Rapport sur l’Europe pour l’Assemblée mondiale du réseau CADTM réalisée à Dakar du 13 au 16 novembre 2021

18 novembre 2021 par CADTM Europe


Photo d’une partie des participant-es à distance de l’Assemblée mondiale du réseau CADTM

Synthèse réalisée notamment à partir des réponses reçues et portant sur 10 pays : Italie, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Slovénie, Croatie, Monténégro, France, Espagne, Belgique, Portugal



 1.Quelle est la situation politique, économique et sociale ?

La situation qui est globalement mauvaise, s’est empirée avec la période covid-19 :

  • Au plan politique, il y a une diversité de gouvernements selon les pays, cela comprend des gouvernements sociaux-démocrates (Portugal, Espagne, Scandinavie, Croatie), des gouvernements de droite extrême (Serbie), en passant par des gouvernements qui se présentent comme de centre droit comme en France, ou des gouvernements de coalition comme en Allemagne jusqu’aux dernières élections de fin septembre 2021, la Belgique, l’Italie,… En règle générale, l’idéologie de droite se porte très bien dans les médias et les gouvernements. Aucun gouvernement ne mène une politique sociale à proprement parlé. Tous poursuivent une logique néolibérale à un degré plus ou moins grand. On retrouve grosso modo des gouvernements composés de technocrates, complétement happés par l’idéologie néolibérale, voire nationaliste notamment Bosnie-Herzégovine / Serbie / Hongrie / Pologne. Gros problèmes de corruption (plus qu’ailleurs dirons-nous) en Serbie et Monténégro.
  • Au plan économique, les situations sont différentes selon qu’on prend en compte les pays de la périphérie comme les pays d’ex-Yougoslavie, la Roumanie, la Bulgarie, ceux de la au sein de la zone euro (Croatie, Grèce, Espagne, Portugal…) ou bien les économies dominantes (Allemagne, France, Pays-Bas, Belgique, Autriche) et ceux avec une situation intermédiaire comme l’Italie. La tendance reste néanmoins à une aggravation des difficultés en raison de la pandémie de Covid qui a sévèrement impacté les économies et de la crise économique qui avait commencé avant la pandémie.
  • En conséquence, au plan social, la situation n’est pas favorable au peuple, la majorité de la population est frappée de plein fouet par les pertes d’emplois (ou l’absence d’emploi), les pertes de revenus, la précarisation des contrats, les attaques des gouvernements contre les droits des travailleur-euses et les droits sociaux en général.

 2. Y a-t-il une crise de la dette publique en perspective ?

Tous les pays ont connu une hausse importante de leur dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique, mais tous ne connaissent pas les mêmes conséquences. Schématiquement, on peut répartir comme suit :

Partout il y a une forte hausse de la dette publique :

 3. Quelles sont les principales luttes en cours ? Y a-t-il des victoires ? Des défaites importantes ?

Dans l’ensemble les mouvements de protestation sont très largement paralysés par les différentes mesures restrictives dites « sanitaires ». S’il y a un bien quelques mouvements pour la justice climatique - comme la mobilisation à Glasgow en novembre 2021 avec près de 100 000 manifestant·es lors de la COP26 - et la justice sociale (sous toutes ses formes), ainsi que la défense du droit du travail, ce ne sont pas des mouvements massifs et radicaux, à même de faire plier les gouvernements. Ne pas oublier qu’en Europe occidentale il y a eu en 2020 d’importantes mobilisations Black Lives Matter et déconoloniales. Il y a eu aussi en Pologne d’importantes mobilisations de femmes contre la loi anti-avortement.

Globalement on remarque un net déclin de la confiance des citoyen-nes à l’égard des partis et des syndicats, au profit de mouvements plus « citoyens », plus auto-gérés. Il y a assurément un changement à ce niveau sur ces 5-10 dernières années, sans que cela ne se soit pour le moment traduit par de véritables victoires.

 4. Y a-t-il des luttes contre la dette illégitime (publique et/ou privée) ?

Globalement il n’y pas de remise en cause importante de la dette publique dans les pays de l’UE, de son paiement et encore moins d’une véritable lutte pour faire reconnaître les dettes publiques illégitimes. Mais via les ONG, plusieurs pays travaillent sur l’annulation de la dette (et des dettes illégitimes) des pays du Sud.

En revanche, une contestation et une organisation plus importante sur la thématique des dettes privées illégitimes au travers des questions de logement, de santé, de fonds vautours Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
, de l’éducation, etc.

Au niveau positif, ressort le caractère transversal de la dette dans la crise actuelle, la problématique de la dette semble de plus en plus prise en compte par les mouvements citoyens, y compris les jeunes qui se mobilisent sur le thème de la crise écologique.

 5. Quelles sont les principales initiatives menées par les différentes organisations membres du réseau CADTM ?

  • Travaux / Interpellation politique pour annulation dettes des pays du Sud et luttent contre les créanciers privés, notamment en vue de faire aboutir l’adoption d’une loi (Belgique/France)
  • Études sur la dette (Italie)
  • Faire valoir la problématique de la dette publique dans les milieux altermondialistes et politiques

 6. Existe-t-il des initiatives continentales ou des initiatives qui concernent plusieurs organisations d’une même région ?

 La situation de la dette dans l’UE

En ce qui concerne la dette des pays à l’intérieur de l’UE

A partir de mars 2020 en lien avec la crise multidimensionnelle qui touchait de plein fouet les pays européens, les gouvernements, la Commission européenne et la Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. européenne ont adopté une politique du « quoiqu’il en coûte » pour reprendre une expression du président français Macron. Les règles strictes contre le déficit budgétaire ont été abandonnées provisoirement et les gouvernements ont recouru massivement aux emprunts publics ce qui a provoqué une augmentation de près de 15 à 20 % de la dette dans la plupart des États.

Certains courants dans la gauche ont applaudi. Des gouvernements à participation socialiste comme en Espagne et au Portugal se sont félicité de la possibilité d’avoir recours à de nouveaux fonds européens soit sous la forme de prêts soit sous la forme de dons. La réalité est très différente. La partie don est limitée et est conditionnée par l’application de nouvelles mesures néo libérales structurelles. Le CADTM dénonce les illusions sur les mesures financières prises dans le cadre de l’UE (voir https://www.cadtm.org/La-centralite-du-capital-financier-dans-la-solution-europeenne-a-la-crise). Le CADTM Europe avait proposé une autre orientation dès avril 2020 : http://www.cadtm.org/Nous-ne-paierons-plus-leurs-crises


Quant aux politiques de l’UE en matière de dette extérieure

Dans le contexte de la crise sanitaire, l’Europe s’est jointe à l’appel du FMI et du Club de Paris Club de Paris Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.

Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.

Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
pour suspendre temporairement le service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. des pays les plus endettés pour une période initiale de 6 mois, étendue ensuite à un an. C’est insuffisant pour plusieurs raisons :

  • À la fin de cette période, le service de la dette devra toujours être payé, ce qui signifie que cette mesure n’est qu’un palliatif temporaire qui ne résout aucun problème structurel.
  • Une grande partie des dépenses effectuées pendant la pandémie ont été des dépenses exceptionnelles de ressources publiques visant à enrayer la crise sanitaire.
  • La crise de l’accès aux vaccins et le refus de libérer les brevets ont également exacerbé les inégalités Nord/Sud, notamment en termes d’asymétries commerciales. Les politiques de l’UE favorisent l’endettement futur des pays du Sud parce qu’elle n’a pas encouragé la capacité productive de ces pays, ni la suspension des brevets (au contraire, elle s’est opposée à la suspension des brevets proposée par 105 pays du Sud Global) et a maintenu sa politique agressive en matière de commerce extérieur.

CADTM Europe

Le CADTM Europe (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes) est présent en Grèce, en France, en Belgique, en Espagne, en Suisse, en Italie, en Pologne. et au Luxembourg Au niveau mondial, le réseau CADTM est implanté dans plus d’une trentaine de pays.

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