printer printer Cliquer sur l'icône verte à droite
Compte rendu de la première journée de formation interne du réseau CADTM – Partie 2/2
par Chiara Filoni
31 mars 2015

La matinée du 24 mars s’est conclue avec une discussion sur la situation politique en Inde et au Pakistan. Comme nous l’ont témoigné les deux représentants du CADTM Asie, le chantage de la dette et les politiques néolibérales imposées par les créanciers et leurs gouvernements complices sont criants dans ces deux pays.

Le Pakistan : le fardeau de la dette illégitime et des politiques dictées par le créanciers

Le Pakistan est dans la liste des pays les plus endettés parmi les 27 économies dites « émergentes ». La taille de l’économie pakistanaise est d’environ 234 milliards d’euros (26 trillion de roupies), tandis qu’environ 72 milliards d’euros (8 trillion de roupies) sont réservés au remboursement de la dette, c’est-à-dire plus de 30% de son PIB annuel.

Le pourcentage de la dette sur le PIB est de 63% et le rapport entre revenus annuels et payement de la dette atteint 47%, ce qui laisse seulement un peu plus de la moitié du budget de l’État pour d’autres dépenses.

Le pourcentage de la dette sur le PIB est de 63% et le rapport entre revenus annuels et payement de la dette atteint 47%, ce qui laisse seulement un peu plus de la moitié du budget de l’État pour d’autres dépenses.

Depuis l’année 2007, la dette pakistanaise n’a pas cessé d’augmenter ainsi que les prêts depuis l’étranger. Au début de 2007, chaque pakistanais.e possédait environ 337 euros de dette (37.170 roupies), tandis que ce montant est passé à plus de 825 euros en octobre 2012 (90.772 roupies).

En septembre 2013, le Fond monétaire international a octroyé le dernier prêt de « sauvetage » grâce à son organisme de prêt Extended Fund Facilitiy. En échange de ce prêt (6 milliards d’euros) le FMI demande des strictes mesures d’austérité qui sont en train de dévaster les conditions de vie de travailleur..se.s qui vivaient déjà dans des conditions de privation (58% de la population vit dans l’insécurité alimentaire).

Parmi les mesures fiscales recommandées, nous retrouvons : l’augmentation de la taxation, l’élimination de subsides tarifaires et la privatisation d’entreprises du secteur public. Des coupes dans les dépenses sont aussi prévues dans le but de faire passer le déficit fiscale de 8.8 % du PIB à 6,3%. La cible immédiate de ces coupes dans les subsides concerne l’électricité. Le gouvernement a en effet convenu l’augmentation des prix de l’électricité pour l’usage domestique et la « rationalisation » (c’est-à-dire une taxation supplémentaire) pour les prix du gaz. En ce qui concerne les privatisations, le gouvernement sélectionnera 30 entreprises publiques à privatiser qui vont s’ajouter aux 35 autres déjà choisies. Le résultat de cette décision provoquera le licenciement d’1,2 millions de personnes. L’augmentation de la taxation sera progressive : le gouvernement a décidé d’élever le niveau de la taxation de 9,7 % à 15% pour 2018.

Parmi ces mesures, nous retrouvons également la dévaluation de la roupie pakistanaise qui sera figée à une moyenne de 110 roupies par dollar états-uniens (aujourd’hui 1 dollar équivaut à environ 101-102 roupies). In fine, ce programme signé par le gouvernement pakistanais et le FMI, a imposé au Pakistan de s’approvisionner en devises étrangères durant l’année 2013-2014, ce qui a impliqué un accord avec un consortium de 4 banques domestiques et internationales pour emprunter 625 millions en devise américaine. L’accord provoquera une augmentation importante de la dette du pays tandis que les banques continueront à bénéficier de ces types d’accords.

Mais quel est l’impact social et économique de cet endettement ?

La dette au Pakistan constitue un véritable fardeau pour son budget public. Le Pakistan dépense respectivement 2% de son budget dans le secteur de l’éducation et 2,6% pour la santé (il s’agit du pourcentage le plus bas parmi tous les pays du Sud-est asiatique). 5,5 millions d’enfants n’ont pas accès à l’éducation. Des milliers d’enfants et de mères meurent chaque jour à cause du manque de structures sanitaires et médicales. Plus de 49,4% de la population vit sous le seuil de pauvreté tandis que, comme décrit ci-dessus, la quasi moité du budget de l’État est destiné au remboursement d’une dette pour laquelle la population n’a pas bénéficié.

Or, la dette contractée par les dictateurs pakistanais représente la majorité de la dette actuelle du pays.

Pendant des années, en effet, le Pakistan a été gouverné par des régimes dictatoriaux avec le soutien politique et financier des puissances occidentales. Or, la dette contractée par les dictateurs pakistanais représente la majorité de la dette actuelle du pays. Selon Abdul Khaliq, président du CADTM Pakistan, environ 50% de la dette pakistanaise est illégitime et détruit non seulement l’économie du pays mais aussi les droits sociaux et économiques de sa population.

L’Inde : la précarisation des conditions de vie dictée par les créanciers

Le FMI parle souvent du miracle de la croissance indienne, dont le taux s’élèverait autour de 7%. Toutefois, comme nous le précise Sushovan Dhar, membre du CADTM Inde, beaucoup de choses se cachent derrière ce prétendu miracle.

Tout d’abord, les bénéfices de cette expansion économique ne vont qu’à un secteur limité de la population, tandis que la grande partie est victime de cette croissance néolibérale.

les bénéfices de cette expansion économique ne vont qu’à un secteur limité de la population, tandis que la grande partie est victime de cette croissance néolibérale.

Le marché du travail est avant tout informel et se caractérise par une grande précarisation. 93,5% de la population active est employée dans le secteur informel et 5% des 6,5% restant sont des sous-traitant.e.s. Le salaire de ces sous-traitant.e.s n’atteint que 25% du salaire d’un travailleur.se avec un contrat régulier.

Un exemple emblématique est constitué par les plantations de thé, un secteur considéré en Inde comme « régularisé ». Ce secteur dit prévoit un salaire de 2 dollars par jour, sans congés payés et sans salaire si le travailleur se trouve dans l’impossibilité de se rendre au travail.

Le salaire minimum s’applique à un très grosse minorité de la population.

Il y a également une importante féminisation de la pauvreté et de la précarité. Même si l’égalité de salaire entre homme et femme est formellement établie par la loi, la différence de salaire reste énorme dans les faits et les emplois moins qualifiés sont destinés aux femmes.

La dette représente 22% du PIB. La balance commerciale du pays s’est dégradée suite à la chute du cours du pétrole, ce qui a impliqué, en Inde comme au Pakistan et dans beaucoup d’autres pays, l’application de mesures d’austérité. La protection sociale a diminué toujours plus alors que l’État continue à subventionner les secteurs les plus riches au nom de la protection des affaires.

Pour toutes ces raisons, le Pakistan et l’Inde devraient arrêter d’emprunter pour payer leur dette : une annulation de la dette injuste et non payable est tout à fait justifiée. Cet objectif pourra être atteint à travers un audit public des finances du pays qui permettra de détecter les dette odieuses et illégitimes. Une taxation juste et progressive est également nécessaire pour permettre de libérer des ressources supplémentaires au bénéfice des dépenses sociales et de la diminution du déficit budgétaire.


Chiara Filoni

CADTM Belgique