Le gouvernement De Wever étudie la possibilité de céder 20 à 30 % de sa participation dans le bancassureur Belfius afin de renforcer le budget de la défense.
21 octobre par CADTM , Fairfin , Michel Gevers , CNE , GERFA , Financité , ATTAC

Copyleft, CC, Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dexia_Bank_wordt_Belfius.jpg
Imaginez que la Belgique dispose d’un outil de financement capable de financer des projets essentiels d’un point de vue économique, écologique et social : infrastructures, logements, énergie, production alimentaire… Imaginez que cet outil ait une capacité de prêt de 120 milliards d’euros, et qu’il alimente les budgets publics chaque année à hauteur de 400 millions d’euros.
Imaginez maintenant qu’un gouvernement décide, sans discussion ni concertation avec la population ou ses représentant.es, de le vendre. Comme ça, juste pour rentrer de l’argent dans les caisses, parce « qu’il faut financer la défense » et réduire la dette publique.
Est-ce qu’on ne se dirait pas « ils sont tombés sur la tête ? ». C’est pourtant cette folie que le Ministre des Finances Jan Jambon se propose de commettre avec la banque Belfius : priver les générations futures d’une manne financière appréciable dont elles auront tant besoin pour affronter les difficultés qui s’amoncellent, et détourner ces richesses communes pour participer à une course à l’armement. Ce serait un véritable vol vis-à-vis des générations futures. Sur le seul plan économique, si Albert Frère avait été le propriétaire de Belfius et Jan Jambon son conseiller financier, ce dernier se serait fait virer sur-le-champ s’il avait proposé une opération aussi stupide financièrement.
Belfius (« Bel » pour Belgique, « Fi » pour finance, « us » pour nous en anglais) appartient à tous les citoyens et citoyennes de Belgique. La banque a été achetée en 2011 par l’État belge suite à la faillite de Dexia, pour 4 milliards d’euros. Aujourd’hui, elle nous a déjà rapporté près de 3 milliards de dividendes, sa valeur comptable est évaluée à plus de 12 milliards, et elle nous appartient toujours à 100 %.
La dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique de la Belgique se situe à 660 milliards. Même si le gouvernement Arizona vendait la totalité de Belfius, il ne réduirait cette dette que de 1,8 %. Dans le même temps, cette vente priverait les budgets publics de plusieurs centaines de millions de dividendes par an. Pour s’en défendre, les protagonistes de cette vente affirment que, si on ne vendait « que » 20 % de la banque, l’État pourrait conserver le même dividende même en ne possédant plus que 80 % des actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
, mais n’est-ce pas nous faire croire au Père Noël ?
Le rôle d’un gouvernement est de prévoir et d’anticiper les besoins futurs, pas de faire une opération comptable vite fait aujourd’hui qui se paiera cher demain. Car les besoins, dans les prochaines années, sont immenses : dérèglements climatiques, logement, santé, pensions, lutte contre les inégalités, et bien d’autres dossiers vont devoir mobiliser des moyens financiers énormes qui ne seront plus disponibles si on vend les bijoux de famille. La banque est un service public.
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La banque est un rouage essentiel du fonctionnement de la société et de son économie. Elle octroie des prêts à celles et ceux qui veulent acheter un logement ou démarrer une entreprise, aux entreprises, aux communes et autres institutions collectives qui veulent investir. Elle est aussi un outil indispensable au quotidien : impossible d’obtenir un emploi, de percevoir un salaire ou des allocations, de faire des achats, d’accomplir d’innombrables gestes de la vie quotidienne si l’on n’a pas un compte et une carte bancaires.
La banque est donc avant tout un service public, qui doit donner à chacun et chacune les moyens de fonctionner au quotidien. Or le privé n’a pas vocation à gérer un service public ! En effet, le privé a déjà amplement démontré son incapacité à gérer une banque, comme en atteste la crise bancaire de 2008, qui a eu un impact énorme sur les finances de l’État et qui s’est traduite par une réduction massive des services publics. Le privé, c’est aussi la réduction spectaculaire de la notion de service, puisque l’ensemble des grandes sociétés privées se sont lancées dans une course effrénée vers la société zéro-services. Une descente aux enfers pour bon nombre de citoyen.nes.
On aurait pu penser que Belfius assurerait ce rôle de service public, offrant une véritable alternative, accessible à toutes et tous. Las, son CEO, Marc Raisière, a préféré courtiser les riches, en développant la gestion du patrimoine pour personnes fortunées. Au point qu’il s’est fait tancer par le ministre des Finances, qui a découvert que la qualité des services offerts par Belfius à ses clients était fonction de la richesse de leur portefeuille.
S’il faut donc s’opposer à la privatisation de tout ou partie de Belfius pour des raisons économiques, il faut surtout veiller à ce qu’elle devienne une banque au service du public, plutôt que de calquer sa stratégie sur celle de Fortis, ING et KBC, qui ont réduit voire supprimé la plupart des services à la population, utilisant chaque fois la formule magique :
Avec ces trois banques privées, Belfius s’est jointe au projet Batopin dont l’objectif est de réduire d’environ un tiers le nombre de distributeurs de billets en Belgique. À l’instar de ces trois grandes banques privées, Belfius a aussi réduit drastiquement le nombre de ses agences, qui sont passées de 818 en 2011 à 460 à la fin de 2024.
Le débat que nous ouvrons aujourd’hui sur l’avenir de Belfius exige de revoir les modes de gouvernance de la banque. Pour empêcher que la direction de Belfius ne se comporte comme n’importe quelle banque privée, le futur conseil d’administration doit comprendre des représentant.es de la population et de toutes les entités que la banque doit servir.
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Cela permettra notamment d’éviter les dérives que Belfius a connues, tel que le refus de financer des communes pour des raisons politiques. Grâce à cette nouvelle gouvernance, Belfius pourra mener une véritable politique bancaire au service de la population.
La vente de tout ou partie de Belfius n’a aucun sens du point de vue économique. Le gouvernement ne donne d’ailleurs aucun motif autre que de faire immédiatement rentrer deux milliards dans les caisses, en passant sous silence la perte sèche que cette vente représenterait pour les générations futures. Alors ouvrons un large débat sur l’avenir de Belfius, en vue de la transformer en une véritable banque publique et d’éviter qu’elle ne soit vendue à la va-vite, ce qui serait un vol presque parfait.
Source : Carte blanche de Michel Gevers pour Le Soir
Avec le soutien du GERFA, de Financité, du CADTM, de FairFin, de la CNE, d’ATTAC. L’auteur remercie vivement Aline Fares et Morgane Kubicki qui lui ont fourni de précieuses informations et des commentaires judicieux sur une première version de ce texte.
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