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Argentine : PATRIE OU DETTE, le seul créancier est le peuple !
par Asamblea por la Suspensión de Pagos e Investigación de la Deuda
29 octobre 2014

Le budget 2015 présenté par le pouvoir exécutif au Congrès national, déjà approuvé à titre préliminaire par la Chambre des députés, illustre parfaitement la hausse accélérée des ressources consacrées au paiement des intérêts de la dette et l’accroissement de l’endettement public lui-même. Le budget 2015 réduit les moyens affectés au social et à l’emploi, tout en augmentant (à hauteur de sommes équivalant à un « Hôpital du bicentenaire » par jour) ce qu’il prévoit de payer au service d’une dette illégitime et illégale. Dans le même temps, le gouvernement se hâte de faire passer des lois néfastes, comme celles des hydrocarbures, des semences et le nouveau code civil et commercial, et signe des conventions secrètes notamment avec Chevron et la Chine, cédant lâchement le patrimoine et les biens naturels de l’ensemble du peuple argentin et sa compétence judiciaire contre la vague promesse de devises pour payer la dette à court terme et la certitude d’aggraver l’endettement et les conditions à moyen et long termes.

L’Assemblée pour la suspension du paiement et l’audit de la dette en défense du patrimoine national et des biens communs (ci-après appelée l’Assemblée) rejette ces politiques d’ajustement et de pillage, tout en dénonçant le caractère illicite du paiement d’une dette reconnue majoritairement frauduleuse et arbitraire par la justice argentine. Au lieu de s’affairer à imposer au peuple argentin le rôle de « payeur en série » de sommes indues, nous réclamons du Congrès national et du gouvernement qu’ils suspendent tout paiement de la dette tant que ne sont établies sa légitimité et sa légalité.

L’Assemblée exige aussi le démarrage immédiat des activités de la Commission bicamérale permanente d’enquête sur l’origine et le suivi de la gestion du paiement de la dette extérieure de la nation, instituée le 10 septembre 2014 par la loi 26.984. Nous tenons à nous élever contre les premiers articles de la loi hypocritement dite « de paiement souverain » [1] qui commence, entre autres inepties, par déclarer comme d’« intérêt public » le paiement de la dette en grande partie condamnée par la justice argentine. Par ailleurs, la loi établit de nouvelles modalités pour le paiement de la dette. Enfin, elle prévoit la création d’une commission parlementaire visant à auditer les éventuelles irrégularités ayant marqué la dette argentine.

Il apparaît clairement que ni le Congrès (à quelques honorables exceptions près), ni le gouvernement n’a l’intention d’auditer intégralement la dette pourtant si difficile à rembourser. À l’instar de leurs prédécesseurs et depuis l’an 2000, le Congrès et le gouvernement persistent d’ailleurs à refuser systématiquement l’analyse de cette dette, désobéissant ainsi depuis plus de 14 ans au jugement toujours pleinement en vigueur et jamais défait du juge Ballestero [2]
dans le célèbre cas Olmos. Cette attitude permet au pouvoir judiciaire un niveau d’inaction et d’omission aussi grave que les décisions saugrenues du juge new-yorkais tant critiqué. Tels des rats dressés, les vautours, corbeaux et autres charognards vont donc nicher dans les tribunaux étrangers et nationaux.

Ces critiques étant faites, la décision de créer une Commission d’enquête parlementaire est considérée comme une reconnaissance dans le chef du pouvoir politique de l’impossibilité de continuer à nier et dissimuler le caractère illégitime et illégal de la dette. On ne peut persister à berner constamment la population sur des questions évidentes et centrales pour la défense de la patrie, la récupération de notre souveraineté et le respect des droits des êtres humains et de la nature.

Par conséquent et compte tenu du contexte, l’Assemblée revendique non seulement le lancement en bonne et due forme de la commission mais aussi que cette dernière se dote du pouvoir, des ressources et du personnel nécessaires et appropriés pour parvenir une fois pour toute à mettre en évidence la vérité concernant le système d’endettement public, consolider la mémoire publique à ce sujet et rendre justice.
La vérité, la mémoire et la justice font partie de la culture politique et du bon sens développés par notre peuple face au terrorisme d’Etat de la dictature passée. La vérité, la mémoire et la justice doivent aussi être établies face à l’inféodation économique découlant de l’endettement et du pillage des biens communs, le revers indissociable de ce terrorisme dictatorial. La Commission d’enquête parlementaire se doit donc d’inscrire son action dans cette perspective.
La Commission doit prendre pour point de départ les 477 irrégularités reconnues par le juge Ballestero, ainsi que les preuves accumulées lors des nombreuses enquêtes judiciaires argentines postérieures.
L’enquête de la Commission devra porter sur l’ensemble de la dette publique : la dette intérieure comme la dette extérieure, celle de l’État national, comme celles des provinces et des municipalités, celle de l’État à proprement parler ainsi que la dette contingente. Il faudra aussi qu’elle applique une définition large et intégrale du concept d’« irrégularités », englobant les divers domaines du droit – notamment le droit national, régional et international, les droits humains, le droit du travail, le droit environnemental – ainsi que les critères d’illégitimité qui s’appuient sur l’étique, l’expérience et la pratique populaires accumulées au cours des dernières décennies, en particulier par les mouvements du Sud, pour se libérer du joug colonial du système de la dette.

L’Assemblée dénonce la clause de confidentialité infondée et contraire au droit citoyen à l’information comprise dans le texte de la loi 26.984 du 10 septembre 2014. Nous réclamons la transparence totale et la diffusion de toutes les actions de la Commission d’enquête, ainsi que la condamnation pénale et civile des responsables de l’apparition, du paiement et de l’encaissement d’une dette illégitime, et non de ceux qui les dénoncent.

L’Assemblée réclame également la participation sociale et citoyenne nécessaire à l’enquête de la Commission et à l’élaboration de ses conclusions. Pour garantir sa légitimité et la force de ses résultats, la Commission devra chercher, recevoir et écouter les témoignages et contributions des divers secteurs de la population et des différentes régions du pays dont les droits ont été violés des suites du système d’endettement : entre autres les travailleurs, les sans-emploi, les retraités et pensionnés, les femmes, les peuples indigènes, les paysans, les jeunes, les personnes vivant en rue ou sans accès à un logement digne, les communautés affectées par les activités minières ou agro-industrielles, les gros barrages, la fracturation hydraulique, la surpêche, la spéculation immobilière urbaine et rurale et les autres projets de grande ampleur étroitement liés au système d’endettement et de pillage. Le bien-vivre de ce peuple, unique créancier légitime des dettes sociales, écologiques, économiques, historiques et démocratiques, doit constituer le cadre de valeurs et l’approche conceptuelle et méthodologique de la Commission d’enquête créée par le Congrès ainsi que son objectif principal.

L’Assemblée contribuera au travail de la Commission d’enquête parlementaire en partageant les résultats d’années de recherche, d’analyse, de dénonciation et de mobilisation découlant toujours des coûts énormes que l’endettement public continue de générer pour le peuple argentin, son patrimoine et ses biens naturels.

L’Assemblée s’engage en outre à suivre l’action de la Commission, se réservant le droit d’adopter les stratégies pertinentes afin que cette opportunité historique ne soit ni manquée, ni manipulée. Nous continuerons aussi d’appeler le peuple, unique véritable créancier, à débattre largement des causes, conséquences et alternatives à cet authentique système de domination et de pillage à perpétuité, à se mobiliser en vue de ne pas payer les sommes indues, de sanctionner les responsables des crimes et violations commis au travers du système d’endettement et de pouvoir récupérer et compenser les sommes payées indûment.

SOUTENIR SA PATRIE, C’EST REFUSER DE PAYER UNE DETTE ILLÉGITIME !
SUSPENSION DU PAIEMENT ET AUDIT INTÉGRAL DE LA DETTE !
DÉFENSE DU PATRIMOINE NATIONAL ET DES BIENS COMMUNS !
LE SEUL CRÉANCIER EST LE PEUPLE !

Buenos Aires, 14 octobre 2014
Traduction : Sarah Weber et Éric Toussaint

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Asamblea por la Suspensión de Pagos e Investigación de la Deuda y por la Defensa del Patrimonio Nacional y los Bienes Comunes
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Notes :

[1Voir loi 26.984 et déclaration antérieure de l’Assemblée à son sujet. Assemblée pour la suspension du paiement et l’audit de la dette en défense du patrimoine national et des biens communs
asambleadeudaybienescomunes chez gmail.com
http://asambleadeudaybienescomunes.wordpress.com/

[2Il s’agit du juge qui a rendu le jugement dit Sentencia Olmos du nom du journaliste argentin qui a porté plainte contre l’accroissement considérable de la dette pendant la période de la dernière dictature militaire (1976-1983). Ce jugement du 13 juillet 2000 démontre clairement le caractère illégal de la dette argentine.

Asamblea por la Suspensión de Pagos e Investigación de la Deuda