Retour sur le débat autour la dette publique togolaise organisée par Attac Togo et Visions Solidaires en présence de la Direction de la Dette publique et de la Banque mondiale en cet après-midi du 15 octobre. Au même moment, au pays du soleil levant, s’achevait l’assemblée générale des institutions de Brettons Woods en présence de nos distingués Ministres des finances et de la planification allés faire des courbettes pour de nouveaux prêts. La mise en débat de la dette publique togolaise par la société civile s’imposait deux ans après avoir atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE. En effet, que de cris de joie et de célébrations avaient marqué cet événement, il y a deux ans ! A la suite de cette nouvelle, le gouvernement avait fait miroiter au peuple la fin de toutes les misères. Deux ans après, quel bilan ?
Pour Mr Kotsolé, représentant la Direction de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique, les acquis de l’initiative PPTE
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
sont très salutaires. L’annulation de 95% des 324 milliards de F CFA de la dette publique du Togo envers les pays du Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
a été, selon lui, une bouffée d’oxygène. Les 5% encore dûs (16 milliards de F CFA) pourront être totalement remboursés à la COFACE (France) et à l’ONDD (Belgique), selon les projections gouvernementales, d’ici 2015. L’autre bouffée d’oxygène, selon l’intervenant, est venue de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
Cliquez pour plus de détails.
avec l’annulation des dettes de l’IDA (une des filières du groupe Banque mondiale) et de la Banque Africaine de Développement au compte de l’Initiative d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM). Le montant annulé serait de l’ordre de 357 milliards de F CFA. L’orateur a souligné deux faits nouveaux intervenus dans la stratégie d’endettement du Togo qui promettent une meilleure gestion de la dette dans l’avenir. Le premier de ces faits est la création d’un comité national de la dette publique en charge d’élaborer des stratégies d’emprunt et de gestion efficiente de l’endettement public. Ce comité est composé essentiellement d’experts des divers Ministères en charge des questions économiques. La société civile n’y est bien sûr pas invitée et pour cause : Pas assez d’expertise. Le second fait majeur, selon Mr Kotsolé, serait le recours de plus en plus marqué du Togo à l’endettement intérieur pour combler le gap budgétaire, contrairement aux années précédentes où le gouvernement avait recours à des prêts et des « dons » externes. Mais le constat sur le terrain est qu’en septembre 2012 le Togo avait déjà emprunté 55,77 milliards de F CFA sur le marché au taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
de 6% et la Chine, de son côté, engraisse allègrement l’ardoise de la dette publique par la construction de multiples infrastructures.
Même son de cloche chez Mr Tougma Yemdaogo, l’économiste de la représentation de la Banque mondiale au Togo, qui, en rappel de l’historique de l’initiative PPTE, a souligné l’importance du rôle joué par la société civile dans la venue de cette initiative à travers ses interpellations constantes sur la dette publique des pays les moins avancés. Le G7
G7
Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing.
et les institutions financières internationales ont donc, par l’initiative PPTE et l’IADM, satisfait, selon lui, les exigences de la société civile en prenant en compte au mieux les préoccupations des pays pauvres très endettés et de la société civile sur la dette et en mettant en place une nouvelle approche basée sur le dialogue et la concertation avec les états dans la conduite de leurs réformes économiques. Le bilan de l’initiative PPTE au Togo s’est caractérisé par le retour de la crédibilité du Togo vis-à-vis des institutions financières ce qui lui a permis de dégager des ressources pour faire face à ses politiques économiques et sociales.
Pour Mr Assignon Max, représentant l’intersyndicale des travailleurs du Togo, invité au débat pour donner le point de vue des travailleurs sur l’initiative PPTE : « Trop tôt pour tirer un bilan social au Togo de l’initiative PPTE ». Les syndicats togolais n’ont pas encore fait l’évaluation de l’initiative.
Et, au tour de la société civile de donner son point de vue. Comme on pouvait s’y attendre le débat fut houleux. Au début, la question de l’audit de la dette publique du Togo fut abordée et, très rapidement, les organisations de défense des droits de l’homme et les militants pour la justice environnementale, présentes à l’atelier, sont revenues sur les conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. pour l’atteinte du point de décision puis du point d’achèvement de l’initiative PPTE. Que d’efforts a dû consentir le pauvre citoyen togolais qui a vu ses frais d’électricité augmenter après une privatisation chaotique de la compagnie d’électricité nationale. Après avoir bradé à tour de bras les entreprises publiques l’État togolais se voit forcer la main par les IFI qui lui demandent, dans le cadre de son deuxième document stratégique de réduction de la pauvreté pour la période 2013 -2017, de baser sa croissance sur le secteur privé. On parle bien sûr de dialogue !!! Comment se baser sur le revenu aléatoire de la fiscalité sur les entreprises privées pour réaliser tous les investissements publics nécessaires afin d’améliorer le bien-être de la population et atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ? En quoi l’atteinte du point d’achèvement a-t-il permis d’avancer dans l’atteinte des OMD au Togo ?
Le constat sur place est que dans les lycées publics de la capitale en cette période de rentrée scolaire, on retrouve des salles de classe avec trois élèves assis sur un banc prévu pour deux et que les hôpitaux restent toujours des mouroirs pour les femmes qui accouchent. Les investisseurs étrangers dans le secteur des mines attirés par l’amélioration du climat des affaires voulues par les IFI développent de façon anarchique des exploitations minières sans étude d’impact environnemental. Le débat est revenu sur la privatisation du secteur bancaire voulue par les IFI. En effet, malgré la surliquidité bancaire et le bénéfice record de 3 milliards de F CFA enregistré par les banques publiques togolaises en 2011, leur privatisation est réclamée par le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
Cliquez pour plus de détails.
pour une « meilleure gestion ». Les lois des Institutions financières internationales sont impénétrables.
26 novembre 2012, par Samir Abi
6 novembre 2012, par Samir Abi
15 octobre 2012, par Samir Abi
20 septembre 2012, par Samir Abi
Chronique de RIO +20 (6)
The future we want26 juin 2012, par Samir Abi
Chronique de Rio+20 (5)
La dernière nuit19 juin 2012, par Samir Abi
Chronique de Rio+20 (4)
Cariocas19 juin 2012, par Samir Abi
Chronique de RIO +20 (3)
Le Choix du cœur19 juin 2012, par Samir Abi
Chronique de RIO + 20 (2)
C’était hier17 juin 2012, par Samir Abi
Chronique de RIO +20 (1)
Bem-vindo ao Rio17 juin 2012, par Samir Abi