18 avril 2018 par Eric Toussaint , Nathan Legrand
Groupe de femmes victimes du microcrédit réunies à Negombo le 12 avril 2018
Non seulement le microcrédit ne permet pas de sortir de la pauvreté, mais il constitue dans un nombre très élevé de cas à la fois un mécanisme de dépossession et d’humiliation de celles qui y recourent. Déjà plongées dans la précarité, les personnes qui entrent dans le système du microcrédit s’y enfoncent un peu plus. Dans le sous-continent indien, sur les 65 millions de personnes qui font partie du système du microcrédit, 90 % sont des femmes. À l’échelle planétaire, les femmes représentent 81 % de la clientèle du microcrédit (112 millions de personnes).
À l’issue d’une série de réunions réalisées au Sri Lanka avec des victimes du microcrédit et avec des militants qui prennent leur défense, nous présentons une série de cas emblématiques. Nous soulignons que nous n’avons pu rencontrer aucune personne tirant un bilan positif du système du microcrédit. Contrairement à l’affirmation selon laquelle le microcrédit permet un petit investissement qui va constituer le tremplin vers la sortie de la pauvreté et la réussite de l’entreprenariat, dans la plupart des cas les personnes qui recourent au microcrédit le font pour résoudre des problèmes de la survie quotidienne : loyers ou garantie locative à payer, frais liés à la scolarité des enfants, frais liés à des soins de santé, etc. Dans la plupart des cas, au Sri Lanka, les microcrédits sont octroyés à des femmes qui n’ont pas de sources de revenus.
Manbasa a une cinquantaine d’années, son mari a un travail irrégulier et un bas salaire. N’étant pas en mesure d’acheter un logement, ils sont locataires. Ils ont dû déménager en septembre 2017. Afin de pouvoir payer à la fois le loyer normal et les 6 mois de loyer que le propriétaire de leur nouveau logement réclamait comme garantie locative, Manbasa a emprunté 142 000 roupies (soit 737 euros [1]) auprès de la HNB Grameen, spécialisée dans le microcrédit. Elle doit rembourser à cette banque 3 800 roupies tous les 7 jours pendant une durée de 52 semaines. Cela représente le remboursement du capital plus l’intérêt. En un an, elle doit dont rembourser 197 600 roupies (1 023 euros), ce qui signifie que la HNB Grameen lui réclame un taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
annuel de 69 %. Tenant compte que le taux annuel d’inflation
Inflation
Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.
s’élevait à 6% en 2017, il s’agit d’un taux absolument exorbitant, parfaitement usurier [2]. Ce taux peut être fortement augmenté si Manbasa accuse un retard de paiement puisque HNB Grameen lui réclamera des indemnités de retard.
Manbasa nous explique qu’elle a signé le contrat sans avoir pu le lire.
Deux mois après avoir contracté ce prêt, elle a rencontré des difficultés pour le rembourser car son mari ne peut espérer obtenir comme revenu de son travail qu’entre 10 000 et 15 000 roupies par mois. Pour pouvoir continuer à rembourser le premier prêt, elle a contracté un nouvel emprunt pour un montant de 75 000 roupies (soit 389 euros) à la LOLC, une autre société financière spécialisée dans le microcrédit. Elle s’est engagée à rembourser 95 085 roupies en 15 mensualités de 6 339 roupies. En quinze mois, la LOLC aura ainsi prélevé un intérêt de 37 % sur le montant prêté. Manbasa n’a pas lu non plus le contrat qu’elle a signé avec la LOLC.
Risana a contracté son premier emprunt en 2014. Elle aussi a emprunté pour pouvoir payer le loyer de son logement ainsi que la garantie locative. Elle n’a pas de revenu propre. Comme elle n’arrivait pas à effectuer les remboursements d’emprunts précédents sur la base des maigres revenus du ménage, elle a emprunté à un usurier local 50 000 roupies dans des conditions encore plus draconiennes que Manbasa : elle doit payer 5 000 roupies par mois jusqu’à ce qu’elle puisse rembourser le capital de 50 000 roupies. Voici 18 mois qu’elle paie 5 000 roupies par mois (elle a donc remboursé 90 000 roupies) mais elle n’a pas encore été capable de rembourser les 50 000 du « capital » initialement emprunté. Tant qu’elle ne verse pas la somme de 50 000 roupies, elle devra continuer à rembourser 5 000 par mois. L’usurier refuse un remboursement partiel du capital emprunté et exige le paiement complet de celui-ci en une seule fois, ce qui lui permet de continuer indéfiniment à recevoir comme loyer de l’argent 5 000 roupies par mois !
Comme Manbasa, Risana a alors contracté en octobre 2017 un nouvel emprunt auprès de la LOLC. Elle a emprunté 80 000 roupies et s’est engagée à rembourser 101 430 roupies en 15 mensualités de 6 762 roupies. La LOLC prélève donc un intérêt de 37 % en quinze mois. Risana est très inquiète, elle ne voit pas la fin du tunnel.
Tandama a un peu plus de 50 ans, son mari en a 70 et continue à travailler comme journalier. Son salaire varie entre 500 et 600 roupies par jour (2,5 à 3 euros par jour) quand il a la « chance » d’être employé par son patron. Le couple a 3 enfants à charge dont deux jeunes que Tandama a adopté par bonté. Il y a cinq ans, elle a emprunté auprès d’un usurier 200 000 roupies pour payer le loyer de leur logement. C’était nécessaire, dit-elle, car son mari et son beau-fils avaient été accidentés au travail et l’argent ne rentrait plus. Le prêteur exigeait un remboursement de 8 000 roupies par mois jusqu’au moment où elle serait capable de rembourser les 200 000 de départ. Pour rembourser les 200 000 roupies initiales, elle a multiplié ici et là les emprunts auprès d’autres usuriers. Aujourd’hui, malgré tous les remboursements, elle doit environ 500 000 roupies. Elle et sa famille sont en pleine détresse.
Concilia a dû emprunter 20 000 roupies il y a trois ans car son beau-fils, qui est pêcheur, a été blessé et le revenu de son mari est insuffisant pour payer le loyer de leur habitation. Pour ce premier emprunt de 20 000 roupies, elle a recouru au prêt sur gage [3]. Elle a déposé en garantie à la banque son unique collier de valeur, estimé à 40 000 roupies. Comme elle n’est pas arrivée à rembourser l’emprunt, la banque a saisi le collier. Ensuite, elle a contracté un emprunt de 50 000 roupies auprès de la Rural Bank, qui se présente comme une banque coopérative. Dans ce cas-ci, les paiements mensuels correspondent à un remboursement progressif du capital emprunté en plus des intérêts.
Lachinca a trois enfants à charge, elle souffre d’arthrite aigüe. Un des trois enfants souffre d’une maladie cardio-vasculaire. Il y a deux ans, Lachinca a dû trouver en urgence 22 500 roupies pour le faire soigner car les frais médicaux n’étaient pas pris en charge par le service de santé. Son mari est pêcheur et effectue des sorties de pêche en mer de plusieurs jours. Cela lui rapporte de 3 000 à 5 000 roupies par sortie, ce qui donne un résultat mensuel très faible et en tout cas insuffisant pour rembourser la somme empruntée. D’autant que le loyer à payer pour leur habitation s’élève à 15 000 roupies par mois !
Lachinca a emprunté 125 000 roupies à la société financière privée Asia Asset. Asia Asset lui a imposé des conditions draconiennes : elle devait rembourser 9 500 roupies par mois pendant un an et demi. Cela représente un intérêt de 42 % sur le capital emprunté (voir tableau). Face à son incapacité à rembourser de telles sommes, Asia Asset a accepté de ramener la mensualité à 5 000 roupies, mais c’était à condition de rembourser le tout en juin 2017. Lachinca n’a pas été capable de rembourser à la date prévue et a arrêté les paiements. Depuis, elle est harcelée par le groupe financier, qui ne la lâche pas.
Mais, pour lui prêter la somme de 125 000 roupies, Asia Asset avait demandé, comme c’est souvent le cas pour les prêts de microcrédit, que cinq voisins se constituent comme aval. Cela permet à Asia Asset de se retourner contre eux maintenant que Lachinca ne paye plus. Les voisins étant harcelés par la banque, eux-mêmes harcèlent Lachinca, qui se retrouve dans une situation désespérée.
Le mari de Manoranee vient d’être amputé d’une jambe suite à un accident de travail. Il ne reçoit pas d’indemnité. Il ne perçoit aucun salaire. Un de leurs trois enfants a été blessé récemment. Manoranee vend en rue du porridge « kenda » qu’elle prépare à la maison. Cela lui rapporte environ 1 000 roupies par jour. Leur ancien propriétaire les a prié de rendre la maison qu’il leur louait en affirmant qu’il devait y faire des travaux. La famille a dû déménager et le propriétaire du nouveau logement a exigé le paiement de dix mois de garantie locative, soit 100 000 roupies. Ils ont négocié à la baisse et ont obtenu qu’il se contente de 50 000, mais n’ont réussi à verser que la somme de 30 000 (en plus du loyer de 10 000 qu’ils paient régulièrement). Le nouveau propriétaire menace de les expulser dans six mois s’ils ne versent pas le solde de 20 000 roupies en plus des 10 000 de loyer mensuel. Ils sont désespérés. D’autant qu’ils aimeraient pouvoir payer une prothèse au mari. Manoranee se demande si elle ne devrait pas emprunter pour essayer d’améliorer leur sort mais elle doute fortement quand elle voit ce qui arrive à ses amies et à ses voisines.
Jayanthi doit verser un loyer de 13 000 roupies par mois pour son logement. Elle a dû payer au propriétaire une garantie locative de dix mois, soit 130 000 roupies. Elle s’est adressée à une société de microcrédit, la Vision Fund, (voir encadré) filiale de financement liée à une « ONG » mondiale appelée World Vision. Jayanthi a emprunté à Vision Fund la somme de 80 000 roupies. Elle devait rembourser 8 000 roupies par mois pendant douze mois. Ce qui représente un taux d’intérêt annuel de 35 % (voir le tableau).
À propos de World Vision L’activité microcrédit de cette « ONG » mondiale est présentée de manière très positive et mensongère sur la page Wikipédia qui lui est consacrée. Nous citons : « Micro-crédit : D’intérêt général, le VisionFund est l’organisme de microfinance de Vision du Monde. Ses programmes de microcrédit aident les petits entrepreneurs à créer une activité génératrice de revenus : élevage, boulangerie, épicerie, atelier de couture, entreprises de transport etc. Les petits profits issus de ces activités permettent à ces entrepreneurs d’améliorer les conditions de vie de leur famille et de subvenir durablement aux besoins de leurs enfants. Vision du Monde favorise notamment l’accès des femmes au microcrédit (69 % des bénéficiaires) car elles réinvestissent plus dans l’éducation et la santé de leurs enfants. Le VisionFund développe aussi des services de microassurance et de microépargne. Son travail a fait l’objet de nombreuses récompenses. » |
Comme Jayanthi n’arrivait pas à rembourser cette somme, elle a contracté un deuxième emprunt pour un montant de 50 000 roupies auprès de la Rural Bank mentionnée plus haut qui prélève un taux d’intérêt un peu moins élevé. Ne sachant pas non plus assurer les remboursements, elle a effectué un troisième emprunt en retournant auprès de Vision Fund qui lui a prêté 15 000 roupies sur onze mois. Jayanthi ne s’en sort pas et elle se demande si elle ne va pas devoir recourir aux usuriers afin de pouvoir rembourser les trois emprunts précédents qui sont toujours en cours…
Manuela, une jeune femme dont le mari a un travail informel dans la construction de bateaux de pêche, a dû emprunter 20 000 roupies à un usurier local en janvier 2018. Là encore, le schéma de remboursement est celui de mensualités à hauteur de 1 700 roupies par mois jusqu’à ce qu’elle puisse rembourser l’entièreté du capital emprunté, de 20 000 roupies, en une fois. Son enfant de cinq ans est entré récemment à l’école. Au Sri Lanka, l’éducation publique est sensée être entièrement prise en charge par l’État, il n’y a donc pas de frais d’inscription. Mais, en raison du manque de dépenses publiques, les établissements scolaires font porter les coûts d’entretien sur les parents des nouveaux élèves ! Ainsi, Manuela a dû payer 9 000 roupies pour l’entretien de l’école de son fils. C’est notamment cela qui l’a poussée à emprunter auprès d’un usurier.
Observations générales
Ces exemples sont tirés d’un échange que nous avons eu dans la ville de Negombo avec une quinzaine de femmes surendettées qui ont répondu à l’appel d’une association locale qui agit pour le droit au logement. Cette association, représentée par un avocat, a participé quelques jours auparavant au 7e atelier annuel du CADTM en Asie du Sud qui portait à la fois sur les dettes publiques et sur les dettes privées, notamment celles liées au microcrédit. Cette association, comme beaucoup de militants rencontrés au cours de notre séjour, a pris conscience de l’extension très rapide du microcrédit au cours des dernières années et de la détresse que cela produit dans les couches populaires du pays, à commencer par les secteurs les plus pauvres, les nombreux foyers qui ont un revenu inférieur à 100 euros par mois. Il faut savoir que le salaire minimum légal plafonne au Sri Lanka à 10 000 roupies (soit 52 euros) par mois. Dans les cas mentionnés plus haut, le loyer mensuel payé par une famille s’élevait au minimum à 10 000 roupies, soit l’entièreté d’un salaire minimum légal, qui ne leur est même pas garanti puisque, pour la plupart, les sources de revenus de ces ménages viennent du secteur informel. Les familles rencontrées ne disposent généralement que d’un revenu à partir duquel il s’agit de nourrir, de loger, d’éduquer et de soigner quatre à six personnes. Dans tous les témoignages dont nous avons pris connaissance, les femmes qui ont eu recours au microcrédit l’ont fait afin de satisfaire des besoins élémentaires : se loger, faire face à un problème de santé, payer les frais liés à l’éducation, etc. Dans tous les cas, les femmes doivent recourir à un second et à un troisième emprunt, souvent auprès d’usuriers locaux, afin d’essayer de poursuivre le remboursement du premier tellement les conditions liées au microcrédit sont abusives et rendent impossibles le remboursement normal.
Ces situations de détresse pour les familles conduisent de nombreuses femmes à accepter des emplois de domestiques dans les monarchies du Golfe afin de subvenir aux besoins de leurs familles, dont elles doivent ainsi s’éloigner de nombreux mois. Il faut préciser qu’une longue guerre civile au Sri Lanka a fait de nombreuses femmes des mères célibataires, notamment dans les régions majoritairement habitées par les Tamils au Nord et à l’Est du pays. Ces emplois ne leur permettent pas toujours de rembourser leurs emprunts (certaines femmes n’étant pas ou peu payées sur place malgré les promesses au moment de l’embauche) et sont souvent sources supplémentaires d’oppression. Ainsi, le journal britannique The Guardian révélait il y a quelques jours que des agences recrutent des femmes pour travailler comme domestiques dans les pays du Golfe en les forçant à prendre des pilules servant de contraceptif pour plusieurs mois, accréditant le fait que ces femmes migrantes sont régulièrement violées [4].
Les témoignages recueillis corroborent ce qu’ont déclaré, lors de la rencontre organisée par le CADTM dans la capitale du pays du 6 au 8 avril 2018, des délégués des mouvements populaires provenant de l’ensemble du territoire sri lankais.
Deux conclusions ressortaient de cet atelier : d’une part, il est nécessaire de promouvoir un mouvement de non-paiement des dettes du microcrédit afin d’obliger les autorités du pays à négocier avec le mouvement une modification radicale de l’accès au crédit ; d’autre part il est nécessaire d’intégrer la résistance aux abus du microcrédit à un programme plus large portant sur l’amélioration des salaires, la garantie d’une rémunération plus importante pour les pêcheurs, les petits agriculteurs et les autres métiers indépendants, l’amélioration des services publics, la création d’emplois décents par les pouvoirs publics, la mise en place de mesures de soutien aux petits producteurs, etc.
Il est fondamental par ailleurs de remettre la problématique du microcrédit dans son contexte international. Pour ce faire, nous reproduisons ci-dessous un article d’Éric Toussaint rédigé en avril 2017, intitulé « Sortir du cercle vicieux de la dette privée illégitime au Sud de la planète ».
Plusieurs changements fondamentaux sont intervenus au cours des 40 dernières années, principalement depuis l’éclatement de la crise de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
du Tiers-monde au début des années 1980.
Les politiques austéritaires d’ajustement structurel favorisent le recours à l’endettement privé
Des politiques d’ajustement structurel se sont généralisées en prenant comme prétexte la crise de la dette publique. Cette crise a été provoquée par l’effet combiné de la chute des prix des produits exportés par le Tiers-monde sur le marché mondial à partir de 1981-1982 et par l’augmentation des taux d’intérêts imposée par la Réserve fédérale des États-Unis à partir de 1979-1980 [5]. L’application des politiques d’austérité et d’ajustement structurel ont dominé la fin du 20e siècle dans la plupart des pays, en particulier dans les pays dits « en développement » et dans les pays de l’ex-bloc de l’Est.
Ces politiques d’ajustement structurel ont été dictées par les institutions internationales alors que les gouvernements de droite ne demandaient pas mieux que de s’appuyer sur ces injonctions pour appliquer une série de contre-réformes qui toutes servaient les intérêts des grandes entreprises privées, des grandes puissances et des classes dominantes locales [6]. Ces politiques ont dégradé les conditions de vie d’une partie importante de la population, notamment dans les zones agricoles mais aussi en milieu urbain. Quelles mesures en particulier ont provoqué un plus grand besoin de la population à recourir à la dette privée pour tenter de survivre ? On peut énumérer les mesures suivantes :
la fin des subventions à une série de produits de consommation de base (aliments, combustibles de chauffage…) et de services (électricité, eau, transport), ce qui a augmenté le coût de la vie ;
la politique de recouvrement des frais dans les secteurs de l’éducation et de la santé, ce qui a poussé les classes populaires à s’endetter pour payer les frais de scolarité et de santé ;
la suppression ou privatisation des banques publiques, notamment celles en charge du crédit aux paysans, ce qui les a poussés dans les bras des usuriers et/ou des organismes de microcrédit ;
la suppression des sociétés publiques qui achetaient aux agriculteurs des produits agricoles de base à des prix garantis fixés à l’avance ; cette suppression a eu des effets dramatiques lors de la chute des cours des produits agricoles sur le marché local ou mondial et a poussé à l’endettement ;
la fin des stockages de céréales à charge des autorités publiques, qui permettait autrefois d’assurer la sécurité alimentaire en cas de mauvaises récoltes et d’autres événements négatifs. La fin des stockages a favorisé des augmentation subites et spéculatives des prix des aliments, et poussé les familles à s’endetter pour acheter des aliments à tout prix ;
l’ouverture du marché interne à la concurrence des importations et des investissements étrangers, qui a entraîné la faillite de multiples entreprises locales et la misère de petits producteurs (agriculteurs, artisans…) ;
la promotion accentuée de la révolution verte et du recours aux intrants
Intrants
Éléments entrant dans la production d’un bien. En agriculture, les engrais, pesticides, herbicides sont des intrants destinés à améliorer la production. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette, les meilleurs intrants sont réservés aux cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières essentielles pour les populations.
chimiques (pesticides, fertilisants…) ou aux semences génétiquement modifiées (OGM
OGM
Organisme génétiquement modifié
Organisme vivant (végétal ou animal) sur lequel on a procédé à une manipulation génétique afin de modifier ses qualités, en général afin de le rendre résistant à un herbicide ou un pesticide. En 2000, les OGM couvraient plus de 40 millions d’hectares, concernant pour les trois-quarts le soja et le maïs. Les principaux pays producteurs étaient les USA, l’Argentine et le Canada. Les plantes génétiquement modifiées sont en général produites intensivement pour l’alimentation du bétail des pays riches. Leur existence pose trois problèmes.
Problème sanitaire. Outre la présence de nouveaux gènes dont les effets ne sont pas toujours connus, la résistance à un herbicide implique que le producteur va multiplier son utilisation. Les produits OGM (notamment le soja américain) se retrouvent gorgés d’herbicide dont dont on ignore les effets sur la santé humaine. De plus, pour incorporer le gène nouveau, on l’associe à un gène de résistance à un antibiotique, on bombarde des cellules saines et on cultive le tout dans une solution en présence de cet antibiotique pour ne conserver que les cellules effectivement modifiées.
Problème juridique. Les OGM sont développés à l’initiative des seules transnationales de l’agrochimie comme Monsanto, pour toucher les royalties sur les brevets associés. Elles procèdent par coups de boutoir pour enfoncer une législation lacunaire devant ces objets nouveaux. Les agriculteurs deviennent alors dépendants de ces firmes. Les États se défendent comme ils peuvent, bien souvent complices, et ils sont fort démunis quand on découvre une présence malencontreuse d’OGM dans des semences que l’on croyait saines : destruction de colza transgénique dans le nord de la France en mai 2000 (Advanta Seeds), non destruction de maïs transgénique sur 2600 ha en Lot et Garonne en juin 2000 (Golden Harvest), retrait de la distribution de galettes de maïs Taco Bell aux USA en octobre 2000 (Aventis). En outre, lors du vote par le parlement européen de la recommandation du 12/4/2000, l’amendement définissant la responsabilité des producteurs a été rejeté.
Problème alimentaire. Les OGM sont inutiles au Nord où il y a surproduction et où il faudrait bien mieux promouvoir une agriculture paysanne et saine, inutiles au Sud qui ne pourra pas se payer ces semences chères et les pesticides qui vont avec, ou alors cela déséquilibrera toute la production traditionnelle. Il est clair selon la FAO que la faim dans le monde ne résulte pas d’une production insuffisante.
), ce qui conduit les paysans à emprunter pour se procurer sur le marché les semences, les pesticides, les herbicides, les fertilisants avec l’espoir de pouvoir rembourser une fois réalisées la récolte et la vente sur le marché ;
la privatisation des terres (voir les contre-réformes au Mexique en 1993, en Égypte à la même époque et dans de nombreux pays) ;
l’accaparement des terres par des sociétés étrangères ;
la réduction de l’emploi dans la fonction publique ;
le blocage ou la baisse des salaires ;
la généralisation de la TVA et des impôts indirects ;
la réduction des retraites là où elles existaient.
La conjonction de ces contre-réformes et de ces mesures a augmenté le recours à l’endettement dans les couches populaires tant pour la consommation courante que pour de mini-investissements dans le secteur informel urbain et parmi les petits et moyens agriculteurs.
Le développement du microcrédit à partir des années 1980-1990
À partir des années 1980 se développent des initiatives de microcrédit. Depuis le début, des gouvernements et de grandes institutions internationales comme la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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ont soutenu la promotion du microcrédit. C’est le cas en Colombie, comme le décrit Daniel Munevar, dans une étude inédite [7]. Dans ce pays, avec l’appui de fondations privées, de la Banque interaméricaine de développement (BID), du gouvernement des États-Unis, la microfinance s’est développée au début des années 1980. Un plan de développement du microcrédit aux petites entreprises du secteur informel a été adopté par le gouvernement colombien dès 1984. Des expériences similaires se sont développées en Bolivie, au Pérou, au Mexique. L’institution de microcrédit la plus connue au niveau mondial est incontestablement la Grameen Bank fondée à la fin des années 1970 par Muhammad Yunus au Bangladesh. La Banque mondiale a fait systématiquement la promotion de la microfinance. L’Organisation des Nations unies s’y est ralliée et a proclamé l’année 2005 « année internationale du microcrédit ». En 2006, le Nobel de la paix a été attribué à Muhamad Yunus et à la Grameen Bank. Cette année-là, les chefs d’États et de gouvernements, au premier rang desquels Jacques Chirac, José Zapatero, George W. Bush, Luis Inacio Lula, sans oublier Bill Clinton et Bill Gates ont chanté les louanges du microcrédit.
L’enjeu est de taille
Avec un important appui institutionnel des gouvernements [8] et de plusieurs organismes internationaux, les institutions de microcrédit se sont progressivement multipliées dans les pays en développement. À l’échelle de la planète, environ 2 milliards d’adultes n’ont pas de compte bancaire. Cela ouvre une perspective de développement extraordinaire aux entreprises de microcrédit. En 2014, leur nombre atteignait 1 045 avec 112 millions de clients, dont 81 % de femmes, et un portefeuille de crédit de 87 milliards de dollars. Parmi eux, 57 % des emprunteurs/teuses vivent en zone rurale. Ces données qui se rapportent à 2014 sont tirées d’un rapport intitulé Baromètre 2016 de la microfinance. Le document est édité en français par un “consortium” réunissant les trois principales banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale), la Fondation Grameen – Crédit Agricole, Renault, Véolia (première transnationale mondiale pour les services : eau, déchets, énergie), Master Card, Engie (GDF Suez), Danone (agroalimentaire), KPMG (une des quatre principales firmes d’audit au niveau mondial), Vinci (infrastructures de transport et gestion - autoroutes, aéroports -, énergie, BTP), la Mairie de Paris, le gouvernement princier de la principauté de Monaco, le ministère français des Affaires étrangères et du développement international… L’écrasante majorité des crédits octroyés se situent entre 100 et 1000 dollars.
Source : Baromètre 2016 de la microfinance
La plupart des grandes banques privées internationales ont créé une branche microcrédit chargée de débusquer les occasions de s’introduire dans le secteur, généralement en développant des partenariats avec des agences de microcrédit déjà existantes.
Certes, les montants prêtés sont faibles mais, comme mentionné plus haut, 2 milliards d’adultes n’ont pas de compte bancaire et sont des clients potentiels du microcrédit. Deux autres facteurs très importants sont à prendre en compte. Primo, les taux d’intérêts réels pratiqués dans le secteur de la microfinance (en ajoutant au taux officiel, les commissions diverses exigées des emprunteurs) oscillent entre 25 % et 50 %. Deuzio, selon les agences de microcrédit, le taux de recouvrement est supérieur à 90 % car les pauvres sont enclins à faire l’impossible pour rembourser leurs crédits.
Un enjeu stratégique pour le capitalisme
Le système capitaliste fonctionne en cherchant en permanence à pénétrer et dominer des sphères, des espaces qu’il ne domine pas entièrement. A la fin du 20e siècle, il a remporté une énorme victoire avec la restauration des relations capitalistes dans des sociétés comme l’URSS, les autres pays européens membres de son bloc, ainsi que la Chine et le Vietnam. Il aborde la crise environnementale comme une occasion de développer le marché des permis de polluer et de développer un capitalisme vert [9]. A partir des années 1960, avec le développement de la révolution verte, il a réussi à enchaîner aux relations capitalistes des centaines de millions de paysans en les rendant dépendants des semences qu’il avait brevetées, des pesticides, des herbicides, des fertilisants qu’il brevetait et produisait. A partir des années 1990, s’est développée une nouvelle vague de dépossession avec une politique d’accaparement de terres à grande échelle au niveau international [10].
Depuis les années 1980, avec le développement du microcrédit, le capitalisme vise progressivement à faire rentrer les 2 milliards d’adultes qui n’ont pas de compte en banque dans le circuit financier qu’il domine. Ces 2 milliards d’adultes, en majorité des femmes, sont déjà insérés dans les relations monétaires de manière plus ou moins profonde, mais une partie de ce qui est réalisé comme travail et une partie de ce qui est produit l’est encore pour la sphère domestique ou communautaire non monétaire (production alimentaire d’autosubsistance, travail au foyer). C’est un enjeu stratégique pour les capitalistes de réussir à les faire rentrer de manière systématique dans le système capitaliste via l’endettement formalisé à travers des relations contractuelles d’emprunt. Il s’agit par exemple de mettre un terme au système traditionnel de mutualisation de l’épargne entre femmes là où il existe encore, mettre fin par exemple aux tontines d’Afrique subsaharienne par lesquelles les femmes mettent en commun leur épargne et se prêtent à tour de rôle des sommes nécessaires pour certaines dépenses extraordinaires ou pour des projets/investissements. Faire rentrer par l’endettement la partie de l’humanité qui jusqu’ici n’était pas encore pleinement insérée dans les relations formelles (contractuelles) capitalistes constitue réellement un enjeu stratégique.
C’est pourquoi se développe sur ce terrain l’activité des gouvernements, des organismes internationaux comme la Banque mondiale et toutes les banques multilatérales opérant dans les pays du Sud (Banque africaine de développement, Banque asiatique de développement, Banque interaméricaine de développement, Banque européenne d’investissement, etc.), des grandes entreprises financières (presque toutes les grandes banques privées, des fonds d’investissement), des grandes sociétés commerciales (les grandes chaînes de distribution), des sociétés de communication (principalement celles des téléphones mobiles).
À côté du microcrédit proprement dit sur lequel ce texte attire l’attention, il faut ajouter le développement du crédit à la consommation par les chaînes de distribution commerciale dans un grand nombre de pays émergents Pays émergents Les pays émergents désignent la vingtaine de pays en développement ayant accès aux marchés financiers et parmi lesquels se trouvent les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ils se caractérisent par un « accroissement significatif de leur revenu par habitant et, de ce fait, leur part dans le revenu mondial est en forte progression ». . Il faut souligner également le développement de l’utilisation des téléphones mobiles pour effectuer des paiements et des transferts d’argent, notamment pour des personnes qui n’ont pas de compte bancaire [11]. Ce développement des paiements par téléphone mobile mériterait une étude spécifique.
La fable du microcrédit
La question principale pour Muhammad Yunus est : « comment autoriser la moitié la plus fragile de la population du globe à rejoindre le courant principal de l’économie mondiale et à acquérir la capacité de participer aux libres marchés ? » [12]. Yunus part du postulat que l’économie mondiale fonctionne bien via le libre-marché : le seul problème des pauvres, c’est d’avoir le pied à l’étrier. Accéder à un premier prêt leur ouvrira la voie. Les banques considèrent que les pauvres ne sont pas solvables ? Elles refusent de leur accorder des prêts ? Yunus va tester le prêt aux pauvres. Avec ses équipes, il réalise un véritable forcing à ce sujet : « Quand un emprunteur tente d’esquiver une offre de prêt en prétextant qu’il n’a pas d’expérience des affaires et ne veut pas prendre cet argent, nous cherchons à le convaincre qu’il peut avoir une idée d’activité économique à créer » (p. 40) Endettez-vous d’abord, on verra après ce que vous arriverez à faire… Pour Yunus, « le social-business est la pièce manquante du système capitaliste. Son introduction peut permettre de sauver le système » (p. 171). Le tout est de savoir s’il faut sauver un système mortifère.
De nombreuses études empiriques consacrées au microcrédit et de nombreux auteurs montrent que celui-ci ne permet pas réellement aux clients de sortir structurellement de la pauvreté [13]. Le microcrédit plonge une grande partie des usagers dans l’endettement, voire le surendettement. Il ne permet pas le développement d’entreprises dans le secteur formel. Les microentreprises qui s’endettent auprès des agences de microcrédit restent dans le secteur informel. Le microcrédit ne permet pas aux collectivités locales de se renforcer et de remplacer des services publics qui se dégradent ou disparaissent suite au retrait de l’État réalisé dans le cadre des politiques néolibérales. En fait, le microcrédit reproduit les mécanismes qui génèrent la pauvreté. Une fois endettées, les personnes, en majorité des femmes, peuvent être plus facilement dépossédées, soumises et obligées de chercher à s’incorporer au marché du travail salarié pour trouver une source de revenus. De la sorte, elles contribuent à renforcer la masse des sans-emplois et à peser vers le bas sur les salaires. Dans maintes situations, les clients des institutions de microcrédit qui sont en difficulté de paiement finissent par avoir recours aux usuriers traditionnels qui posent moins de conditions mais exigent des taux encore plus élevés.
Des exemples concrets liés au microcrédit
Bangladesh : pays emblématique du microcrédit
Au Bangladesh, un des pays où le microcrédit est le plus développé, sur une population de 160 millions d’habitants, en 2015, des microcrédits étaient octroyés à 29 millions de personnes pour un montant moyen de 200 euros (17 000 takas, la monnaie du Bangladesh) [14]. Plus de 80 % des emprunteurs sont des femmes. Abul Kalam Azad, membre du CADTM, travaille pour Action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
Aid à Dacca, au Bangladesh, et témoigne : « Le microcrédit, dans son fonctionnement « classique », consiste à accorder de petits prêts à plusieurs débiteurs réunis en un seul groupe. Un groupe bénéficiant d’un prêt est composé d’environ 25 à 30 personnes devant s’engager sur 16 principes (qui ont pour but de garantir que les emprunteurs agiront de manière collective et inclusive en tant que groupe de débiteurs). Les membres d’un groupe commencent par constituer un fonds d’épargne commun, avant de s’adresser à une agence de microcrédit sur cette base afin de demander un prêt. Plus récemment, les agences de microcrédit ont commencé à pratiquer des prêts aux individus. Dans le cas d’un prêt individuel, le débiteur doit constituer une garantie auprès de l’agence s’élevant à 30 % du montant contracté. » [15]
Le taux d’intérêt réel varie entre 35 et 50 % (si on prend en compte les commissions officielles prélevées). En conséquence, vu les difficultés de s’acquitter d’un tel taux, une cliente de la microfinance (nous employons le féminin vu que les femmes sont majoritaires parmi les clients), en moyenne, est endettée auprès de 3 organismes de microcrédit. Prenons un exemple fictif mais tout à fait plausible. Elle commence par emprunter à la Grameen Bank (actuellement, la troisième banque de microcrédit en termes de volume au Bangladesh). Si elle n’arrive pas à payer à temps, elle emprunte à BRAC (qui est le principal organisme de microcrédit) pour rembourser Grameen. Ensuite, ne pouvant pas rembourser BRAC et Grameen, elle se tourne vers ASA (la deuxième banque de microcrédit). Si elle n’arrive pas à rembourser, elle décide de disparaître avec les siens. Si la famille vit dans un village, elle le quitte sans laisser d’adresse et va rejoindre la ville pour se fondre dans la masse avec un sentiment de culpabilité. Dacca, la capitale, compte 14,5 millions d’habitants et d’autres villes bourgeonnent.
La difficulté de faire face au remboursement des microcrédits constitue un facteur très important de stress et d’humiliation pour les personnes endettées. Selon Abul Kalam Azad : « Les difficultés liées au remboursement du microcrédit ont induit énormément de stress au sein des familles contractant des prêts ». Comme une grande partie des personnes emprunteuses n’a pas de propriété immobilière, la dépossession ne porte pas sur la terre ou le domicile, elle porte sur la garantie de 30 % que l’emprunteuse a dû déposer auprès de l’agence de microcrédit.
Pour comprendre comment les organismes de microcrédit affichent un taux de remboursement de plus de 98 %, il faut prendre en compte ce facteur très important. Une personne qui souhaite emprunter doit déposer en garantie 30 % de la somme empruntée. Si elle n’arrive pas à rembourser, l’organisme de microcrédit garde la garantie. C’est ainsi que les agences de microcrédits arrivent à un taux de recouvrement de 98 %. Celui-ci cache en réalité un phénomène de dépossession, celle d’un nombre important de personnes qui, n’arrivant pas à faire face aux obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
de remboursement, perdent la garantie qu’elles ont déposées et quittent leur village pour échapper à l’opprobre.
Une précision supplémentaire : au Bangladesh, les trois principales banques de microcrédit contrôlent 61 % du marché. Quand vous vous déplacez dans la capitale Dacca, vous vous apercevez que la majorité des ATM (guichets automatisés de retrait bancaire) sont ceux de ces trois principales banques.
Colombie : le microcrédit soutenu systématiquement par l’État
Comme indiqué plus haut, le gouvernement colombien et celui des États-Unis, de même que la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement, sont intervenus activement dans le lancement, le soutien et l’extension de la microfinance. Dans ce pays, les microentreprises, qui représentent la majorité des emplois, ont constitué la cible principale des microcrédits. Cinq institutions dominent le secteur en contrôlant 72 % des crédits en 2014. La principale banque de microcrédit, Bancamia, est liée à la deuxième plus grande banque privée espagnole, BBVA. L’État les soutient de manière structurelle. En 1996, Corposol/Finansol, qui contrôlait 40 % du marché des nouveaux crédits aux microentreprises, dut être sauvée avec l’aide des finances publiques car elle avait donné la priorité à la recherche à tout prix d’une extension maximale [16]. Les hauts cadres des banques de microcrédit proviennent de grandes banques privées, notamment des États-Unis comme la Citibank. Toutes les évaluations réalisées par le gouvernement colombien font état des succès de ce qu’il appelle l’industrie du microcrédit. La raison est simple : ces évaluations ne prennent en compte que la croissance du secteur de la microfinance sans se préoccuper de ses effets sur l’activité économique, sans se pencher sur la capacité des microentreprises à quitter le secteur informel pour passer au secteur formel. En réalité, la microfinance colombienne a maintenu les microentreprises dans l’informalité et a poussé à leur surendettement, ce qui a augmenté le taux des impayés. À partir des années 2000, le gouvernement a convaincu les grandes banques privées colombiennes d’investir dans la microfinance. Annuellement, 130 millions de dollars ont été investis par elles entre 2002 et 2006, largement avec une garantie publique en cas de défaut de paiement ou de faillite [17]. La quantité de crédits bénéficiant de la garantie de l’État a été multipliée par 5 entre 2001 et 2005. Par la suite, le gouvernement décida d’augmenter encore le nombre de microcrédits octroyés, il fixa comme objectif à atteindre l’attribution de 5 millions de microcrédits entre 2006 et 2010. L’objectif fut dépassé, 6,1 millions de crédits furent octroyés. Pour la période 2010-2014, même dépassement : alors que le gouvernement voulait atteindre 7,7 millions de microcrédits, le total atteignit 10,2 millions de microcrédits. Mais le programme en pleine extension n’avait pas réussi à améliorer la qualité de l’emploi. En 2006, sous la pression des banques de microcrédit, le gouvernement autorisa une augmentation des taux d’intérêt [18]. Les taux autorisés pouvaient se situer entre 22,6 % et 33,9 %.
À partir de 2010, les taux admis furent encore augmentés, ils pouvaient osciller entre 30 et 50 %. De plus, le gouvernement autorisa l’introduction de taux variables avec indexation tous les 3 mois. En Colombie, l’expansion du microcrédit est exponentielle. On est passé d’un volume total de 136 millions de dollars en 2002 à 3 800 millions en 2016, soit une croissance annuelle de 28,1 %. En termes de taille individuelle des crédits, en 2015, 72 % des microcrédits varient entre 1 et 25 fois le salaire minimum légal, tandis que les 28 % restants oscillent entre 25 fois et 120 fois le salaire minimum légal. En 2015, le rendement sur fonds propres
Fonds propres
Capitaux apportés ou laissés par les associés à la disposition d’une entreprise. Une distinction doit être faite entre les fonds propres au sens strict appelés aussi capitaux propres (ou capital dur) et les fonds propres au sens élargi qui comprennent aussi des dettes subordonnées à durée illimitée.
(ROE) était phénoménal [19] : Bancamia atteignait 11,7 % , la Banque mondiale des Femmes –sic !- (WWB) 9,1 % et la banque Monde féminin (Mundo Mujer) 21 %.
Goldman Sachs, une des banques les plus rentables au niveau mondial, obtient des résultats nettement inférieurs !
Alors que la santé apparente des banques colombiennes spécialisées dans le microcrédit est excellente, il n’en va pas de même des personnes et des microentreprises qui font appel à leurs prêts. 32 % des clients sont surendettés et ont dû demander une restructuration de leurs dettes qui passe essentiellement par une extension de la période de remboursement. Avec la conjoncture économique qui s’est dégradée en Colombie en 2016-2017, le nombre des défauts de paiement a fortement augmenté [20].
Afrique du Sud : Il est fréquent que les patrons, sur ordonnance judiciaire, déduisent directement le montant à rembourser du salaire de leurs travailleurs
Le 16 août 2012, dans la région de Marikana en Afrique du sud, la police a ouvert le feu sur des mineurs en grève et en a tué trente-quatre. Cet épisode tragique est souvent considéré comme marquant un tournant dans l’histoire de la démocratie dans ce pays appelé ’nation arc-en-ciel’. Ce qu’il révèle, c’est non seulement le soutien quasi-inconditionnel apporté aux forces du capital par l’ANC (qui avait dirigé la lutte anti apartheid) et la nouvelle classe dirigeante noire, mais également combien est important le niveau d’endettement des mineurs. L’essentiel de leur dette est dû à des ‘micro-prêteurs’ ; en fait la croissance du microcrédit en Afrique du Sud est tout simplement phénoménale. Des Sud-Africains qui gagnent entre 3 500 et 10 000 rands par mois (un salaire d’ouvrier) consacrent jusqu’à 40 % de leur revenu à rembourser des emprunts. Il est fréquent que les patrons, sur ordonnance judiciaire, déduisent directement le montant à rembourser du salaire de leurs travailleurs. Si les mineurs étaient en grève en 2012 pour obtenir une augmentation de salaire, c’est que ces prélèvements leur laissaient à peine de quoi vivre et qu’ils avaient emprunté à des taux usuraires auprès des prêteurs sauvages qui se sont multipliés près des mines ou dans des localités comme Marikana [21].
Maroc : quand les victimes s’organisent
Depuis le milieu des années 1990, l’État marocain a promu le microcrédit par le biais de financements publics nationaux et internationaux (Fonds Hassan II pour le développement, PNUD
PNUD
Programme des Nations unies pour le développement
Créé en 1965 et basé à New York, le PNUD est le principal organe d’assistance technique de l’ONU. Il aide - sans restriction politique - les pays en développement à se doter de services administratifs et techniques de base, forme des cadres, cherche à répondre à certains besoins essentiels des populations, prend l’initiative de programmes de coopération régionale, et coordonne, en principe, les activités sur place de l’ensemble des programmes opérationnels des Nations unies. Le PNUD s’appuie généralement sur un savoir-faire et des techniques occidentales, mais parmi son contingent d’experts, un tiers est originaire du Tiers-Monde. Le PNUD publie annuellement un Rapport sur le développement humain qui classe notamment les pays selon l’Indicateur de développement humain (IDH).
Site :
, USAid...).
Ce sont aujourd’hui 13 institutions coordonnées dans le cadre de la Fédération nationale des associations de microcrédits, dont quatre représentent 95 % des prêts (dont deux filiales de banques) qui structurent le secteur. Celui-ci a connu, de 2008 à 2011, une crise due aux défaillances de remboursement, qui s’est entre autres concrétisée par la faillite de la fondation Zakoura, entrainant une intervention de l’État pour réorganiser et consolider ces structures.
Des années 1990 à la fin 2015 près de 50 milliards de dirhams de prêts ont été distribués. Les prêts vont de 500 dirhams à 50 000 dirhams [50 à 5 000 euros] au maximum à un taux effectif moyen de 35 % mais qui peut aller bien au-delà.
Profitant de la situation d’urgence à laquelle sont confrontés les emprunteurs, de leur niveau d’étude et de leur méconnaissance des procédures, les organismes de microcrédit cachent le taux d’intérêt effectif annuel réel, ne donnant que le taux mensuel.
Les difficultés de remboursement d’emprunts excessifs et l’application de taux usuraires expliquent la naissance d’un mouvement de victimes des microcrédits dans la région de Ouarzazate (Sud-Est du Maroc) en 2011 [22]. Ce mouvement a regroupé environ 4 500 victimes, en grande majorité des femmes. ATTAC CADTM Maroc a soutenu cette lutte et l’a considérée comme une lutte juste contre la cupidité des institutions bancaires et des investisseurs qui les contrôlent, en montrant le caractère illégitime et illégal de ces prêts.
Comme l’écrit ATTAC CADTM Maroc : « À travers sa lutte, ce mouvement a révélé la fausseté de l’objectif déclaré des institutions de la microfinance jusque dans la loi qui les régit, et les moyens illégaux auxquels elles ont recours dans les cas de dettes impayées. Les emprunteurs ont été soumis à diverses formes de menaces et dépouillés de leurs biens. Les femmes en particulier ont dû faire face à d’énormes pressions : certaines ont quitté leurs familles, d’autres ont émigré, certaines se sont vu forcées à recourir la prostitution » [23]
Les organisateurs du mouvement ont été poursuivis en justice, condamnés à des peines sévères dans un premier temps. Devant la forte mobilisation des victimes et la solidarité internationale qu’elles ont reçue, le tribunal a finalement prononcé l’acquittement [24].
Comme le souligne ATTAC CADTM Maroc : « la question des microcrédits dépasse la question de l’avidité et de la cupidité des institutions financières internationales et locales mais pose le problème plus général du type de politiques mises en place pour lutter contre la pauvreté et plus largement encore du modèle de développement qui sous-tend ces politiques. D’un côté, on supprime les moyens de subsistance d’une partie de la population, par l’accaparement des terres, l’extension de l’agrobusiness, la fermeture des services publics ou leur privatisation et, d’un autre, on lui prête de l’argent de façon à ce qu’elle soit solvable pour accéder à des services payants : écoles privées, cliniques, etc. tout en lui demandant de créer ses propres activités génératrices de revenus dans un monde en crise et en lui retirant au passage une part importante des bénéfices de l’opération. » [25]
D’autres mécanismes de dettes privées
D’autres mécanismes d’endettement privé jouent un rôle fondamental dans les pays dits en développement qu’ils soient émergents ou non.
En Chine, plus d’une centaine de millions de personnes sont victimes d’une énorme bulle immobilière en développement depuis plus de 10 ans. Les logements atteignent des prix astronomiques. Des dizaines de millions de paysans sont victimes de la spéculation
Spéculation
Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
immobilière qui entraîne un renchérissement des terres agricoles à proximité des agglomérations urbaines. Les banques chinoises se sont lancées dans des crédits hypothécaires de plus en plus massifs et les abus se multiplient de la part des banquiers. Le taux de défaut de paiement augmente. Lorsque les prix de l’immobilier s’effondreront, les familles menacées par des expulsions de logements se compteront par dizaines de millions.
En Inde, on dénombre au cours des 20 dernières années plus de 300 000 suicides de paysans endettés et le nombre de victimes ne faiblit pas [26].
En résumé, en ce début du 21e siècle, tant au Nord qu’au Sud de la planète, les opprimés sont confrontés à une recrudescence de l’utilisation des dettes privées comme mécanisme d’asservissement, de spoliation et de dépossession. C’est pour cela que le CADTM a décidé d’intégrer dans ses activités la lutte pour l’abolition des dettes privées illégitimes.
Remerciements : Les auteurs remercient pour leur relecture et leurs suggestions : Patrick Saurin, Michel et Dominique Sala, Damien Millet.
Les auteurs sont entièrement responsables des éventuelles erreurs contenues dans ce travail.
[1] 1 euro = 192,5 roupies sri lankaises à la date du 12 avril 2018.
[2] Le taux d’inflation annuel a atteint 6 % en 2017, 2,2 % en 2015, 4 % en 2016. Un taux de 5 à 6 % est prévu pour 2018. Voir https://www.statista.com/statistics/728516/inflation-rate-in-sri-lanka/ (consulté le 11 avril 2018)
[3] Ce type de prêt est encore répandu dans de nombreux pays. En France, il est octroyé par des organismes publics comme le Crédit municipal de Paris http://www.creditmunicipal.fr/pret-sur-gage/obtenir-un-pret-sur-gage/pret-sur-gage.html
Le site www.creditmunicipal.fr est édité par le Crédit Municipal de Paris, établissement public communal de crédit et d’aide sociale au capital de 47 000 000 €.
[4] Sophie Cousins, « Recruiters order Sri Lankan women to take birth control before working in Gulf », The Guardian, 6 avril 2018.
[5] Voir Éric Toussaint et Damien Millet, 65 questions 65 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, 2012, Chapitre 3 : La crise de la dette, http://www.cadtm.org/65-questions-65-reponses-sur-la,8331
[6] Voir Éric Toussaint, Comment appliquer des politiques antipopulaires d’austérité. L’OCDE fournit un vade-mecum pour les gouvernants, http://www.cadtm.org/Comment-appliquer-des-politiques
[7] Daniel Munevar, « Colombia : A critical look », 2017, 21 pages à paraître dans une publication de la CNUCED.
[8] Une fois de plus, ce qui est présenté comme une initiative qui surgit de la société civile et de l’initiative privée doit son succès à un soutien vital de la part de l’État et des organismes internationaux comme la Banque mondiale qui prolonge l’action des États.
[9] Voir « L’impossible capitalisme vert ». Un livre indispensable pour construire un projet écosocialiste. Voir aussi Daniel Tanuro, « L’impossible capitalisme vert ? » Pourquoi ?
[10] Nicolas Sersiron, « Terres préemptées, néo-colonialisme renforcé », http://www.cadtm.org/Terres-preemptees-neo-colonialisme.
[11] Voir « Le Kenya, leader mondial du paiement mobile ». Voir aussi « ONU, Transferts d’argent : le téléphone portable au secours des banques », Afrique Renouveau En Ligne ; CNUCED, « Les services monétaires par téléphonie mobile »
[12] Muhammad Yunus, Vers un nouveau capitalisme, J-C Lattès, 2007, 280 pages, p. 31. Ce passage est tiré de l’excellent article de Denise Comanne, « Muhammad Yunus : prix Nobel de l’ambiguïté ou du cynisme ? »
[13] Esther Duflo, Microcrédit, miracle ou désastre ?
[14] Source : Monower Mustafa, communication au séminaire international tenu par le CADTM à Dacca les 3 et 4 mars 2017. Voir le compte-rendu : “La lutte contre la dette et le microcrédit s’organise en Asie du Sud”
[16] Voir “Grandeur et décadence de Corposol : enseignements sur la gestion de la croissance”,. In English : Corposol/Finansol : Preliminary Analysis of an Institutional Crisis in Microfinance
[17] Trigo, J., Patricia, L., Devaney, L., & Rhyne, E. (2004). Supervising & Regulating Microfinance in the Context of Financial Sector Liberalization : Lessons from Bolivia, Colombia and Mexico
[18] Gutiérrez, M. L. (2009). Microfinanzas dentro del contexto del sistema financiero colombiano.
[19] Le Return On Equity mesure en pourcentage le rapport entre le résultat net et les capitaux propres investis par les actionnaires. L’équation revient à ROE = Résultats net / capitaux propres.
[20] El Nuevo Siglo Bogotá, « Cae desembolso de microcrédito »
[21] Source : Samantha Ashman, Financiarisation et luttes des mineurs en Afrique du Sud (Financialisation and Mine Workers’ Struggles in South Africa), communication à la journée d’études : « Finance et mouvements sociaux », Paris, 13 avril 2017.
[22] Lucile Daumas, « Micro-crédit, macro-arnaque »
[23] ATTAC CADTM Maroc, Le microcrédit au Maroc : quand les pauvres financent les riches, à paraitre en 2017. Voir également Omar Aziki, « Maroc : les couches populaires sous le double joug du microcrédit et du despotisme »
[24] Souad Guennoun, « Acquittement pour les deux inculpé.e.s du procès microcrédit à Ouarzazate »
[25] ATTAC CADTM Maroc, Le microcrédit au Maroc : quand les pauvres financent les riches, à paraitre en 2017.
[26] Pour un cas précis, voir Al Jazeera, « India’s sugarcane farmers : A cycle of debt and suicide »
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
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