Qui sauvera l’Italie de la « manœuvre Sauver-l’Italie » ?

8 janvier 2012 par Chiara Filoni




L’Italie compte parmi les plus « mauvais élèves » de la zone euro si l’on retient le critère du pourcentage de sa dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique sur son PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
(120 %). Elle arrive en avant-dernière position, juste devant la Grèce (162 %) et derrière l’Irlande (112 %), l’Autriche, le Portugal (tous deux à 102 %) et la Belgique (97 %) [1]. La crise de la dette en Italie est si grave qu’elle a eu pour conséquence le renversement du quasi indéboulonnable gouvernement de Berlusconi, qui voulait tout sauf abandonner son poste de premier ministre. Les taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
des Bons du Trésor Pluriannuels (BTP) avaient atteint un pic à 7 % (avec un spread [2] des BTP de 575 points de pourcentage), soit un seuil technique et psychologique au-delà duquel plane le spectre du défaut. Le 9 novembre, au lendemain de l’annonce de la démission de Berlusconi (après que le Parlement lui a refusé sa confiance sur le bilan financier Bilan financier Bilan : ‘photo’ de fin d’année des actifs (ce que la société possède) et passifs (ce que la société doit) d’une société. Autrement dit, les actifs du bilan donnent des informations sur l’utilisation des fonds collectés par la société. Les passifs du bilan informent sur l’origine des fonds collectés.
Dans le cas du bilan d’une banque, on retrouve au passif : le capital (les actions propres), les dépôts des clients, les réserves (bénéfices passés non dépensés) et la dette (notamment ce que la banque a emprunté auprès d’autres institutions). A l’actif, on retrouve les prêts (que la banques à octroyés aux particuliers, aux entreprises), les créances bancaires (prêts octroyés aux autres banques) et le porte­feuille financier (actions, titres émis par d’autres sociétés et acheté par la banque).
), les taux d’intérêt ont commencé à redescendre (avec un taux de 5-6 % et un spread de 380-400 points), suscitant l’enthousiasme des économistes libéraux qui applaudissent le nouveau gouvernement. En réalité, il y a peu de raisons de se réjouir puisque les travailleurs italiens n’ont pas fini de payer « leur » dette.

Le nouveau gouvernement commissionné par l’Union européenne et présidé par le professeur Monti, loin de pouvoir améliorer la situation, n’est pas seulement aligné sur les diktats européens et la politique néolibérale, mais aussi sur la politique berlusconienne. Une continuité qui est évidente dans les mesures prises : taxation sur la résidence principale (que dernièrement Berlusconi avait éliminée pour raisons électorales), augmentation de la TVA (qui va peser surtout sur les classes moins aisées) et du prix de l’essence, hausse des dépenses militaires, aucun impôt sur les grosses fortunes, etc.
Une continuité qui se remarque aussi dans la forme : le même lexique, le même optimisme économique, les mêmes salons du pouvoir télévisés utilisés pour lancer, sans aucun débat contradictoire, le programme politique gouvernemental. La nouvelle « manœuvre Sauver-l’Italie », nom donné au plan d’austérité de 33 milliards d’euros [3] annoncé par Monti, devra, selon le premier ministre et son équipe, permettre de sortir de la crise de la dette. Un plan qui, sans surprise, veut faire payer la facture aux travailleurs et pensionnés.
Enfin, une continuité politique pour laquelle, nous, les Italiens, n’avons pas été consultés.

Les causes de la dette

Lorsqu’on parle de dette publique italienne, on traite d’un phénomène historique, d’un processus qui a commencé il y a environ cinquante ans et qui n’est par conséquent pas attribuable uniquement à l’un ou à l’autre premier ministre. Au terme du cycle de croissance économique d’après-guerre, la dette a commencé à augmenter par rapport au PIB. Les gouvernements successifs ont dépensé davantage qu’ils ne percevaient de recettes, et la dette s’est accumulée année après année, notamment sous tous les gouvernements de démocratie chrétienne. A ce propos, cela vaut la peine de citer le journaliste Salvatore Cannavò qui, dans la version italienne du livre La dette ou la vie [4], fait un parallèle très intéressant entre les dépenses des démocrates-chrétiens et la perte de popularité du parti communiste. « La dette augmente à la fin des années 70, les années du mouvement ouvrier incandescent, mais aussi celles de l’explosion de la crise économique déclenchée par le choc de 1973. Un cocktail potentiellement dangereux. L’augmentation des dépenses publiques a ainsi été un moyen original pour les gouvernements démocrates-chrétiens et socialistes de contrer l’influence du parti communiste en l’isolant socialement à l’intérieur d’un corps social qui est nourri, notamment dans le sud du pays, par des dépenses publiques en dehors de tout contrôle [5] », affirme-t-il.
Mais, contrairement à ce que martèle la pensée libérale, la dette italienne aujourd’hui (comme dans la plupart des autres pays) n’a pas gonflé à cause de l’augmentation des dépenses sociales, qui sont restées stables ou ont même diminué. En effet, dans les années 1980, les dépenses sociales ont suivi la progression des recettes fiscales, pour se réduire à partir des années 90, avec une compression des toutes les dépenses de l’État social (éducation, pensions, santé) [6].
En outre, à partir des années 90, l’Italie, suivant les règles du Pacte de Stabilité et de Croissance européen, n’affiche plus de déficits. Depuis ce moment, le solde primaire (c’est-à-dire avant paiement des intérêts de la dette) a été positif ou légèrement négatif puisque tous les gouvernements après le premier de Berlusconi ont dû réduire le déficit. Autrement dit, la dette d’aujourd’hui est le résultat des intérêts accumulés au fil des ans.

Cependant, loin d’être considéré comme un problème pendant de longues années, le poids de la dette est perçu comme un risque seulement à partir du moment où elle menace les banques et autres investisseurs institutionnels créanciers des États.
Dans le cas italien par exemple, à partir du printemps 2011, la Deutsche Bank commence à vouloir se défaire des titres de la dette Titres de la dette Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
italienne en train de se dévaluer. En six mois, la banque réduit de 88 % son exposition sur les titres de l’État italien, en allégeant son portefeuille de 8 milliards (à la fin 2010) à 997 millions d’euros (détenus aujourd’hui), ce qui a contribué à l’augmentation du spread entre les bons italiens et allemands. Le même type d’opérations en Grèce quelques mois auparavant avait déjà causé la chute des prix des titres sur le marché secondaire et l’augmentation du différentiel entre les taux d’intérêt grecs et d’autres titres souverains plus sûrs et moins volatils (normalement on se réfère aux titres allemands, états-uniens et japonais, considérés comme stables).

La spéculation Spéculation Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
sur l’euro et sur les titres des États grec et italien est le fruit d’un calcul précis. La BCE BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
est la seule banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. au monde qui prête de l’argent aux banques privées à un taux très bas (variant entre 1 et 2 % depuis début 2009) et ne peut pas (conformément au Traité de Maastricht) prêter directement aux États, qui sont en conséquence obligés de se financer sur le marché. C’est pour cette raison que l’Italie paie maintenant 5 à 6 % d’ intérêt sur ses titres. Il est clair que ceux qui gagnent dans ce jeu sont les spéculateurs qui ont tout intérêt à ce que la dette continue de grossir.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car les banques européennes, menacées par le défaut de paiement des États débiteurs et par la perte de valeur de leurs titres, demandent aux États et à la BCE d’intervenir pour les sauver d’une situation délicate dont elles sont les principales responsables.

La spéculation financière sur la dette publique (ainsi que sur d’autres actifs Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
financiers) se déroule sur les marchés de dérivés Dérivés
Dérivé
Dérivé de crédit : Produit financier dont le sous-jacent est une créance* ou un titre représentatif d’une créance (obligation). Le but du dérivé de crédit est de transférer les risques relatifs au crédit, sans transférer l’actif lui-même, dans un but de couverture. Une des formes les plus courantes de dérivé de crédit est le Credit Default Swap.
tels que les credit default swaps Swap
Swaps
Vient d’un mot anglais qui signifie « échange ». Un swap est donc un échange entre deux parties. Dans le domaine financier, il s’agit d’un échange de flux financiers : par exemple, j’échange un taux d’intérêt à court terme contre un taux à long terme moyennant une rémunération. Les swaps permettent de transférer certains risques afin de les sortir du bilan de la banque ou des autres sociétés financières qui les utilisent. Ces produits dérivés sont très utilisés dans le montage de produits dits structurés.
(CDS CDS
Credit Default Swap
Le CDS est un produit financier dérivé qui n’est soumis à aucun contrôle public. Il a été créé par la banque JPMorgan dans la première moitié des années 1990 en pleine période de déréglementation. Le Credit Default Swap signifie littéralement “permutation de l’impayé”. Normalement, il devrait permettre au détenteur d’une créance de se faire indemniser par le vendeur du CDS au cas où l’émetteur d’une obligation (l’emprunteur) fait défaut, que ce soit un pouvoir public ou une entreprise privée. Le conditionnel est de rigueur pour deux raisons principales. Premièrement, l’acheteur peut utiliser un CDS pour se protéger d’un risque de non remboursement d’une obligation qu’il n’a pas. Cela revient à prendre une assurance contre le risque d’incendie de la maison d’un voisin en espérant que celle-ci parte en flammes afin de pouvoir toucher la prime. Deuxièmement, les vendeurs de CDS n’ont pas réuni préalablement des moyens financiers suffisants pour indemniser les sociétés affectées par le non remboursement de dettes. En cas de faillite en chaîne d’entreprises privées ayant émis des obligations ou du non remboursement de la part d’un Etat débiteur important, il est très probable que les vendeurs de CDS seront dans l’incapacité de procéder aux indemnisations qu’ils ont promises. Le désastre de la compagnie nord-américaine d’assurance AIG en août 2008, la plus grosse société d’assurance internationale (nationalisée par le président George W. Bush afin d’éviter qu’elle ne s’effondre) et la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 sont directement liés au marché des CDS. AIG et Lehman s’étaient fortement développées dans ce secteur.

Le CDS donne l’illusion à la banque qui en achète qu’elle est protégée contre des risques ce qui l’encourage à réaliser des actions de plus en plus aventureuses. De plus, le CDS est un outil de spéculation. Par exemple en 2010-2011, des banques et d’autres sociétés financières ont acheté des CDS pour se protéger du risque d’une suspension de paiement de la dette qui aurait pu être décrétée par la Grèce. Elles souhaitaient que la Grèce fasse effectivement défaut afin d’être indemnisées. Qu’elles soient ou non en possession de titres grecs, les banques et les sociétés financières détentrices de CDS sur la dette grecque avaient intérêt à ce que la crise s’aggrave. Des banques allemandes et françaises (les banques de ces pays étaient les principales détentrices de titres grecs en 2010-2011) revendaient des titres grecs (ce qui alimentait un climat de méfiance à l’égard de la Grèce) tout en achetant des CDS en espérant pouvoir être indemnisées au cas de défaut grec.1

Le 1er novembre 2012, les autorités de l’Union européenne ont fini par interdire la vente ou l’achat de CDS concernant des dettes des États de l’UE qui ne sont pas en possession du candidat acheteur du CDS.2 Mais cette interdiction ne concerne qu’une fraction minime du marché des CDS (le segment des CDS sur les dettes souveraines*) : environ 5 à 7 %. Il faut également noter que cette mesure limitée mais importante (c’est d’ailleurs à peu près la seule mesure sérieuse qui soit entrée en vigueur depuis l’éclatement de la crise) a entraîné une réduction très importante du volume des ventes des CDS concernés, preuve que ce marché est tout à fait spéculatif.

Enfin, rappelons que le marché des CDS est dominé par une quinzaine de grandes banques internationales. Les hedge funds et les autres acteurs des marchés financiers n’y jouent qu’un rôle marginal. D’ailleurs la Commission européenne a menacé en juillet 2013 de poursuivre 13 grandes banques internationales pour collusion afin de maintenir leur domination sur le marché de gré à gré* (OTC) des CDS.3
) et les Collateral debt obligations Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
(CDO). Comme indiqué par Andrea Fumagalli, au premier trimestre de l’année 2011, à travers des fusions, cinq sociétés d’investissement et divisions bancaires (J.P Morgan, Bank of America, Citibank, Goldman Sachs, HSBC USA) et cinq banques (Deutsche Bank, USB, Crédit Suisse, Bank of America Merrill Lynch, BNP-Paribas) contrôlaient 90 % de tous ces titres dérivés [7].
Par conséquent, les marché financiers ne sont pas du tout concurrentiels, mais au contraire concentrés, oligopolistiques et organisés selon une hiérarchie précise : ceux qui se trouvent au sommet contrôlent plus de 70 % des flux financiers en général, tandis que ceux qui sont à la base ne jouent qu’un rôle mineur. De plus, les agences de notation Agences de notation Les agences de notation (Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch en tête) sont des agences privées qui évaluent la solvabilité et la crédibilité d’un émetteur d’obligations (État, entreprise). Jusqu’aux années 1970 elle étaient payées par les acheteurs potentiels d’obligations, depuis la libéralisation financière la situation s’est inversée : ce sont les émetteurs d’obligations qui rémunèrent les agences pour qu’elles les évaluent... Reconnaissons leur qualité de travail : c’est ainsi que Lehman Brothers se voyait attribuer la meilleure note juste avant de faire faillite.  [8] sont en collusion avec les grandes puissances financières qui contrôlent le marché, puisqu’il y a souvent cumul des mandats parmi les membres de leurs conseils d’administration et plusieurs participations croisées.
Le problème est que cette spéculation s’attaque directement à l’argent public, c’est-à-dire celui qui devrait être destiné à l’État social, et qu’elle a par conséquent d’importantes conséquences sur la vie des populations.

La nécessité d’un audit

La dette italienne est possédée à 87 % par des investisseurs institutionnels (c’est-à-dire les banques, les assurances et autres fonds d’investissement Fonds d’investissement Les fonds d’investissement (private equity) ont pour objectif d’investir dans des sociétés qu’ils ont sélectionnées selon certains critères. Ils sont le plus souvent spécialisés suivant l’objectif de leur intervention : fonds de capital-risque, fonds de capital développement, fonds de LBO (voir infra) qui correspondent à des stades différents de maturité de l’entreprise. ), dont plus de 60 % sont étrangers. Il serait nécessaire de savoir qui s’est enrichi, en Italie et à l’étranger, avec « notre » dette.
On a l’embarras du choix par rapport aux dépenses que l’on peut considérer comme « illégitimes » en Italie : on peut penser à l’argent public dépensé par le gouvernement pour le train de vie de l’ex-premier ministre et de ses amis, pour l’organisation de fêtes en l’honneur des dictateurs et autres réjouissances.
Mais pas seulement. Là aussi, l’histoire ressemble à celle d’autres pays européens. En Italie, le financement massif accordé aux entreprises, pour la seule année 2010, atteint les 30 milliards d’euros, un chiffre qui représente la moité de ce que l’État paye pour rembourser sa dette chaque année [9]. Des entreprises qui bénéficient par ailleurs d’exonérations fiscales, la taxation des revenus des sociétés ayant baissé de 10 % au cours des dix dernières années.
Sans compter l’évasion fiscale. Toujours en 2010, 8 850 personnes physiques et morales ont fraudé l’impôt sur le revenu pour plus de 20 milliards d’euros (+40 % par rapport à 2009), la TVA pour 2,6 milliards et presque 30,5 milliards pour l’Irap [10], pour un total de 50 milliards dont 10,5 représentent l’évasion fiscale internationale. Cela représente plus de deux fois le montant des coupes budgétaires décidées par Monti, qui se limite, pour tenter de réduire l’évasion fiscale, à interdire les transactions en liquide supérieures à 1 000 euros et à demander des contributions ridicules sur les actifs détenus à l’étranger [11], tout en laissant échapper les 100 milliards d’euro « italiens » cachés dans les banques suisses.
Autres mesures antisociales ou dépenses illégitimes du gouvernement : allongement de l’âge de la retraite et fin de l’indexation des pensions, augmentation la TVA et de l’ICI [12] (qui malheureusement ne sera pas appliquée aux bâtiments du Vatican !), achat de 131 chasseurs-bombardiers Eurofighter, financement de projets controversés comme le TGV en Vallée de Suse et le Terzo Valico (un nouveau train à haute vitesse entre Gênes et Tortona, qui a déjà généré 90 milliards de dette publique). Le gouvernement a également changé la Constitution, une des plus progressistes d’Europe, pour y insérer la clause de l’équilibre du budget à partir du 2014 et la mise en place d’un organisme de contrôle indépendant sur les comptes publics. Tout cela, aux dépens de qui ? Il n’y pas de doute, il faut sauver l’Italie des politiques menées par Monti !


Notes

[1Prévisions de la Commission européenne pour fin 2011, voir http://www.linkiesta.it/debito-pubblico-italia-ue#ixzz1dIYLD21x

[2Écart de taux d’intérêt sur les obligations d’État entre deux pays.

[3Le plan comprend des mesures de relance pour environ 10 millairds d’euros et des mesures de réduction du déficit pour environ 20 milliards d’euros.

[4Damien Millet, Éric Toussaint, Debitocrazia, Edizioni Alegre, 2011.

[5Traduction par l’auteure, op.cit., p. 157

[6Pour plus de détails, voir l’article de Dario DiNepi http://www.cadtm.org/L-imposture-de-la-dette-publique et la postface du livre Debtocrazia par Salvatore Cannavò.

[8Aussi connues comme agences de rating, elles s’occupent d’attribuer une note correspondant aux perspectives de remboursement des engagement des États ou entreprises.

[9Marco Cobianchi, Mani Bucate, Chiarelettere, Milano, 2011. pp. 10-11.

[10L’impôt régional sur les activités productives qui finance 40 % des dépenses de santé.

[11Les actifs illégalement détenus à l’étranger, qui avaient bénéficié sous Berlusconi de plusieurs amnisties et avaient été rapatriés et régularisés moyennant une amende libératoire de 5 %, seront soumis à un impôt exceptionnel de 1,5 %.

[12Impôt communal sur les biens immobiliers qui sera à l’avenir appelé Impôt municipal unique (IMU).

Autres articles en français de Chiara Filoni (58)

0 | 10 | 20 | 30 | 40 | 50