16 avril 2021 par La Via Campesina
Journée internationale des luttes paysannes : déclaration de la Via Campesina
(Harare, 15 avril 2021) Ce 17 avril 2021, à l’occasion de la Journée internationale des luttes paysannes, nous réaffirmons notre vision à long terme de la souveraineté alimentaire, et appelons à renforcer notre solidarité contre la criminalisation croissante de nos luttes. Les meurtre et la répression des paysan⋅ne⋅s, des peuples indigènes, de celles et ceux qui luttent pour les droits de leurs communautés, pour la dignité et l’équité dans le monde, doivent cesser. Tout en faisant faisant bloc pour exiger le plein respect de nos droits et la fin de l’impunité, de la criminalisation et des massacres, nous sommes conscients du contexte social et économique difficile auquel sont confrontés de nombreux et nombreuses paysan⋅ne⋅s et peuples dans le monde.
Tout d’abord, la poursuite de la pandémie de la Covid-19, une crise sanitaire qui a débuté en 2020, a entraîné plus de deux millions de décès dans le monde. Les mesures prises pour atténuer et arrêter la propagation de la pandémie ont provoqué une profonde crise sociale avec de graves reculs des droits des travailleur⋅se⋅s, une progression du chômage, de la corruption, de la misère, de la faim et de la violence. Cette crise sanitaire, qui survient en même temps que la crise climatique actuelle, ne fait qu’aggraver la situation sociale et économique du plus grand nombre.
Deuxièmement, les lobbies
Lobby
Lobbies
Un lobby est une structure organisée pour représenter et défendre les intérêts d’un groupe donné en exerçant des pressions ou influences sur des personnes ou institutions détentrices de pouvoir. Le lobbying consiste ainsi en des interventions destinées à influencer directement ou indirectement l’élaboration, l’application ou l’interprétation de mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, toute intervention ou décision des pouvoirs publics. Ainsi, le rôle d’un lobby est d’infléchir une norme, d’en créer une nouvelle ou de supprimer des dispositions existantes.
de l’agrobusiness et des multinationales ont intensifié leurs efforts pour s’emparer des espaces de gouvernance mondiale démocratique. Invoquant l’aggravation de la faim, certains ont appelé les gouvernements à lever l’interdiction de l’utilisation des OGM
OGM
Organisme génétiquement modifié
Organisme vivant (végétal ou animal) sur lequel on a procédé à une manipulation génétique afin de modifier ses qualités, en général afin de le rendre résistant à un herbicide ou un pesticide. En 2000, les OGM couvraient plus de 40 millions d’hectares, concernant pour les trois-quarts le soja et le maïs. Les principaux pays producteurs étaient les USA, l’Argentine et le Canada. Les plantes génétiquement modifiées sont en général produites intensivement pour l’alimentation du bétail des pays riches. Leur existence pose trois problèmes.
Problème sanitaire. Outre la présence de nouveaux gènes dont les effets ne sont pas toujours connus, la résistance à un herbicide implique que le producteur va multiplier son utilisation. Les produits OGM (notamment le soja américain) se retrouvent gorgés d’herbicide dont dont on ignore les effets sur la santé humaine. De plus, pour incorporer le gène nouveau, on l’associe à un gène de résistance à un antibiotique, on bombarde des cellules saines et on cultive le tout dans une solution en présence de cet antibiotique pour ne conserver que les cellules effectivement modifiées.
Problème juridique. Les OGM sont développés à l’initiative des seules transnationales de l’agrochimie comme Monsanto, pour toucher les royalties sur les brevets associés. Elles procèdent par coups de boutoir pour enfoncer une législation lacunaire devant ces objets nouveaux. Les agriculteurs deviennent alors dépendants de ces firmes. Les États se défendent comme ils peuvent, bien souvent complices, et ils sont fort démunis quand on découvre une présence malencontreuse d’OGM dans des semences que l’on croyait saines : destruction de colza transgénique dans le nord de la France en mai 2000 (Advanta Seeds), non destruction de maïs transgénique sur 2600 ha en Lot et Garonne en juin 2000 (Golden Harvest), retrait de la distribution de galettes de maïs Taco Bell aux USA en octobre 2000 (Aventis). En outre, lors du vote par le parlement européen de la recommandation du 12/4/2000, l’amendement définissant la responsabilité des producteurs a été rejeté.
Problème alimentaire. Les OGM sont inutiles au Nord où il y a surproduction et où il faudrait bien mieux promouvoir une agriculture paysanne et saine, inutiles au Sud qui ne pourra pas se payer ces semences chères et les pesticides qui vont avec, ou alors cela déséquilibrera toute la production traditionnelle. Il est clair selon la FAO que la faim dans le monde ne résulte pas d’une production insuffisante.
. Tandis que certaines grandes entreprises, sous couvert de la pandémie, ont collaboré avec des décideurs politiques pour assouplir les lois protégeant les ressources naturelles. Nous avons assisté à des tentatives délibérées de fermer la participation de la société civile aux processus d’élaboration des politiques mondiales et aux espaces des Nations unies. Le déplacement des réunions du Conseil des droits de l’homme et d’autres événements en ligne a limité la participation des paysan⋅ne⋅s et des communautés autochtones.
Troisièmement, le réalignement actuel des forces et des acteurs géopolitiques – illustré par les tensions accrues entre les nations économiquement avancées (États-Unis/Union européenne contre Chine et Russie, etc.), la militarisation accrue en cours en même temps que le partage des marchés mondiaux entre ces grandes nations, et la réintroduction des tarifs commerciaux afin d’empêcher la concurrence étrangère entre les alliés (États-Unis contre Union européenne) – sont des appels de détresse d’un système capitaliste en décomposition. La concurrence pour les sources de matières premières, en particulier les minéraux rares, et les appétits pour les différents marchés mondiaux sont la cause inévitable de conflits armés et de guerres dévastatrices. Cela a aggravé la crise des migrant⋅e⋅s en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique du Nord, en Amérique latine et en Europe.
Les multiples crises auxquelles le monde est confronté ne sont pas nouvelles. Nous devons nous en servir pour faire comprendre l’intérêt et la justesse de notre proposition qu’est la souveraineté alimentaire.
Les crises alimentaire, climatique, environnementale, économique, démocratique et sanitaire qui ont culminé avec la pandémie de la Covid-19 montrent clairement à toute l’humanité qu’une transformation du modèle agricole et alimentaire actuel est indispensable. Chaque crise, qu’il s’agisse de la pandémie de la Covid-19 ou des pénuries alimentaires, nous a montré l’importance et la résilience des systèmes alimentaires locaux que le néolibéralisme continue à éroder et à affaiblir.
Depuis sa naissance en 1993, La Via Campesina a développé et promu la souveraineté alimentaire comme une alternative aux relations de production capitalistes dominantes, en particulier dans l’agriculture. Au cours de ces vingt-huit années, la souveraineté alimentaire a gagné du terrain parmi les mouvements sociaux et les organisations de la société civile.
La souveraineté alimentaire et l’agroécologie paysanne sortent renforcées de chaque crise. Elles s’affirment de plus en plus comme des solutions incontournables : la relocalisation des systèmes alimentaires est essentielle dans la lutte contre la faim, pour refroidir la planète, préserver la biodiversité et respecter les droits des paysan⋅ne⋅s et des travailleur⋅se⋅s. De plus, la souveraineté alimentaire favorise la solidarité, essentielle pour l’avenir de l’humanité – à l’inverse de l’individualisme promu par le capitalisme. Le capitalisme a renforcé notre volonté collective de survivre. Ce sont les personnes et non les profits qui comptent le plus ! L’heure est venue de transformer notre système alimentaire et de construire une société centrée sur nos valeurs.
Nous, La Via Campesina, pensons que les gouvernements doivent formuler et mettre en œuvre de toute urgence des politiques publiques radicales pour apporter secours, dignité et équité à des milliards de personnes dont la survie ne tient qu’à un fil. Sans un changement radical des politiques publiques, le désespoir augmentera, tout comme les effets secondaires, tel que par exemple, la montée actuelle de l’extrême droite, du fascisme et d’autres formes de nationalisme totalitaire dans différents pays. La souveraineté alimentaire continue d’offrir la seule solution cohérente – une solution qui profite aux familles rurales ainsi qu’aux consommateur⋅rice⋅s, dans nos pays.
Après un travail considérable au cours des 28 dernières années, qui a permis de formuler des propositions, d’accumuler de l’expérience et de créer des alliances, nous avons une occasion historique de mettre en place de bonnes politiques en nous appuyant sur la déclaration des Nations unies pour les droits des paysan⋅ne⋅s et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). Nous bénéficions du soutien de certains gouvernements progressistes, du rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, des processus du Comité pour la sécurité alimentaire mondial et de son mécanisme de la société civile. L’UNDROP doit être un outil pour la promotion mondiale de programmes de réforme agraire. L’accès à la terre pour ceux et celles qui produisent notre alimentation à petite échelle est un besoin est urgent. Il devrait être une composante essentielle des politiques publiques que les pays devraient mettre en œuvre sur leurs territoires respectifs pour permettre des conditions de vie et de travail décentes dans les zones rurales. Nous travaillerons avec des gouvernements progressistes et des mouvements ruraux et urbains partageant les mêmes idées, ainsi qu’avec d’autres organisations pour surveiller et assurer la bonne mise en œuvre de ces politiques publiques nécessaires. C’est une opportunité que nous ne pouvons pas laisser passer. Même les tentatives actuelles de l’initiative du Forum économique mondial d’organiser et de détourner le Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires ne devraient pas entraver notre progression. Seuls les paysan⋅ne⋅s et leur participation active dans l’élaboration des politiques alimentaires mènent à une solution durable : des politiques publiques basées sur la souveraineté alimentaire. Nous devons nous préparer, en tant que paysan⋅ne⋅s, à combattre et à résister aux multinationales, à l’agrobusiness, aux grands propriétaires terriens et à l’impérialisme.
Afin de profiter de ce moment politique, pour reprendre le contrôle de l’alimentation, La Via Campesina et ses allié⋅e⋅s, appellent les gouvernements à définir et affiner les propositions de politiques publiques pour atteindre la souveraineté alimentaire à tous les niveaux. Cela signifie la récupération de la capacité de production nationale, enracinée dans le secteur de l’agriculture paysanne et familiale, par le biais de budgets du secteur public, de prix garantis, de crédits et d’autres formes de soutien – y compris le soutien à la commercialisation directe entre producteur⋅ice.s et consommateur⋅ice⋅s. Nous demandons de véritables programmes d’accès à la terre pour renforcer l’agriculture paysanne et familiale, ainsi que les systèmes alimentaires et agricoles qui répondent aux besoins des villes et des campagnes. Nous devons renforcer les systèmes de recherche et d’assistance technique basés sur les échanges d’expériences entre paysan⋅ne⋅s et la recherche participative.
En tant que paysan⋅ne⋅s, nous luttons également pour que la santé soit pleinement considérée comme un droit humain, notamment dans le cadre de la pandémie mondiale de la Covid-19. En tant que La Via Campesina, nous exigeons le droit à la santé publique et gratuite pour tous les peuples, tel que défini dans l’article 23 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysan⋅ne⋅s (UNDROP), cela comprend l’accès à la vaccination mais aussi la possibilité d’avoir recours aux méthodes de médecines préventives, et aux traitements de long terme. Les vaccins ne devraient pas être brevetés et ne devraient pas non plus être laissés sous le contrôle et le profit des grandes multinationales. S’ils sont brevetés, nous allons vers une marchandisation de la vie toujours plus importante. .Chaque individu dans nos sociétés doit avoir accès à l’information et être en mesure d’évaluer les traitements proposés. Nous affirmons que la santé commence par une alimentation saine et durable qui renforce le système immunitaire, comme le propose la souveraineté alimentaire, une manière de prendre soin du bien-être des personnes et de l’environnement.
Il est inacceptable qu’au XXIe siècle, des centaines de millions de personnes aient faim alors qu’il y a assez de nourriture pour toutes et tous ; Les inégalités et les violations des droits de l’homme s’aggravent ; La criminalisation, la répression brutale et le totalitarisme augmentent partout dans le monde.
En ce #17 avril2021, nous disons : “La lutte pour la dignité, pour la santé, pour des politiques publiques basées sur la souveraineté alimentaire et pour la protection de nos communautés et des ressources naturelles n’est pas un crime mais notre droit ! Les états ne doivent pas criminaliser nos luttes ni violer nos droits ! Ils ne doivent pas non plus nous tuer ! Leur devoir est de protéger nos droits. Nous sommes solidaires de tous les peuples qui luttent pour leurs droits aux quatre coins du monde. Avec la souveraineté alimentaire et la solidarité, nous pouvons atteindre la justice sociale et la dignité pour tous !
NOUS NOURRISSONS LE MONDE ET CONSTRUISONS LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE !
MONDIALISONS LA LUTTE, MONDIALISONS L’ESPOIR !
#PasDeFuturSansSouverainetéAlimentaire
#SouverainetéalimentaireMaintenant
Source : La Via Campesina
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