Voici quelques jours, Nicolas Sarkozy était l’invité d’une émission
intitulée « face à la crise ». Comme l’a précisé le « journaliste » David
Pujadas, l’objectif est de donner « des explications et des réponses à
toutes les questions [que les français-e-s] se posent sur la crise, le
climat économique et sur [la] politique [du président] ».
Explications ? Réponses ? Dès les 30 premières secondes, David Pujadas
donne le ton en parlant de « climat économique ». On apprend dès lors que
« le monde change », que la crise est une « aventure » qui « s’abat sur
nous » et qu’elle est en particulier tombée sur les jeunes. Bien que
l’inquiétude des français soit un « phénomène naturel », qu’ils se
rassurent, « nous avons évité la catastrophe »… Comme si la crise arrivait
par hasard, sans rapport avec les choix politiques et économiques
désastreux des dernières décennies…
Et si c’était le capitalisme qui était responsable de la crise ? Loin
d’une telle question profondément dérangeante pour ceux qui ont largement
profité des vices inhérents au capitalisme, cette question-là n’a pas été
posée. Au contraire, les mensonges consensuels ont été de mise, afin
d’anesthésier la contestation montante...
« La première exigence est une exigence de vérité »
Alors que le gouvernement a mobilisé 320 milliards pour « sauver » les
banques, le Président assure aux français que « pour l’instant, à la
minute où je parle, cela ne leur a pas coûté un centime d’euro (…) pas un,
pas un seul ». Il ajoute que sur cette somme globale, 25 milliards ont été
réellement prêtés aux organismes financiers et produiront 1,4 milliard
d’euros d’intérêts qui seront « exclusivement » investis dans le social.
La crise serait donc, selon notre président, un formidable investissement
pour trouver les moyens de financer des mesures sociales. On croit rêver !
Si la première exigence de Nicolas Sarkozy est de dire la vérité aux
français, alors il aurait dû expliquer que le coût du sauvetage des
banques est supporté par l’Etat qui creuse sa dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique pour cela.
Fin 2008, elle atteint 1 285 milliards d’euros, et ce sont essentiellement
les personnes modestes qui en supportent le coût.
Par ailleurs, le président a assuré que la politique de sauvegarde des
banques a été réalisée dans le but de préserver leur épargne. Mais alors
la nationalisation des banques, en récupérant le coût de cette opération
sur le patrimoine des grands actionnaires et des administrateurs,
n’aurait-elle pas offert une garantie bien plus grande ? La
nationalisation permettrait de disposer d’un outil complet et efficace,
d’« un instrument public pour financer des projets socialement utiles,
respectueux de l’environnement, générateurs d’emplois et de revenus, tout
en garantissant l’épargne des particuliers ».
« Qu’appelez-vous le modèle social ? »
Cette question, c’est Nicolas Sarkozy qui la pose à David Pujadas.
Celui-ci, pris au dépourvu, répond : « la protection sociale par exemple
».
Depuis des années, les différents gouvernements au pouvoir ont privatisé
de nombreux services publics, et aujourd’hui le gouvernement s’attaque à
la Poste. Ces politiques réduisent la qualité des services auxquels la
population française a accès, favorisent l’augmentation des prix et
renforcent les inégalités d’accès à des services essentiels.
Au contraire, une des réponses fortes à la crise aux multiples facettes
(sociale, environnementale…) serait la promotion de biens et de services
publics, garantissant non seulement les droits fondamentaux de chaque
individu mais assurant par là-même une relance de l’économie par des
activités socialement utiles.
Dans le domaine de l’emploi aussi, les inégalités s’accroissent
dangereusement. Le maintien d’un taux de chômage élevé va alors permettre
de maintenir une pression sur les travailleurs et leurs salaires et ainsi
garantir au patronat une main d’œuvre flexible, docile et bon marché.
Rappelons qu’entre 1998 et 2006, les 10% les mieux payés ont eu une
augmentation de salaire de 8,2% en moyenne (pour les 0,1% les mieux payés
c’est 68,9%), contre 0,9% pour les 10% les moins bien payés . Quant à
notre président, qui s’insurge à raison contre les bonus distribués aux
banquiers qui ont perdu des sommes exorbitantes, il s’est octroyé une
généreuse augmentation de salaire de 140%...
Très à l’écoute des revendications patronales, le président français veut
« réhabiliter le travail » et affirme que « le partage du travail est une
erreur historique » alors qu’il n’a jamais été mis en place en France. La
réforme des 35 heures n’était pas la mise en place d’une politique de
partage du temps de travail, car aucune obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
d’embauche
compensatoire n’a été mise en place. Au contraire, la réduction radicale
du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires
permet d’améliorer les conditions des travailleuses et travailleurs, de
créer de l’emploi et d’assurer le financement des retraites par
l’augmentation du nombre de personnes cotisantes, sans allonger la durée
de cotisation et repousser la limite d’âge du départ à la retraite. C’est
une des alternatives à mettre en place pour sortir de la crise en offrant
à tous des conditions dignes. La meilleure solution, sans aucun doute,
pour « réhabiliter le travail ».
« La rupture n’a jamais été un objectif, c’est tout juste un moyen »… tout
comme les mobilisations ou les révolutions !
A la question « Vous n’avez pas peur d’une crise sociale, d’un embrasement
? », Nicolas Sarkozy répond que « des manifestations en France, il y en a
très souvent, c’est une constante de notre pays », et ajoute : « mon
devoir est d’écouter les gens qui manifestent. On est en démocratie, mais
je dois aussi écouter ceux qui ne manifestent pas ». Laurence Parisot,
présidente du MEDEF, estime quant à elle que « la crise est comme une
tempête et (…) qu’il est de peu d’efficacité de protester contre la
tempête. On fabrique de l’appauvrissement quand on fait grève pendant
toute une journée. Cela coûte cher et ruine la réputation de la France. »
C’est sans doute une bonne preuve que les récentes mobilisations sont
extrêmement importantes : elles ont rassemblé énormément de personnes de
milieux sociaux différents, tout en étant politiquement radicales et
largement anticapitalistes. Les élites restent sourdes aux protestations
pour continuer à imposer la logique dont ils tirent profit. Alors comment
se faire entendre ? Faut-il une grève générale pour que soit pleinement
exercé le pouvoir (et la solidarité) des travailleurs et des travailleuses
? Soit. Nous n’avons rien à perdre et tout à gagner !
Faut-il rappeler les révoltes qui ont toujours lieu en Grèce ? Ce
mouvement de la « génération des 700 euros » a rencontré une solidarité
dans le monde entier, avec des manifestations de soutien partout en Europe
(Croatie, France, Angleterre, Italie, Allemagne, Espagne…), aux
Etats-Unis, en Colombie, en Argentine, en Arménie… et même en Sibérie .
Faut-il rappeler que les étudiants, les enseignants et les parents
d’élèves sont dans la rue depuis plusieurs mois ? Que la mobilisation du
29 janvier a rassemblé 2 millions de personnes ?
Faut-il rappeler que les revendications anticapitalistes fleurissent en
plein hiver et sont portées par un nombre croissant de personnes que la
crise a aidé à comprendre l’escroquerie du capitalisme ?
Nicolas Sarkozy n’a sûrement pas, non plus, entendu la déclaration de
l’assemblée des mouvements sociaux lors du forum social mondial qui s’est
tenu à Belém et qui réunissait plus de 100 000 personnes. Ecoutez
l’embrasement qui vient… : « « Pour faire face à la crise, il est
nécessaire d’aller à la racine du problème et d’avancer le plus rapidement
possible vers la construction d’une alternative radicale qui en finisse
avec le système capitaliste et la domination patriarcale (….) Nous, les
mouvements sociaux sommes face à une occasion historique pour le
développement d’initiatives d’émancipation à l’échelle internationale.
Seule la lutte sociale des masses peut sortir les peuples de la crise.
Pour impulser cette lutte, il est indispensable de développer un travail
de conscientisation et de mobilisation à la base. Le défi pour les
mouvements sociaux est d’arriver à organiser la convergence des
mobilisations globales à l’échelle de la planète et de renforcer notre
capacité d’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
en favorisant la convergence de tous les mouvements qui
cherchent à résister à toutes les formes d’oppression et d’exploitation ».
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