printer printer Cliquer sur l'icône verte à droite
Rencontre à Athènes entre Eva Joly, Zoé Konstantopoulou et Éric Toussaint
par Pierre Gottiniaux , Parlement Hellénique
12 juin 2015

Ancienne juge d’instruction française et actuelle députée européenne du parti Europe Écologie Les Verts (EELV), Mme Eva Joly, connue pour sa contribution à la lutte contre la corruption, a été accueillie jeudi 11 juin par la présidente du Parlement hellénique, Zoé Konstantopoulou, et les membres de la Commission pour la Vérité sur la Dette Grecque.

Mme Joly a été informé de l’état d’avancement des travaux de la Commission, dont les résultats préliminaires seront publiés le 18 juin. Ont également été discutés les moyens à mettre en œuvre pour lutter efficacement contre la corruption, et des cas concrets ont été évoqués tels que celui de la liste Lagarde.

« Nous avons le grand honneur et la grande joie de recevoir Madame Eva Joly, un symbole de la lutte contre le crime économique en France, en particulier à l’occasion des affaires Tapie et Elf. Depuis 2009, Mme Joly est eurodéputée des Verts et elle est très active dans la lutte contre l’évasion fiscale et la grande criminalité économique. Elle jouit d’une reconnaissance incontestée et a été candidate à la présidence de la République en France », a déclaré Zoé Konstantopoulou lors de la conférence de presse tenue à la suite de la réunion. La Présidente du Parlement grec a introduit la conférence en insistant sur quelques éléments essentiels à ses yeux :

« Il est particulièrement important pour nous de recevoir aujourd’hui Mme Joly et de pouvoir profiter de son expérience, de son expertise et de son implication active dans les domaines liés à la corruption à grande échelle observée au niveau européen, et dont ont été victimes la Grèce et le peuple grec. »

« Nous avons eu l’occasion de discuter avec Mme Joly de la possibilité d’une lutte efficace contre la corruption, responsable d’une grande partie de l’accumulation de la dette publique grecque, et je pense qu’il est très prometteur que les parlementaires impliqués, ainsi que les députés, les différents parlements et les commissions compétentes dans ce domaine travaillent en collaboration étroite à la restauration des injustices perpétrées au cours des dernières décennies en Europe et en particulier au cours des 5 dernières années dans notre pays. ».

Pour sa part, Mme Joly a affirmé son soutien au Premier Ministre grec Alexis Tsipras, soulignant qu’il « ne doit pas succomber aux exigences qui ne demanderaient que plus de sacrifices et de souffrances au peuple grec ».

« La Grèce a besoin de mesures de relance qui redonneront confiance et foi en l’avenir au peuple grec. Aujourd’hui, il y a un sentiment d’injustice, et une façon efficace d’augmenter les revenus du gouvernement serait de commencer par faire payer les multinationales opérant en Grèce touchées par le scandale Lux Leaks », a ajouté Mme Joly, faisant référence au scandale des 330 entreprises qui ont bénéficié de conditions fiscales extrêmement favorables, leurs permettant de payer des impôts minimes.

La députée européenne a ensuite évoqué les facteurs qui, selon elle, expliquent la situation économique actuelle en Grèce, tels que les dispositions fiscales introduites par les précédents gouvernements qui ont privé l’État grec de plusieurs milliards d’euros de revenus d’imposition. Elle a également cité les avantages dont certaines entreprises grecques, allemandes et américaines ont bénéficié. « Pour remédier à cette injustice et cesser de toujours blâmer le peuple grec, nous devons nous concentrer sur l’action des multinationales, leur structure et les raisons pour lesquelles elles bénéficient de ces mécanismes. Et cela concerne l’Union Européenne. »

Le coordinateur scientifique de la Commission pour la Vérité sur la Dette Grecque, le Dr Éric Toussaint, a annoncé que la Commission est en possession d’un document du FMI datant de mars 2010, dans lequel sont détaillées les réformes à appliquer en Grèce. « Nous avons un document de mars 2010 émanant du FMI, qui décrit en détail les mesures qui devaient être incluses dans le mémorandum de 2010. Il s’agit d’un projet de programme particulièrement détaillé, qui n’a pas été présenté aux parlements des 14 pays de l’Union Européenne qui ont prêté de l’argent à la Grèce [dans le cadre du premier « sauvetage » de 2010], ni au Parlement grec. L’accord de mai 2010 a finalement été conclu en violation de la Constitution grecque », a déclaré Mr Toussaint.

« Dans notre travail, nous allons également démontrer que la manière dont la restructuration de la dette grecque a été menée en 2010 a été absolument néfaste car elle a sacrifié les caisses de retraite grecque ainsi que les citoyens grecs qui détenaient des obligations d’État. Par exemple, certains employés qui avaient reçu des obligations du gouvernement après leur licenciement, ont subi le « haircut » (c’est-à-dire une perte) de plus de 50%, sans qu’aucune mesure compensatoire ne soit prévue. Ils n’avaient pas décidé de leur propre gré d’acquérir ces obligations d’État et ils ne sont en aucune façon à blâmer pour la situation actuelle. Et pendant ce temps-là, les grandes banques privées qui ont participé au « haircut » ont reçu 30 milliards d’euros à titre de compensation, qui sont venus s’ajouter à la dette grecque », a déclaré Mr Toussaint.


Pierre Gottiniaux

Permanent au CADTM Belgique

Parlement Hellénique