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Synthèse du 13e Séminaire international du CADTM sur la dette et les droits humains « Que peuvent faire les États pour stopper les fonds vautours ? »
Les vautours, les requins, les loups et les licornes*
par Claude Quémar
4 novembre 2014

Commençons notre fable par les prédateurs.
Ceux dont il a été le plus question sont bien sûr les vautours, même si dans la nature ces animaux ont une véritable utilité.Les vautours dont il a été question ici ont eux une fonction néfaste. Ils utilisent le droit pour aller à l’encontre de la justice sociale, afin de s’accorder à eux-mêmes un avantage illégitime. Ce qui renvoie au débat que connaissent bien les mouvements sociaux. Je pense à l’exemple du droit des étrangers, entre ce qui est légal et ce qui est légitime.

Mais ils ne sont pas les seuls prédateurs dans cette fable, il a été également question de requins, c’est à dire les banques et leurs actions contre les peuples, en particulier en Grèce et en Argentine. À tel point que la question a été posée de savoir si ces banques n’étaient pas, elles, souveraines, aujourd’hui dans le monde. Et toujours en référence à la tapisserie derrière moi, elles se sont construit leur propre monde, qu’elles appellent ’paradis fiscaux’.

Enfin, les loups sont les trois composantes de la Troïka qui s’acharnent contre les peuples du Sud de l’Europe. Mais je voudrais faire un sort particulier à la meute qui s’appelle ’Club de Paris’. Comment appeler autrement cette structure, autoproclamée, qui ignore aujourd’hui ce qui se passe en Guinée, au Sierra Leone et au Liberia, avec l’épidémie d’Ebola.

Souvenons nous du tsunami qui avait touché l’Asie du Sud-est. À l’époque, le Club de Paris avait fait semblant de parler d’annulation de la dette de ces pays, avant de finalement se contenter, une fois les médias éloignés, d’un simple moratoire pour deux pays. Aujourd’hui pas un mot pour ces trois pays touchés par l’épidémie d’Ebola dont le développement est directement lié à l’état de délabrement dans lequel leurs politiques ont laissé ces États. Leurs dettes doivent être immédiatement annulées et les ressources dégagées doivent être consacrées à la reconstruction d’un service de santé, d’un urbanisme permettant de répondre à l’urgence de la situation. La France doit cesser de gérer avec la Guinée le C2D (Contrat désendettement développement) et annuler tout simplement ses créances.

Après la dénonciation de ces prédateurs, notre journée a traité des possibles pour une autre fable. Lors de son introduction de ce matin, la sénatrice Olga Zrihen a utilisé l’expression ’Nous posons des actes’. Oui, élus, juristes, associations, ont cette responsabilité de poser des actes à tous les niveaux, national, européen, multilatéral... pour mettre le droit au service des peuples et non du capitalisme. Nous sommes au treizième séminaire de droit du CADTM et nous savons bien que le droit est un terrain de luttes que nous devons occuper pour armer les licornes, c’est à dire les peuples.

Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que notre première arme vis à vis de la dette est l’audit. Vous connaissez déjà la place que l’audit prend dans notre démarche de mobilisation.

Mais il a été rappelé ici-même qu’une des armes essentielles pour construire une véritable démocratie sociale est la transparence. Tout ce qui a des conséquences sur les conditions de vie des peuples doit être transparent pour ces mêmes peuples. Nous ne saurions donc accepter quelque clause de confidentialité que ce soit.

Tout ce que nous avons analysé et dénoncé aujourd’hui fait système et c’est à ce système que les mouvements sociaux que nous sommes s’affrontent. Il est de notre responsabilité non de raconter une fable mais de construire notre histoire commune.

Notre responsabilité est de soutenir les mobilisations en Grèce, en Argentine, en Équateur, au Sierra Leone, au Liberia, en Guinée, en Haïti. Nous devons soutenir le droit des peuples à poser des actes souverains unilatéraux. Face à ce système, nous exigeons le droit, légitime, à la désobéissance. Et c’est pourquoi j’ai décidé que l’animal en haut à droite de la tapisserie était une licorne, parce que les licornes ont une corne et qu’elles savent s’en servir...


*Pour comprendre ce titre il vaut mieux connaître la tapisserie de la salle de la maison des parlementaires où se tenait le séminaire.

Claude Quémar

est membre du CADTM France