Communiqué de presse
17 janvier 2005 par CADTM
Le CADTM prend note de la résolution du Parlement européen (voir texte ci-dessous) sur l’annulation totale de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
mais appelle à aller plus loin.
Le Parlement européen a adopté (par 473 voix pour, 66 voix contre et 14 abstentions) le jeudi 13 janvier 2005 une résolution qui demande l’annulation progressive de la dette des pays en développement.
C’est un progrès. Mais tout reste à faire : à commencer par annuler dans les faits la dette du Tiers Monde.
Le texte marque un progrès par rapport au passé dans la mesure où il propose l’annulation (ce qui est différent d’un allègement) pour les pays en développement (et pas seulement les « pays pauvres », ou les « pays les moins avancés »). Le fait que la résolution ait pu réunir une majorité de députés est une indication du retour en force de la problématique de la dette à l’agenda international.
Cela montre aussi clairement que les initiatives prises par les institutions multilatérales, le G8
G8
Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002.
, le Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
, les gouvernements des pays créanciers pour résoudre le problème de la dette n’ont pas offert de solution adéquate.
Les faiblesses de la résolution sont criantes. Par exemple, elle affirme que l’initiative pour les pays pauvres très endettés
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
est inadaptée (point 6) tout en prétendant qu’il s’agit d’un pas en avant vers l’annulation progressive de toutes les dettes. La résolution se félicite des appels à
suspendre le paiement de la dette des pays affectés par le Tsunami alors qu’une telle suspension est totalement inadaptée.
Le CADTM tout en se réjouissant du progrès accompli par le Parlement européen appelle à aller plus loin en exigeant des mesures claires d’annulation de la dette des pays en développement et en abandonnant l’imposition de politiques néolibérales aux pays endettés.
Eric Toussaint
Président CADTM Belgique
Tél : 00 32 (0)486 74 47 52
cadtm chez skynet.be
Damien Millet
Président CADTM France
Tél : 00 33 (0)6 60 54 27 13
france chez cadtm.org
| Résolution du Parlement européen sur l’allègement de la dette des pays en développement (adoptée le jeudi 13 janvier 2005)
Le texte a été adopté par 473 voix pour, 66 voix contre et 14 abstentions.
Le Parlement européen ,
vu la réunion du « Club de Paris », un groupe de 19 pays créanciers dont 12 États membres, qui s’est déroulée du 17 au 21 novembre 2004,
vu ses résolutions antérieures du 25 avril 2002 sur l’allégement de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) [1] et du 18 mai 2000 sur la dette extérieure des pays pauvres [2],
vu les objectifs du Millénaire pour le développement auxquels l’ensemble des pays membres des Nations unies a souscrit en 2000,
vu le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), adopté en octobre 2001 à Abuja (Nigéria) et reconnu par la suite par l’Union africaine comme faisant partie intégrante de son programme de développement socio-économique,
vu le plan d’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
adopté par le groupe des 8 pays les plus industrialisés (G8) à Kananaskis, le 27 juin 2002, ainsi que les conclusions de la Présidence du G8, adoptées à Évian le 3 juin 2003,
vu la résolution 2001/27 de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies sur les effets des politiques d’ajustement structurel et de la dette extérieure sur la jouissance effective de tous les droits de l’Homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels,
vu la pétition « Jubilé 2000 », signée par 24 millions de citoyens qui demandent l’annulation de la dette des pays en développement,
vu l’article 103, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que la majorité des PPTE sont situés en Afrique subsaharienne,
B. considérant que le poids de la dette de l’Afrique s’élèverait à environ 230 milliards de dollars US et que, selon certaines estimations, les pays africains à faible revenu remboursent environ chaque année 39 milliards de dollars US au titre du service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. ,
C. considérant que l’annulation de cette dette libérerait des ressources pour d’autres objectifs, sachant que les sommes devenues disponibles pourraient être affectées au budget de l’État, permettant ainsi de réduire directement la pauvreté,
D. considérant que l’allègement de la dette est l’un des objectifs du Millénaire pour le développement (objectif n°8), qui vise plus particulièrement à traiter globalement le problème de la dette des pays en développement par des mesures d’ordre national et international propres à rendre leur endettement viable à long terme,
E. considérant que l’allègement de la dette ne constitue pas à lui seul une panacée et ne génère pas en soi des ressources, ne réduit pas la pauvreté ni n’encourage le développement ; considérant que l’avenir des pays en développement dépend principalement de leur bonne gouvernance et de leur investissement dans leur propre population,
F. considérant qu’en 1996 la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
Cliquez pour plus de détails.
, le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
Cliquez pour plus de détails.
, le G7
G7
Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing.
et le Club de Paris ont pris l’initiative d’alléger la dette des PPTE,
G. considérant que, selon le rapport de la CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
CNUCED
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Elle a été créée en 1964, sous la pression des pays en voie de développement pour faire contrepoids au GATT. Depuis les années 1980, elle est progressivement rentrée dans le rang en se conformant de plus en plus à l’orientation dominante dans des institutions comme la Banque mondiale et le FMI.
Site web : http://www.unctad.org
de 2002, et après deux décennies de programme d’ajustement structurel, la pauvreté continue à augmenter,
H. considérant que le 21 novembre 2004, le Club de Paris a décidé de réduire la dette de l’Iraq de 80% afin de contribuer à la reconstruction du pays, et que cette dette sera réduite en trois étapes - 30% dans l’immédiat, 30% en 2005 et 20% en 2008,
I. considérant qu’à la suite du tragique tsunami en Asie plusieurs appels ont été lancés en faveur d’une suspension de la dette des pays touchés, afin de faciliter le processus de reconstruction et de réorganisation,
1. prend acte de la réduction de 80% de la dette de l’Iraq ; souligne cependant que tous les créanciers et, en particulier, les institutions internationales et les gouvernements nationaux, doivent se mettre d’accord pour annuler progressivement la dette des pays en développement, en donnant la priorité aux pays les moins avancés ;
2. demande à la Commission et aux États membres de prendre l’initiative, dans les instances tant multilatérales que bilatérales, d’annuler progressivement la dette extérieure de pays en développement et leur demande aussi de poursuivre activement l’objectif que 0,7% du PNB
PNB
Produit national brut
Le PNB traduit la richesse produite par une nation, par opposition à un territoire donné. Il comprend les revenus des citoyens de cette nation vivant à l’étranger.
soit consacré à l’aide au développement à l’étranger, afin d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement ;
3. se félicite des appels à suspendre la dette des pays affectés par le tsunami ; demande cependant des mesures analogues pour d’autres pays pauvres, sachant que la solidarité internationale ne devrait pas dépendre d’événements tragiques ;
4. fait valoir qu’un allégement de la dette devrait être accordé en priorité aux pays les moins avancés, et ce uniquement à condition que les ressources obtenues par les gouvernements à ce titre soient affectées à l’aide aux personnes les plus démunies parmi leurs populations ;
5. estime qu’il convient d’accélérer et de développer le processus d’allègement de la dette publique dans les pays dont les gouvernements respectent les droits de l’Homme et les principes de bonne gouvernance et donnent la priorité à l’éradication de la pauvreté ;
7. met l’accent sur la nécessité, dans ce contexte, d’adapter l’initiative PTTE actuelle pour répondre aux exigences des pays éligibles qui n’ont pas encore atteint le point de décision en raison d’une instabilité politique extrême, et de prévoir une plus grande souplesse dans d’autres domaines également, tels que la durée de la « période d’examen des résultats », le contenu de « ces résultats » ainsi que des documents de stratégie intérimaires pour la réduction de la pauvreté, et l’octroi de l’allègement de la dette pendant la période intérimaire ;
8. se félicite, dans ce contexte, du report du terme imposé par la clause de limitation dans le temps de l’Initiative PPTE à la fin 2006, ce qui offre la possibilité à certains pays éligibles qui sortent d’un conflit, de réunir les documents nécessaires pour participer à l’initiative ; demande un allègement supplémentaire de la dette centré sur la réconciliation et la réhabilitation des infrastructures pour ces pays, en vue de réduire la probabilité de futurs conflits ;
9. estime que toute ressource supplémentaire obtenue par les gouvernements du fait de l’allègement de la dette devrait être affectée à des projets sociaux en application de projets arrêtés en concertation avec les donateurs et la société civile, de manière à accroître les dépenses sociales dans des domaines tels que l’éducation de base, les soins sanitaires primaires et le sida ;
10. demande à la Commission et aux États membres de veiller à ce que - par une coordination efficace entre le G8, la Banque mondiale et le FMI - aucun pays véritablement engagé en faveur de la réduction de la pauvreté, de la bonne gouvernance et des réformes économiques ne se voit refuser, faute de ressources, la chance d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement ;
11. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil ACP-UE, à l’Union africaine, aux Nations unies, au Fonds Monétaire International, à la Banque mondiale ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres.
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