au monde puisque des pays ont payé leur cotisation via ce métal précieux. Ces réserves n’interviennent pas dans les prêts du FMI mais elles lui confèrent une stabilité et stature essentielles sur la scène internationale.

Sur l’ensemble des prêts qu’il a octroyés à des pays en « crise de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
 » entre 2010 et 2014, le FMI a réalisé un bénéfice total de 8,4 milliards €. Plus d’un quart vient de la Grèce (2,5 milliards €).


Que fait-il de cet argent ?


1) Accroître sa capacité de crédit

Pour prêter encore plus et, ainsi, étendre encore davantage son activité néfaste.


2) Couvrir ses frais

Ou assurer le fonctionnement onéreux de son organisation.

Il s’agit notamment de couvrir les frais :

  • - de ses 2 700 hauts fonctionnaires ;
  • - des cadres dirigeantEs (salaires, avantages et prises en charge), parmi lesquels la directrice Christine Lagarde, dont le salaire en 2012 s’élevait à 381 000 € sur l’année (net d’impôt !).


3) Spéculer et investir dans des produits dérivés Produits dérivés
Produit dérivé
Famille de produits financiers qui regroupe principalement les options, les futures, les swaps et leurs combinaisons, qui sont tous liés à d’autres actifs (actions, obligations, matières premières, taux d’intérêt, indices...) dont ils sont par construction inséparables : option sur une action, contrat à terme sur un indice, etc. Leur valeur dépend et dérive de celle de ces autres actifs. Il existe des produits dérivés d’engagement ferme (change à terme, swap de taux ou de change) et des produits dérivés d’engagement conditionnel (options, warrants…).

... bien que ces pratiques aient été une des causes majeures de la crise financière de 2008.


4) Couvrir les pertes dues aux allègements de dette (initiatives PPTE PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.

Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.

Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.

Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.

Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.

Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
, IADM, etc.) et aux défauts de paiement

En 2014, le fonds destiné à couvrir ces « pertes » totalisait 19 milliards €.


En somme…

Le FMI utilise les recettes tirées des intérêts que paient des pays en crise pour renforcer sa propre action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
et le système au service duquel il travaille… qui sont à la source des crises qui frappent les pays !

Le plus vicieux avec les prêts du FMI ce ne sont pas tant les taux d’intérêts, mais bien les conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. qui y sont systématiquement associées. Il s’agit des plans d’ajustement structurel (au Sud) et des plans d’austérité (au Nord). Conditionnalités qui, à leur tour, ont pour effet d’augmenter l’endettement des pays sous son joug.

Avec la crise qui a éclaté en Europe en 2008, le FMI se refait une nouvelle jeunesse ! [2]


Notes

[1Le FMI applique un taux d’intérêt effectif de 3,6 % sur ses prêts à la Grèce. Ceci est beaucoup plus que le taux de 0,9 % dont l’institution a actuellement besoin pour couvrir ses frais.

[2Le montant total des prêts du FMI s’élevait à 107 milliards $ en 2003 ; à 16 milliards en 2007 (époque à laquelle il licenciait 15 % de son personnel et vendait son stock d’or) ; et à 369 milliards aujourd’hui après que la « crise » soit passée par là...

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