Les effets d’annonce ne manquent pas autour du sommet des 20 pays industrialisés et émergents (G20 G20 Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions. ) réuni à Londres les 1er et 2 avril pour apporter des solutions à la crise. Mais bien avant la clôture du sommet, les conclusions sont connues : le G20 ne sera pas à la hauteur de l’enjeu.
Au-delà de la publication dans la presse spécialisée d’un projet de communiqué final très insuffisant, la raison en est simple : le sommet du G20 n’a pas été mis en place pour apporter de véritables solutions, il a été convoqué à la va-vite une première fois en novembre dernier pour sauver la mise des puissants et tenter de colmater les brèches d’un capitalisme en pleine crise. Impossible, dès lors, qu’il apporte aux peuples du monde entier des alternatives suffisamment radicales pour inverser la tendance. Initié par ceux qui profitent du rapport de forces actuel, le sommet du G20 est structurellement incapable de choisir des pistes de nature à modifier en profondeur ce rapport de forces. Quand un chef d’Etat ou le directeur d’une institution internationale est arrivé à son poste grâce au soutien des grands créanciers et des multinationales, il ne va pas chercher à fragiliser le pouvoir de ses précieux soutiens.
Comme la situation est intenable du fait de la crise financière internationale, le G20 va chercher à limer les dents de ce système prédateur au lieu de le mettre hors d’état de nuire. L’opinion publique va donc être priée de regarder dans deux directions qui doivent servir à cristalliser l’exaspération : les paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
et les rémunérations des dirigeants de grandes entreprises.
Il faut abolir les paradis fiscaux, cela va de soi. C’est facile à décider. Il suffit d’interdire aux entreprises et aux résidents d’avoir des actifs
Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
dans ou d’entretenir des relations avec des partenaires situés dans des paradis fiscaux qui sont tout à fait identifiables. Les pays de l’Union européenne qui fonctionnent comme des paradis fiscaux (Autriche, Belgique, Grande-Bretagne, Luxembourg…) et la Suisse, qui est signataire des accords de Schengen, doivent lever le secret bancaire et mettre fin à leurs pratiques scandaleuses. Mais telle n’est pas l’orientation prise par le G20 : quelques cas emblématiques seront sanctionnés, des mesures minimales seront demandées aux pays concernés, et une liste noire des territoires « non coopératifs » soigneusement épurée (la City de Londres, le Luxembourg ou l’Autriche ont obtenu de ne pas y figurer) sera dressée. D’ailleurs, une telle liste existait déjà, mais au fil du temps, la quasi-totalité des pays en avait été rayée. On va donc reprendre les mêmes et recommencer.
Par ailleurs, les rémunérations des dirigeants des grandes entreprises, incluant parachutes dorés et bonus divers, sont proprement scandaleuses. En période de croissance, le patronat affirmait qu’il fallait récompenser ceux qui prenaient des risques et apportaient tant de profits aux sociétés (nous ne parlons pas là des travailleurs, vous l’aurez compris !) afin qu’ils ne partent pas ailleurs. Maintenant que la crise est solidement installée et que les entreprises creusent leurs pertes, les mêmes continuent de justifier des revenus faramineux. Le G20 va « encadrer » ces rémunérations, pour une durée limitée (jusqu’à fin 2010 en France). La logique elle-même n’est pas remise en cause, on en gomme juste l’aspect insupportable pour la faire perdurer.
Au-delà des questions des paradis fiscaux et des super-bonus des patrons, pour lesquelles aucune sanction éventuelle n’est spécifiée, les pays du G20 vont continuer de renflouer les banques, mais sans en prendre le contrôle pour imposer d’autres orientations que celles qui ont échoué depuis plusieurs décennies et qui ont conduit à la crise actuelle. Le G20 ne manque pas de rappeler qu’il va lutter contre le protectionnisme, comme s’il était inadmissible de vouloir protéger les secteurs vitaux de son économie. Le libre marché et la dérégulation forcenée ont conduit au fiasco, le G20 en tire des conclusions que les populations ne peuvent accepter : il cherche à sauvegarder coûte que coûte ce libre marché, apanage des puissants qui ne veulent rien lâcher de leur domination face aux plus faibles.
Peu importe au G20 si le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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a été un acteur central dans l’imposition des politiques d’ajustement structurel depuis les années 1980, au contraire, le G20 veut le remercier d’avoir été le grand ordonnateur des privatisations à outrance, de la libéralisation de l’économie, de l’ouverture des marchés et de la réduction drastique des budgets sociaux. Le FMI, bien que discrédité et délégitimé au niveau mondial, va être remis au centre du jeu politique et économique grâce à un apport de fonds d’ici 2010.
Un petit coup de peinture sur un monde en ruines, voilà la démarche du G20. Seule une forte mobilisation populaire pourra permettre de bâtir des fondations solides pour construire enfin un monde dans lequel la finance est au service des êtres humains, et non l’inverse. Les manifestations du 28 mars furent importantes : 40 000 personnes à Londres, des dizaines de milliers à Vienne, Berlin, Stuttgart…, sur le thème « Que les riches paient pour la crise ! ». La semaine d’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
mondiale convoquée par les mouvements sociaux du monde entier lors du Forum social mondial (FSM) de Belem en janvier a donc eu un écho de tout premier ordre. Ceux qui ont annoncé la fin du mouvement altermondialiste se sont trompés, celui-ci démontre qu’il est parfaitement capable de réussir de grandes mobilisations. En France, les 29 janvier et 19 mars derniers, les salariés, les sans-emplois, les jeunes ont affirmé avec force qu’ils veulent d’autres solutions à la crise que celles qui consistent à sauver les banquiers et à obliger ceux d’en bas à se serrer une fois de plus la ceinture.
En contrepoint du G20, le président de l’Assemblée générale des Nations unies, Miguel d’Escoto, a convoqué une réunion générale des chefs d’Etat pour le mois de juin et a demandé à l’économiste Joseph Stiglitz de présider une commission qui fera des propositions pour répondre à la crise globale. Selon certains documents préparatoires, les solutions proposées sont inappropriées, mais elles auront le mérite d’être soumises à la discussion de l’Assemblée générale des Nations unies. Pourquoi la presse fait-elle le silence autour de cette démarche ? Pourquoi le quotidien Le Monde participe-t-il à une campagne de discrédit international à l’encontre de Miguel d’Escoto qui a eu le courage de saluer l’importance du FSM de Belem, qui a pris activement parti pour la défense du peuple palestinien et s’est prononcé contre toute attaque contre l’Iran sous prétexte de mettre fin à son programme nucléaire ? Poser la question, c’est y répondre.
Une nouvelle crise de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
est en préparation au Sud, elle est la conséquence de l’explosion de la bulle de la dette privée immobilière au Nord. La crise qui touche aujourd’hui l’économie réelle de tous les pays du Nord a provoqué une chute des prix des matières premières, ce qui a réduit les recettes en devises avec lesquelles les gouvernements des pays du Sud remboursent leur dette publique externe. De plus, le « credit crunch » a provoqué une hausse du coût des emprunts des pays du Sud. Ces deux facteurs provoquent déjà des suspensions de remboursement de la dette de la part des gouvernements des pays les plus exposés à la crise (à commencer par l’Equateur). D’autres suivront.
La situation est absurde : les pays du Sud sont des prêteurs nets à l’égard du Nord, à commencer par les Etats-Unis qui ont une dette extérieure totale de plus de 6 000 milliards de dollars (le double de la dette externe des pays du Sud). Les banques centrales des pays du Sud achètent des bons du Trésor des Etats-Unis. Ils devraient au contraire former ensemble une banque du Sud démocratique afin de financer des projets de développement humain. Ils devraient quitter la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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et le FMI qui sont des instruments de domination. Ils devraient développer des relations de solidarités Sud-Sud comme le font les pays membres de l’ALBA (Venezuela, Cuba, Bolivie, Nicaragua, Honduras, Dominique). Ils devraient réaliser un audit des dettes qu’on leur réclame et mettre fin au paiement des dettes illégitimes.
Le G20 va veiller à préserver l’essentiel de la logique néolibérale : il est déterminé à rétablir la sacro-sainte croissance, dont le contenu n’est jamais interrogé, et à « résister au protectionnisme ». Les principes erronés sont de nouveau martelés : le G20 réaffirme son attachement à « une économie mondiale ouverte basée sur les principes de marché », donc son soutien au dieu marché n’est pas négociable. Le reste n’est qu’illusion.
Damien Millet est porte-parole du CADTM France (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde
Eric Toussaint est président du CADTM Belgique. Ils sont auteurs du livre 60 Questions 60 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, CADTM/Syllepse, novembre 2008.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
23 décembre 2021, par Eric Toussaint
23 décembre 2021, par Eric Toussaint
14 décembre 2021, par Eric Toussaint
Appel
Pourquoi annuler les créances détenues par la Banque centrale européenne sur les pays de la zone euro ?7 décembre 2021, par Eric Toussaint , Sonia Mitralias , CADTM Europe , Paul Murphy , Miguel Urbán Crespo , Andrej Hunko , Cristina Quintavalla , Manon Aubry , Leïla Chaibi
29 novembre 2021, par Eric Toussaint
22 novembre 2021, par Eric Toussaint
14 novembre 2021, par Eric Toussaint
8 novembre 2021, par Eric Toussaint
2 novembre 2021, par Eric Toussaint
26 octobre 2021, par Eric Toussaint , Frank Prouhet , Aude Martenot , Eliane Mandine
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professeur de mathématiques en classes préparatoires scientifiques à Orléans, porte-parole du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), auteur de L’Afrique sans dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec Frédéric Chauvreau des bandes dessinées Dette odieuse (CADTM-Syllepse, 2006) et Le système Dette (CADTM-Syllepse, 2009), co-auteur avec Eric Toussaint du livre Les tsunamis de la dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec François Mauger de La Jamaïque dans l’étau du FMI (L’esprit frappeur, 2004).
7 juillet 2009, par Eric Toussaint , Damien Millet
23 juin 2009, par Damien Millet , Renaud Vivien
A l’heure de l’élection au parlement européen
Agir pour éradiquer le capitalisme et toutes les formes d’oppression6 juin 2009, par Eric Toussaint , Damien Millet
24 avril 2009, par Eric Toussaint , Damien Millet
22 février 2009, par Eric Toussaint , Damien Millet
23 janvier 2009, par Damien Millet , Frédéric Chauvreau
3 décembre 2008, par Eric Toussaint , Damien Millet
20 novembre 2008, par Eric Toussaint , Damien Millet
12 novembre 2008, par Eric Toussaint , Damien Millet
21 octobre 2008, par Eric Toussaint , Damien Millet
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