Un mois après le terrible tsunami qui a ravagé plusieurs pays asiatiques et africains, nous n’avons pas encore constaté une réponse des pays les plus riches du monde, ni des institutions financières internationales qu’ils contrôlent, adaptée à la situation. Au lieu de cette réponse, ce que nous avons vu, ce sont de nombreuses proclamations d’intention et des prises de position qui ont vaguement tenté d’utiliser la situation en leur faveur.
Jusqu’à aujourd’hui, l’aide financière promise par les pays du G7 G7 Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing. est estimée à 6 milliards de dollars.
Cette somme est dérisoire si on la compare au 400 milliards de dollars du budget militaire des Etats-Unis ou au 200 milliards de dollars que les Etats-Unis, le Royaume Uni et les autres membres de la « Coalition des Alliés » ont déjà dépensé dans la guerre d’Irak. Il est clair que ces pays sont disposés à dépenser bien plus pour faire la guerre et provoquer des destructions que pour soulager les gens et reconstruire.
Ce montant de l’aide est ridicule comparé aux bénéfices que le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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, la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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, la Banque asiatique de développement et les gouvernements du Nord font sur les prêts accordés aux pays du Sud. En 2003, c’est un total de 23.630 millions de dollards qui ont été payés par les pays en développement pour rembourser les intérêts de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
multilatérale et bilatérale.
Ce qui est pire encore, c’est qu’il n’est pas évident jusqu’ici que ces engagements pour l’aide soient de véritables donations. Une bonne partie de ces sommes va sans doute être accordée sous forme de prêts qui devront être remboursés plus tard avec leurs intérêts.
Si l’aide financière et matérielle pour le soulagement immédiat est urgente, les coûts pour la reconstruction à long terme seront énormes. Etant donné le niveau actuel de la dette et du service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. de ces pays, la charge financière supplémentaire que ces pays concernés devront assumer à cause de ce désastre, les conduira probablement à un désastre économique inimaginable.
Certains pays du G7 ont proposé un moratoire
Moratoire
Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.
Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
à court terme pour le paiement de la dette. Avant de nous réjouir de ces grandes déclarations et de ces gestes de générosité, nous devons signaler que les coûts de ce moratoire sont vraiment peu importants pour les créditeurs, même si les intérêts de la dette sont suspendus pendant la durée du moratoire. En fait, tout cela aura très peu d’impact pour les pays concernés. De plus, à l’exception du Canada, les autres pays ne sont pas disposés à garantir un moratoire unilatéral et ils préfèrent préalablement parler de tout cela avec le Club de Paris
Club de Paris
Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.
Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.
Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
. En clair, cela veut dire que chacun des gouvernements des pays riches ne veut pas donner plus que ce que les autres gouvernements sont disposés à donner.
Nous devons aussi signaler que ce moratoire de la dette concerne seulement les dette bilatérales. Le FMI, la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement qui ont un rôle hégémonique dans les finances internationales et dans les affaires économiques concernant les pays du Sud, ont vu ce rôle renforcé depuis le tsunami. Mais, elles n’ont rien à dire sur un moratoire de la dette multilatérale.
De plus, nous sommes très préoccupés par le peu d’attention que l’on a pu porter aux effets du tsunami sur les pays africains.
Au lieu de faire des gestes d’aide débiles et symboliques, les pays du G7 et les institutions fnancières internationales qu’ils contrôlent, devraient vraiment soulager l’énorme souffrance d’une grande partie de l’humanité. On parle déjà de 226.566 morts et ce nombre augmente sans cesse, de 500.000 blessés et de 5 millions de déplacés dans les pays asiatiques, mais aussi de 5 millions de déplacés dans les pays africains, sans mentionner le futur désastre économique de ces pays touchés par le tsunami et fortement endeuillés. C’est immédiatement que le G7 devrait abolir leurs dettes.
Le Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Anam, a déclaré que le désastre causé par le tsunami est le plus grave désastre naturel de l’histoire récente. En plus de la perte des vies humaines, la destruction de l’environnement et les dommages causés à l’infrastructure par le tsunami ont été énormes. Cependant, nous ne devons pas oublier que la pauvreté, les privations et les maladies provoquent aussi un désastre continuel, particulièrement dans le Sud. Des millions de personnes meurent chaque jour par manque d’aliments et faute d’accès à l’eau potable et aux plus élémentaires soins sanitaires de base. L’appauvrissement accentue encore l’impact de ces désastres. La charge de la dette est un des facteurs principaux qui conduisent à cette misère.
La pauvreté dans le Sud et la richesse des puissants pays du Nord et de leurs institutions financières trouvent leur origine dans l’exploitation historique, sociale et écologique qui a duré pendant des siècles de colonialisme, mais qui se perpétue actuellement par l’exploitation économique soumise à la globalisation
Globalisation
(voir aussi Mondialisation) (extrait de Chesnais, 1997a)
Origine et sens de ce terme anglo-saxon. En anglais, le mot « global » se réfère aussi bien à des phénomènes intéressant la (ou les) société(s) humaine(s) au niveau du globe comme tel (c’est le cas de l’expression global warming désignant l’effet de serre) qu’à des processus dont le propre est d’être « global » uniquement dans la perspective stratégique d’un « agent économique » ou d’un « acteur social » précis. En l’occurrence, le terme « globalisation » est né dans les Business Schools américaines et a revêtu le second sens. Il se réfère aux paramètres pertinents de l’action stratégique du très grand groupe industriel. Il en va de même dans la sphère financière. A la capacité stratégique du grand groupe d’adopter une approche et conduite « globales » portant sur les marchés à demande solvable, ses sources d’approvisionnement, les stratégies des principaux rivaux oligopolistiques, font pièce ici les opérations effectuées par les investisseurs financiers, ainsi que la composition de leurs portefeuilles. C’est en raison du sens que le terme global a pour le grand groupe industriel ou le grand investisseur financier que le terme « mondialisation du capital » plutôt que « mondialisation de l’économie » m’a toujours paru - indépendamment de la filiation théorique française de l’internationalisation dont je reconnais toujours l’héritage - la traduction la plus fidèle du terme anglo-saxon. C’est l’équivalence la plus proche de l’expression « globalisation » dans la seule acceptation tant soit peu scientifique que ce terme peut avoir.
Dans un débat public, le patron d’un des plus grands groupes européens a expliqué en substance que la « globalisation » représentait « la liberté pour son groupe de s’implanter où il le veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possible en matière de droit du travail et de conventions sociales »
financière. Abolir les « dettes » économiques du Sud n’est pas une question de charité mais de justice, car ces « dettes » ne représentent qu’une faible partie de la dette énorme que le Nord doit au Sud.
Nous appelons les organisations sociales et les mouvements sociaux présents à Porto Alegre, ainsi que ceux qui n’ont pu venir au Forum Social Mondial à s’unir dans une campagne d’opinion pour LA SUPPRESSION IMMEDIATE ET INCONDITIONNELLE DE LA DETTE de tous les pays du Sud, en commençant par les pays touchés par le tsunami et tous les autres qui aussi ont subi récemment de terribles désastres et qui sont en crise.
Jubileo Sur
26 février 2005
Forum Social Mondial, Porto Alegre, Brésil