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Slovénie
Un pas en avant vers le lancement d’un audit citoyen de la dette
Conférences d’Eric Toussaint les 16 et 17 septembre 2015
par Lucien Perpette
19 septembre 2015

Rappelons que la Slovénie s’est séparée de la Yougoslavie et a obtenu son indépendance le 25 juin 1991. Elle compte deux millions d’habitants, est membre de l’Union européenne depuis le 1er mai 2004 et a rejoint la zone euro, puis l’espace Schengen en 2007.

Le mercredi 16 septembre Eric Toussaint a donné une conférence devant 100 personnes (dont une majorité de jeunes) dans la capitale slovène, Liubljana. Cette conférence était soutenue par les deux principales confédérations syndicales de Slovénie. Les présidents des deux syndicats, Dušan Semolič pour le ZSSS [1] et Branimir Štrukelj pour le SVIZ [2] sont intervenus pour souligner les conséquences sociales dommageables des paiements des échéances de la dette slovène et du besoin de trouver une réplique à opposer à ces impositions. La séance était présidée par Miha Andric, membre de l’Institut d’étude du travail à Ljubljana (Institut za Delavske Studije).

Madame Maja Breznik, sociologue et spécialiste de l’histoire culturelle fut l’âme de l’organisation de la rencontre. Maja Breznik a en outre préfacé l’édition en slovène d’un ouvrage qu’Eric Toussaint a écrit avec Damien Millet (AAA, Audit, Annulation, Alternative, paru aux éditions Sofia en 2014 : http://www.zalozba-sophia.si/katalog/2014/aaa). Elle vient de publier avec Rastko Mocnik aux éditions CF, un livre collectif intitulé La dette publique : Qui doit a qui. Il porte sur la dette en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Argentine, en France et en Slovénie. Dans son intervention, elle souligna les aspects néfastes de l’endettement slovène. Elle fut suivie en cela par Sašo Furlan, auteur marxiste de l’Institut d’études du travail (Institut za delavske studije) [3] et par Franček Drenovec [4], économiste, conférencier, auteur d’ouvrages sur la crise financière. Sašo Furlan a présenté une analyse succincte du développement du surendettement du secteur privé dans la période 2004-2008 et de l’endettement du secteur public dans la période suivante à travers la recapitalisation des banques privées.

Eric Toussaint a eu l’occasion de développer les vues du CADTM sur les relations de domination Centre/Périphérie dans l’Union européenne, sur l’offensive généralisée entreprise à l’échelle du continent européen par le patronat des grandes entreprises, les gouvernements nationaux et les institutions européennes. Il a montré que la dette publique est utilisée comme un des prétextes principaux pour mener cette offensive. Ensuite il s’est concentré sur l’explication de l’endettement en Grèce. Il a mis en évidence la façon dont le premier ministre grec Alexis Tsipras s’est piégé lui-même en ne suspendant pas le paiement de la dette en février 2015. Dans cette situation, la Troïka a pu maintenir ses exigences. En fin de compte, et bien que 62 % des électeurs les aient refusées lors d’un référendum réalisé le 5 juillet 2015, les conditions des créanciers ont été imposées à cette majorité populaire.

Le débat qui suivit mis en évidence les nombreuses interrogations et objections à la politique qui consiste à respecter les exigences de la dette et les conséquences qui en découlent. Cette attitude explique notamment le lourd programme de privatisations entrepris par l’actuel gouvernement slovène du premier ministre Cerar qui dans sa campagne électorale avait promis la fin de la corruption ainsi que la plus grande clarté dans la gestion des affaires publiques. On en est loin et dans la situation actuelle, nul ne sait précisément ce qui justifie l’endettement slovène et ses actuelles conséquences.

Salle comble à Ljubjana pour la proposition de lancement d’un audit citoyen de la dette.

On a pu noter la présence dans la salle de parlementaires du parti socialiste ((Socialni demokrati), Jan Škoberne et de Janko Veber (ancien ministre de la défense) ainsi que celle du jeune leader charismatique de la Gauche unitaire, Luka Mesec [5]. Etait également présent Uroš Prikl (Desus) qui préside la commission parlementaire sur les affaires sociales. Le public était nombreux et en majorité composé de jeunes. Cette frange de la population est particulièrement victime de la politique néo-libérale menée par les différents gouvernements slovènes qui se sont succédés depuis l’accession de la Slovénie à l’indépendance. Cette situation de la jeunesse et la crise sociale que traverse la Slovénie mettent en évidence la nécessité d’y voir clair et de savoir ce qui prétexte la politique d’austérité actuelle.

Il a donc été projeté d’organiser à Ljubljana au cours de l’année 2016 un atelier qui examinera les problèmes posés par l’endettement du pays. Eric Toussaint a indiqué que le CADTM pourrait participer à cet atelier auquel toutes les bonnes volontés seront conviées.

Le lendemain, jeudi 17 septembre, Eric Toussaint était invité à Maribor, la deuxième grande ville du pays, comme intervenant lors d’une conférence internationale sur les relations Centre/Périphérie dans l’Union européenne. Il a partagé le premier panel avec Rastko Mochnik. Ensuite il a donné 6 interviews à la télévision slovène et à différents journaux.


Notes :

[1Le syndicat ZSSS est le syndicat qui compte le plus grand nombre d’affiliés en Slovénie. Il a réussi à obliger le gouvernement du conservateur Jansa à renoncer à la « flat tax » extrêmement favorable aux investisseurs privés qui aurait aggravé le report de la charge fiscale sur la majorité de la population. Une manifestation de 30 à 40 000 personnes sonna le glas de ce projet.

Une autre manifestation deux années plus tard, regroupa, à l’initiative du ZSSS l’ensemble des organisations syndicales. L’objectif et le résultat furent de mettre un frein aux tentatives de destruction du système de protection sociale. La manifestation réunit près de 80 000 personnes, ce qui est très significatif de l’impact du mouvement syndical dans un pays de 2 millions d’habitants.

[2Le syndicat SVIZ est le principal syndicat d’enseignants. Construit de toute pièce par son actuel président Branimir Strukelj, ce syndicat, par son dynamisme, a réussi à maintenir un niveau de salaires décent pour les enseignants. Durant l’hiver 2012-2013 une énorme grève des enseignants slovènes tempéra les ardeurs de régression sociale du gouvernement Jansa qui finalement renonça à sa fonction de premier ministre. Cette grève se situait d’ailleurs dans la foulée des manifestations de l’hiver 2012-2013 qui protestaient contre la politique de ce même premier ministre Jansa. Le SVIZ fait partie d’une confédération plus large qui regroupe essentiellement les travailleurs des services publics.

[3Sašo Furlan est co-auteur avec Maja Breznik du chapitre « Où est Slovénie dans la crise mondiale de dette ? » dans le livre collectif publié par la maison d’édition CF, http://www.zalozbacf.si/index.php/javni-dolg-kdo-komu-dolguje.html

[4Franček Drenovec est l’auteur du chapitre « La genèse de la dette publique » dans le livre La dette publique : Qui doit a qui.

[5Luka Mesec (https://sl.wikipedia.org/wiki/Luka_Mesec) est un des six députés élus au parlement slovène dans le cadre de la « Gauche Unie ». L’émergence d’un nouveau courant politique à la gauche de la gauche peut être interprétée comme la conséquence politique des manifestations de l’hiver 2012-2013. Ces manifestations traduisaient la révolte de la jeunesse réduite soit au chômage soit à des emplois précaires. C’est ainsi que la Liste Unie remporta autant de voix que le Parti Socialiste et autant de députés au parlement. Voir : http://www.criticatac.ro/lefteast/historic-victory-united-left-slovenia-6-seats/. Eric Toussaint et Luka Mesec ont déjà eu l’occasion de débattre de la thématique de la dette lors d’un débat organisé en novembre 2014 à Sarajevo en Bosnie (voir : http://cadtm.org/Sarajevo-l-espoir-et-la-rebellion).

Lucien Perpette