14 avril par Paul Martial
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Après une série de mesures favorables aux droits des femmes, une nouvelle disposition législative leur garantit le droit de posséder des terres. Fruit des luttes féministes, cette loi met fin à des décennies de précarité.
La Sierra Leone, ce petit pays d’Afrique de l’ouest frontalier de la Guinée, a connu à partir de 1990 et pendant plus de dix ans une effroyable guerre civile. Des enfants enrôlés dans les milices, pour la plupart drogués, se sont rendus coupables des pires atrocités. Les femmes de ce pays ont payé un lourd tribut. Selon les estimations, près de 200 000 femmes ont été victimes de violences sexuelles dans un pays de 4,3 millions d’habitantEs. La paix retrouvée en 2002 n’a pas pour autant fait disparaître les maltraitances et les discriminations sexistes.
La lutte pour les droits des femmes
Malgré cette situation difficile, les mouvements de femmes n’ont eu de cesse de mener les combats pour l’égalité des droits avec des avancées réelles. C’est ainsi que le projet de loi sur la dépénalisation de l’avortement a été discuté au Parlement en 2022 au moment même où la Cour suprême des USA mettait à mal ce droit. Le président de la Sierra Leone Julius Maada Bio, bien que catholique pratiquant, soutenait cette réforme et déclarait : « À une époque dans le monde où les droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive sont soit renversés, soit menacés, nous sommes fiers que la Sierra Leone puisse à nouveau mener une réforme progressiste ».
En 2015 le Parlement avait déjà adopté une loi identique mais le gouvernement de l’époque, conduit par Ernest Bai Koroma, avait refusé de la promulguer. La féministe sierraléonaise Huldah Imah-Paul résumait bien l’opinion des femmes sur la loi de 2022 : « Pour moi, ce projet de loi va permettre de réduire le nombre de vies perdues car le taux de mortalité chez les jeunes filles ayant recours aux médecins traditionnels était très élevé. »
D’autres mesures ont été votées par le Parlement. On peut citer l’obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
pour les employeurs d’embaucher au minimum 30 % de femmes dans les entreprises y compris dans les postes de direction, une mesure qui s’appliquera aussi lors des prochaines élections au Parlement, l’interdiction de l’exclusion des établissements scolaires des jeunes fille enceintes, la pénalisation accrue contre les viols.
Un droit coutumier sexiste
Dans un pays où l’agriculture représente 64 % du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
, la question de l’accès à la terre reste le problème majeur. Le foncier est géré par le droit étatique ou le droit coutumier. Ce dernier s’applique sur les 12 districts qui en comptent 14. Il interdit aux femmes la possession de la terre. Cette précarité juridique est d’autant plus scandaleuse que 80 % des emplois agricoles sont occupés par des femmes.
Le Devolution of Estate Act de 2007 donnait la possibilité aux femmes d’être propriétaires de titres fonciers. Mais dans les faits seul le droit coutumier s’appliquait. Les terres étaient gérées par des anciens appelés « chefs suprêmes » émanant généralement des familles puissantes de la communauté. Les femmes n’étaient pas acceptées dans les comités fonciers et étaient représentées par leur mari. La loi de 2007 n’a donc eu que peu d’incidences positives.
Une avancée majeure
La nouvelle loi qui vient d’être promulguée inverse la hiérarchie des normes. Cette nouvelle loi édicte : « Tout droit coutumier qui exclut, limite ou empêche les femmes de posséder, détenir, utiliser, transférer, hériter, succéder ou traiter des terres soumises au droit coutumier est nul ». Lorsqu’un mari décédait, sa famille accaparait la terre, la veuve n’avait d’autre choix que d’épouser un autre membre de la famille. Parfois même elle était expulsée avec ses enfants. Désormais cette situation n’est plus possible légalement, d’autant qu’avec la loi sur le quota minimum de 30 % de femmes, ces dernières pourront faire partie des comités fonciers et être aussi cheffe suprême.
Ces séries d’évolutions majeures pour le droit des femmes n’ont pu être possibles que grâce à la forte mobilisation des organisations féministes du pays, à l’image du Women’s Forum Sierra Leone qui regroupe près de 300 organisations à travers le pays. Un encouragement à continuer la lutte !
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