Recension du livre Bancocratie
11 juillet 2014 par Didier Epsztajn
Comment ne pas reprendre, comme l’auteur, pour donner le ton ou la couleur de l’ouvrage, cette citation de Bertold Brecht, tirée de L’opéra de quat’sous : « Qui est le plus grand criminel : celui qui vole une banque ou celui qui en fonde une ? »
Le travail d’Eric Toussaint est considérable et remarquable. Je souligne à la fois l’économie générale du livre, la clarté des analyses, la qualité de l’exposition, la somme de données. Les présentations sont précises, illustrées de graphes, tableaux et d’encarts explicatifs, dans un langage habituel, les mots spécifiques étant expliqués dans un glossaire. De cet ensemble indispensable, je ne mets en avant que certains points.
Eric Toussaint revient sur les raisons de la crise économique qui a éclaté en 2007/2008, sur la responsabilité tant des banques que des autorités institutionnelles étasuniennes, sur la contagion internationale, sur la place des dettes privées, sur l’hypertrophie du secteur financier privé et la redoutable augmentation des dettes privées.
A noter, que cette hypertrophie du système financier participe du nouveau modèle de fonctionnement du capitalisme, (voir par exemple, Michel Husson : Un pur capitalisme, Éditions Page2 2008, La crise est certaine, mais la catastrophe ne l’est pas)
L’auteur analyse les étapes de la financiarisation/déréglementation des années 1980 à la crise de 2007-2008, dont « le développement de la mal nommée ‘banque universelle
Banque universelle
La banque universelle (appelée également « banque à tout faire » ou « banque généraliste ») représente un grand ensemble financier regroupant et exerçant les différents métiers de la banque de détail, de la banque de financement et d’investissement, de la gestion d’actifs, tout en jouant également le rôle d’assureur (on parle ici de bancassurance). Cet ensemble intervient sur le territoire national mais également à l’étranger avec ses filiales. Le principal danger de ce modèle bancaire consiste à faire supporter les pertes des activités risquées de banque de financement et d’investissement par la banque de dépôt et mettre ainsi en péril les avoirs des petits épargnants.
’ », le renoncement des États à maintenir les prélèvements fiscaux sur les revenus du capital, le marché financier
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
global, celui des changes ou des produits dérivés
Produits dérivés
Produit dérivé
Famille de produits financiers qui regroupe principalement les options, les futures, les swaps et leurs combinaisons, qui sont tous liés à d’autres actifs (actions, obligations, matières premières, taux d’intérêt, indices...) dont ils sont par construction inséparables : option sur une action, contrat à terme sur un indice, etc. Leur valeur dépend et dérive de celle de ces autres actifs. Il existe des produits dérivés d’engagement ferme (change à terme, swap de taux ou de change) et des produits dérivés d’engagement conditionnel (options, warrants…).
. Il insiste à très juste titre sur « Le mythe de la fécondité du capital ».
Eric Toussaint détaille quelques mécanismes de l’ingénierie bancaire à l’origine de la crise (effet de levier
Effet de levier
L’effet de levier désigne l’effet sur la rentabilité des capitaux propres d’une entité (entreprise, banque, etc.) qu’aura son recours à l’endettement (elle augmentera lorsque le coût de l’endettement sera inférieur à l’augmentation des bénéfices obtenus grâce à lui, et inversement). Le ratio de levier calcule le rapport entre les fonds propres d’une telle entité et le volume de ses dettes. Les banques ont progressivement augmenté cet effet de levier avec la libéralisation financière, c’est-à-dire que pour 1000 euros de capital le nombre d’euros qu’elles ont pu emprunter a considérablement augmenté.
, hors bilan
Hors bilan
Le hors bilan assure le suivi comptable des activités qui n’impliquent pas un décaissement ou un encaissement de la part d’une entreprise ou d’une banque mais qui fait courir à celle-ci un certain nombre de risques. Il s’agit régulièrement de contrats en cours d’exécution qui n’ont pas fait l’objet d’un paiement. Les activités enregistrées dans le hors bilan bancaire sont pour l’essentiel les engagements par signature, les opérations de change et les opérations sur dérivés.
, banque de l’ombre ou shadow banking
Shadow banking
La banque de l’ombre ou la banque parallèle : Les activités financières du shadow banking sont principalement réalisées pour le compte des grandes banques par des sociétés financières créées par elles. Ces sociétés financières (SPV, money market funds…) ne reçoivent pas de dépôts ce qui leur permet de ne pas être soumises à la réglementation et à la régulation bancaires. Elles sont donc utilisées par les grandes banques afin d’échapper aux réglementations nationales ou internationales, notamment à celles du comité de Bâle sur les fonds propres et les ratios prudentiels. Le shadow banking est le complément ou le corollaire de la banque universelle.
, paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
). Sur les paradis fiscaux souvent exotisés, je cite l’auteur : « Les paradis fiscaux sont des États caractérisés par les cinq critères non cumulatifs suivants : (a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme protégeant les trusts) ; (b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ; (c) des facilités légales permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ; (d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ; (e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière. La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux ».
L’auteur traite particulièrement de la quête de rendement maximum sur fonds propres
Fonds propres
Capitaux apportés ou laissés par les associés à la disposition d’une entreprise. Une distinction doit être faite entre les fonds propres au sens strict appelés aussi capitaux propres (ou capital dur) et les fonds propres au sens élargi qui comprennent aussi des dettes subordonnées à durée illimitée.
, il en détaille de nombreux mécanismes, dont les Credit Default Swap
CDS
Credit Default Swap
Le CDS est un produit financier dérivé qui n’est soumis à aucun contrôle public. Il a été créé par la banque JPMorgan dans la première moitié des années 1990 en pleine période de déréglementation. Le Credit Default Swap signifie littéralement “permutation de l’impayé”. Normalement, il devrait permettre au détenteur d’une créance de se faire indemniser par le vendeur du CDS au cas où l’émetteur d’une obligation (l’emprunteur) fait défaut, que ce soit un pouvoir public ou une entreprise privée. Le conditionnel est de rigueur pour deux raisons principales. Premièrement, l’acheteur peut utiliser un CDS pour se protéger d’un risque de non remboursement d’une obligation qu’il n’a pas. Cela revient à prendre une assurance contre le risque d’incendie de la maison d’un voisin en espérant que celle-ci parte en flammes afin de pouvoir toucher la prime. Deuxièmement, les vendeurs de CDS n’ont pas réuni préalablement des moyens financiers suffisants pour indemniser les sociétés affectées par le non remboursement de dettes. En cas de faillite en chaîne d’entreprises privées ayant émis des obligations ou du non remboursement de la part d’un Etat débiteur important, il est très probable que les vendeurs de CDS seront dans l’incapacité de procéder aux indemnisations qu’ils ont promises. Le désastre de la compagnie nord-américaine d’assurance AIG en août 2008, la plus grosse société d’assurance internationale (nationalisée par le président George W. Bush afin d’éviter qu’elle ne s’effondre) et la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 sont directement liés au marché des CDS. AIG et Lehman s’étaient fortement développées dans ce secteur.
Le CDS donne l’illusion à la banque qui en achète qu’elle est protégée contre des risques ce qui l’encourage à réaliser des actions de plus en plus aventureuses. De plus, le CDS est un outil de spéculation. Par exemple en 2010-2011, des banques et d’autres sociétés financières ont acheté des CDS pour se protéger du risque d’une suspension de paiement de la dette qui aurait pu être décrétée par la Grèce. Elles souhaitaient que la Grèce fasse effectivement défaut afin d’être indemnisées. Qu’elles soient ou non en possession de titres grecs, les banques et les sociétés financières détentrices de CDS sur la dette grecque avaient intérêt à ce que la crise s’aggrave. Des banques allemandes et françaises (les banques de ces pays étaient les principales détentrices de titres grecs en 2010-2011) revendaient des titres grecs (ce qui alimentait un climat de méfiance à l’égard de la Grèce) tout en achetant des CDS en espérant pouvoir être indemnisées au cas de défaut grec.1
Le 1er novembre 2012, les autorités de l’Union européenne ont fini par interdire la vente ou l’achat de CDS concernant des dettes des États de l’UE qui ne sont pas en possession du candidat acheteur du CDS.2 Mais cette interdiction ne concerne qu’une fraction minime du marché des CDS (le segment des CDS sur les dettes souveraines*) : environ 5 à 7 %. Il faut également noter que cette mesure limitée mais importante (c’est d’ailleurs à peu près la seule mesure sérieuse qui soit entrée en vigueur depuis l’éclatement de la crise) a entraîné une réduction très importante du volume des ventes des CDS concernés, preuve que ce marché est tout à fait spéculatif.
Enfin, rappelons que le marché des CDS est dominé par une quinzaine de grandes banques internationales. Les hedge funds et les autres acteurs des marchés financiers n’y jouent qu’un rôle marginal. D’ailleurs la Commission européenne a menacé en juillet 2013 de poursuivre 13 grandes banques internationales pour collusion afin de maintenir leur domination sur le marché de gré à gré* (OTC) des CDS.3
(CDS) ou les Money Market Funds
Money Market Funds
MMF
Les Money Market Funds (MMF) sont des sociétés financières des États-Unis et d’Europe, très peu ou pas du contrôlées ni réglementées car elles n’ont pas de licence bancaire. Ils font partie du shadow banking. En théorie, les MMF mènent une politique prudente mais la réalité est bien différente. L’administration Obama envisage de les réglementer car, en cas de faillite d’un MMF, le risque de devoir utiliser des deniers publics pour les sauver est très élevé. Les MMF suscitent beaucoup d’inquiétude vu les fonds considérables qu’ils gèrent et la chute depuis 2008 de leur marge de profit. En 2012, les MMF états-uniens maniaient 2 700 milliards de dollars de fonds, contre 3 800 milliards en 2008. En tant que fonds d’investissement, les MMF collectent les capitaux des investisseurs (banques, fonds de pension…). Cette épargne est ensuite prêtée à très court terme, souvent au jour le jour, à des banques, des entreprises et des États.
Dans les années 2000, le financement par les MMF est devenu une composante importante du financement à court terme des banques. Parmi les principaux fonds, on trouve Prime Money Market Fund, créé par la principale banque des États-Unis JP.Morgan, qui gérait, en 2012, 115 milliards de dollars. La même année, Wells Fargo, la 4e banque aux États-Unis, gérait un MMF de 24 milliards de dollars. Goldman Sachs, la 5e banque, contrôlait un MMF de 25 milliards de dollars.
Sur le marché des MMF en euros, on trouve de nouveau des sociétés états-uniennes : JP.Morgan (avec 18 milliards d’euros), Black Rock (11,5 milliards), Goldman Sachs (10 milliards) et des européennes avec principalement BNP Paribas (7,4 milliards) et Deutsche Bank (11,3 milliards) toujours pour l’année 2012. Certains MMF opèrent également avec des livres sterling. Bien que Michel Barnier ait annoncé vouloir réglementer le secteur, jusqu’à aujourd’hui rien n’a été mis en place. Encore des déclarations d’intention...
1. L’agence de notation Moody’s a calculé que pendant la période 2007-2009, 62 MMF ont dû être sauvés de la faillite par les banques ou les fonds de pensions qui les avaient créés. Il s’est agi de 36 MMF opérant aux États-Unis et 26 en Europe, pour un coût total de 12,1 milliards de dollars. Entre 1980 et 2007, 146 MMF ont été sauvés par leurs sponsors. En 2010-2011, toujours selon Moody’s, 20 MMF ont été renfloués.
2 Cela montre à quel point ils peuvent mettre en danger la stabilité du système financier privé.
.
Eric Toussaint consacre des pages très claires à l’effondrement bancaire de 2008, les pertes dissimulées, etc. Il explique comment les autorités de contrôle ont permis aux banques de réduire systématiquement le ratio fonds propres/actifs
Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
, d’augmenter ainsi l’effet de levier et donc la prise de risque (dont la réduction du capital dur et la pondération des actifs). Les prochaines mesures « réglementaires », au delà des effets d’annonces, ne modifieront pas la situation.
J’ai notamment apprécié les chapitres « les banques trompent énormément », ceux sur les montagnes de produits structurés
Produits financiers structurés
Produits structurés
Produit structuré
Un produit structuré est un produit généralement conçu par une banque. C’est souvent une combinaison complexe d’options, de swaps, etc. Son prix est déterminé en utilisant des modèles mathématiques qui modélisent le comportement du produit en fonction du temps et des différentes évolutions du marché. Ce sont souvent des produits vendus avec des marges importantes et opaques.
, sur les bombes à retardement que représentent les actifs des banques, sur « les nouvelles pratiques et mécanismes de nouvelles crises » (dont le trading
Activités de marché
Trading
opération d’achat et de vente de produits financiers (actions, futures, produits dérivés, options, warrants, etc.) réalisée dans l’espoir d’en tirer un profit à court terme
, le short-selling).
Contrairement aux projections médiatiques, Eric Toussaint rappelle que les dettes souveraines ne constituent pas la cause de la crise prolongée des banques privées. « Les principaux médias de masse appuient, de manière permanente, le discours des banquiers et des gouvernants sur le fait que la cause de la fragilité actuelle des banques provient du poids des dettes publiques dans leur bilan. Il s’agit d’un véritable matraquage de l’opinion publique, une opération de désinformation systématique. A force de répéter en permanence le même mensonge, l’objectif est qu’il en reste quelque chose dans la tête des gens. La menace que représentent les dettes publiques pour la stabilité bancaire est devenue à la fois un écran de fumée pour dissimuler les responsabilités des banques et un prétexte pour imposer des politiques antisociales afin d’assainir les finances publiques. Il est donc essentiel de faire la clarté sur ce sujet et d’avancer une série de contre-arguments ». En fait, les réalités sont toutes autres : « Contrairement au discours dominant, le risque principal qui menace les banques n’est pas la suspension du paiement de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
souveraine par un État. Aucune des faillites bancaires depuis 2007 n’a été provoquée par un tel défaut de paiement. Aucun des sauvetages bancaires organisés par les États n’a été rendu nécessaire par une suspension de paiement de la part d’un État surendetté. Ce qui menace les banques, c’est le montage de dettes privées qu’elles ont progressivement construit depuis la grande déréglementation qui a commencé à la fin des années 1970 et qui s’est poursuivie au cours des années 1990 jusqu’à 2007-2008 ».
L’auteur insiste sur les activités spéculatives des banques, en particulier sur les matières premières et les aliments, leurs interventions sur le marché des commodities. Eric Toussaint avance vingt deux propositions comme alternative à la crise alimentaire.
L’auteur parle aussi du scandale de la manipulation du marché des changes Marché des changes Marché sur lequel s’échangent et sont cotées les devises. , des abus des banques dans le secteur hypothécaire et des expulsions illégales de logement aux États-Unis, de la banque britannique HSBC et le blanchiment de l’argent de la drogue, du scandale des prêts toxiques en France, de Dexia complice de violations très graves des droits humains dans les territoires occupés par Israël, de l’évasion et la fraude fiscale internationale organisées par la principale banque suisse UBS, d’autres affaires concernant BNP Paribas, Deutsche Bank, Royal Bank of Scotland, le Crédit Suisse, Barclays, Bank of America, Goldman Sachs, JP Morgan… Des « délits et crimes commis par les banques et leurs dirigeants ». Et l’auteur indique : « En cas de délits et d’abus, il faut mettre en pratique une solution radicale : retirer la licence bancaire aux banques coupables de crimes, bannir définitivement certaines de leurs activités, poursuivre en justice les dirigeants et les grands actionnaires ».
Il explique et démonte la doctrine « Trop grandes pour être condamnées » : « On connaît la maxime : « Trop grandes pour faire faillite » (‘Too Big to Fail’). La manière dont les gouvernants ont géré la crise provoquée par les banques a débouché sur une nouvelle doctrine qui peut être résumée par : « Trop grandes pour être condamnées ». Ou « Trop grandes pour être emprisonnées » si on traduit littéralement le nouvel adage qui fait florès aux États-Unis et au Royaume-Uni : « Too Big to Jail » qui rime avec « Too Big to Fail ». » dans cette partie, il reprend la citation de Berthold Brecht mis en exergue à son livre et au début de cette note.
Eric Toussaint présente les différentes actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
des gouvernements et des banques centrales en soutien aux banques privées (prêts massifs des banques centrales, subsides implicites,etc.). Il discute du « modèle allemand », de la gestion de la crise, de l’offensive « du Capital contre le Travail », des objectifs de la BCE
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
…
Mais, aucun processus n’est irréversible, « des gouvernements sous pression des populations pourraient décider de désobéir à la Commission européenne, à la BCE et, derrière eux, au patronat des grandes entreprises européennes. Dans ce cas, il est clair que des gouvernements, soutenus par le peuple mobilisé, pourraient retrouver un véritable espace d’action car la force de Bruxelles repose sur la docilité des gouvernements et des peuples ». Encore faut-il s’y opposer par des propositions à vocation majoritaire.
Le chapitre « De Karl Marx à aujourd’hui : l’impressionnante évolution des banques », permet d’avoir une vision globale des évolutions et de mettre l’accent sur des points rarement discutés, comme la responsabilité limité des actionnaires.
Le livre se termine sur des constats « Les droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans la déclaration universelle des droits humains de 1948, codifiés dans un pacte international en 1966, font l’objet d’une vaste entreprise de démolition. Les droits civils et politiques des citoyens sont également remis en cause au quotidien par les gouvernements et les institutions internationales au service du grand capital : les peuples ne sont pas consultés sur des questions aussi importantes que le sauvetage et l’avenir des banques privées, la privatisation des entreprises et des services publics, l’adoption de traités européens, les choix effectués par les électeurs ne sont pas respectés, la constitution est foulée au pied, le pouvoir législatif est marginalisé ou réduit à une chambre d’enregistrement… » et sur des mesures détaillées immédiates (dix-neuf) et à moyen terme pouvant être prises.
« C’est en définitive un nouvel imaginaire qu’il s’agit de construire, à la place d’un vieil imaginaire réifié, aliéné par la marchandise ».
Comme l’indique l’auteur dans son introduction, « Le métier de la banque est trop essentiel à l’économie pour être laissé entre les mains du secteur privé, il est donc nécessaire de socialiser le secteur bancaire (ce qui implique son expropriation) et de le placer sous contrôle citoyen (des salariés des banques, des clients, des associations et des représentants des acteurs publics locaux), car il doit être soumis aux règles d’un service public et les revenus que son activité génère doivent être utilisés pour le bien commun.
La dette publique contractée pour sauver les banques est définitivement illégitime, car elle n’a pas servi l’intérêt général, et doit être répudiée. Un audit citoyen doit déterminer les autres dettes illégitimes ou illégales, et permettre une mobilisation telle qu’une alternative anticapitaliste puisse prendre forme ».
Un livre pour comprendre le système financier actuel, les risques liés au fonctionnement actuel des établissements et des flux financiers. Une contribution nécessaire aux débats sur les alternatives crédibles et majoritaires à l’ordre/désordre du monde. Des alternatives qui relèvent de choix politiques, de choix démocratiques, respectueux à la fois des droits individuels et collectifs des populations et de nos relations à l’environnement.
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