11 juin par CADTM International , Liz Ferrer , Eula Dela Sierra (Sumpai Mindanao)
Le 2 juin 2025, des personnes venues de toute l’Asie et d’ailleurs se sont réunies à l’Université des Philippines à Manille pour un forum public percutant intitulé « Chaînes de la dette et vies déplacées : faire face à l’héritage des institutions financières dans les pays du Sud », organisé par l’Institut international de recherche et d’éducation (IIRE) de Manille en collaboration avec divers groupes universitaires et de la société civile, à savoir le Centre d’études sur le développement intégratif de l’Université des Philippines, le programme sur le développement alternatif (UP CIDS AltDev), le département de géographie de l’UP, Focus on the Global South, le Centre pour la défense des migrants, le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), Sumpay Mindanao, le Centre de ressources et de services Kaagapay OFW, le Mouvement des peuples asiatiques sur la dette et le développement (APMMD) et la Coalition pour la libération de la dette (Freedom From Debt Coalition).
Eric Toussaint, du CADTM, a introduit le forum par un discours sans concession : pendant des décennies, le Fonds monétaire international
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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(FMI) et la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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ont soutenu des dictatures, imposé des réformes néolibérales sévères et contraint les pays à entrer dans des cycles d’endettement qui profitent aux élites tandis que les communautés souffrent. Il a expliqué comment leurs politiques ont conduit à une pauvreté généralisée, à l’effondrement des services publics, à la destruction des écosystèmes et à la migration massive de travailleurs, souvent dans des conditions dangereuses et abusives. La position du CADTM était claire : ces institutions ne sont pas défaillantes, elles ont été conçues ainsi. Il est temps de les remplacer par de nouvelles institutions financières multilatérales et démocratiques, centrées sur la satisfaction des droits humains et fondés sur la justice, l’équité et la durabilité.
Les interventions qui ont suivi ont ancré cette critique dans la réalité vécue. Mae Buenaventura, de l’APMMD, a expliqué que la crise de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
en Asie du Sud ne se résume pas à des chiffres sur une feuille de calcul, mais qu’il s’agit d’une question de survie. De la pandémie aux catastrophes climatiques en passant par l’inflation
Inflation
Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.
, les populations subissent de plein fouet des crises qui se chevauchent, tandis que les gouvernements croulent sous le poids du remboursement de la dette qui ne cesse d’augmenter. Rien qu’en 2023, les paiements d’intérêts dans la région ont bondi de 62 %, grignotant les budgets déjà limités consacrés à la santé, à l’éducation et aux services de base.
Tout au long du forum, les intervenants des Philippines, du Bangladesh, du Pakistan et d’Inde ont fait prendre conscience à l’ensemble des participant-es des dommages causés : Rovik Obanil, de la Freedom from Debt Coalition, a retracé comment la spirale de la dette des Philippines a commencé sous Marcos et se poursuit aujourd’hui à travers la privatisation et les impôts régressifs. L’avocate Tahrin Jerin, du Bangladesh, a dénoncé le fait que les emprunts sont contractés sans le consentement du public, poussant les femmes à accepter des emplois précaires à l’étranger. Aminah Waheed, du Pakistan a souligné comment les coupes imposées par le FMI ont alimenté l’accaparement des terres, les déplacements de population et la pauvreté. Sushovan Dhar, du CADTM Inde, a averti que même les forces progressistes hésitent à remettre en question le modèle de développement axé sur la dette.
Depuis les Philippines, le Dr Ed Tadem a dénoncé la politique unique du pays d’« appropriation automatique de la dette », qui donne la priorité au remboursement de la dette plutôt qu’aux besoins de la population, et a proposé des alternatives telles qu’un impôt sur la fortune. Irynn Abano, du Center for Migrant Advocacy, a rappelé à tous et toutes que la politique d’exportation de main-d’œuvre des Philippines remonte à l’ère Marcos et que le fait de compter sur les transferts de fonds des travailleurs philippins à l’étranger pour soutenir l’économie se fait au prix de la séparation des familles, de l’insécurité et de l’injustice.
Mais tout n’était pas que critique : il a également été question d’alternatives locales pour libérer les petites communautés du joug de la dette. Bianca Martinez de Focus on the Global South a mis en avant des alternatives locales déjà mises en pratique : conservation des semences par les communautés, agroécologie, systèmes de prêts autogérés et projets de souveraineté alimentaire.
Ce sont là des preuves vivantes qu’une autre voie est possible, fondée sur la solidarité, la solidarité et l’autodétermination.
Tout au long du forum, un message est ressorti clairement : la dette n’est pas seulement une question financière, c’est une chaîne qui lie les communautés, déracine les vies et aggrave les inégalités ; la dette, la migration et les inégalités sont des questions politiques qui ne doivent pas être oubliées ; et la dette est devenue un outil de domination. Mais grâce à l’action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
collective, au courage de dire la vérité et aux alternatives proposées par les populations, il existe des moyens de s’en libérer.
Le forum s’est terminé non seulement sur un sentiment d’indignation, mais aussi sur un nouvel appel à l’action : résister, imaginer et construire un monde où personne n’est pris au piège de la dette, contraint de migrer et de mourir pour survivre.
6 novembre, par CADTM International , Zohran Mamdani
16 juin, par CADTM International
24 avril, par CADTM International , Collectif , L’Humanité
7 mars, par CADTM International
28 novembre 2024, par CADTM International
30 octobre 2024, par CADTM International , Maxime Perriot
28 octobre 2024, par CADTM International , Collectif , TANY , CRAAD-OI
23 octobre 2024, par CADTM International , Collectif
21 octobre 2024, par CADTM International , Sushovan Dhar , Omar Aziki , Broulaye Bagayoko , Maxime Perriot , Veronica Carrillo Ortega
10 octobre 2024, par CADTM International , Pablo Laixhay