Le 3 mai, était organisée à Nîmes une formation sur la pratique de l’audit des collectivités locales en France animée par Patrick Saurin [1]. Vous trouverez le programme de la formation en bas de l’article.
Treize personnes ont participé à cette formation, parmi lesquelles des membres du CAC (comités d’audit citoyen) local, des élus, des syndicalistes et même un camarade venu de Mulhouse.
Après avoir présenté le monde des acteurs public locaux et détaillé le fonctionnement des finances locales et du budget des collectivités à partir de l’exemple concret de la ville de Nîmes – que vous retrouverez dans les diapos jointes à l’article – Patrick Saurin a rappelé les cinq principes fondamentaux qui régissent l’action des collectivités ainsi que les règles qui président au recours à l’emprunt des collectivités. À ce propos, il est revenu sur la financiarisation qui contamine les acteurs publics locaux depuis les années 1980. Il a expliqué les modalités de sortie ou de renégociation d’emprunts et listé les éléments à rassembler pour réaliser un audit local. La problématique des prêts toxiques a été largement décrite et analysée et, à partir de documents concrets issus de l’état de la dette de la ville de Nîmes et de la ville de Dijon, les grandes lignes de l’audit d’une dette locale ont été exposées.
Le fait qu’en France les collectivités soient soumises, par une circulaire, à l’interdiction de spéculer, n’a pas empêché la scandaleuse prolifération des prêts toxiques. De nombreux exemples ont été présentés et détaillés à partir de l’état de la dette de Nîmes et Dijon qui ont permis de mesurer les risques supportés par les collectivités locales, avec derrière elles toute la population (rappelons que les surcoûts occasionnés par ces types d’emprunts représentent pas loin d’un milliard d’euros par an).
S’en est suivie une analyse des responsabilités et une présentation des différents types d’actions en justice qui ont été engagées par les collectivités locales contre ces prêts toxiques. On a pu s’apercevoir du vide juridique dans lequel essaient de s’engouffrer les institutions financières privées, mais également les mouvements sociaux qui essaient de créer du droit ! L’exemple récent de Dijon, où les membres d’un collectif local ont saisi le tribunal administratif pour agir en justice contre les banques à la place du Maire défaillant, a entre autres été cité. Un point a été fait sur l’état des démarches engagées par le collectif nîmois (qui envisage de s’engager dans la procédure d’autorisation de plaider) et la municipalité.
Cet aspect juridique de la lutte n’est qu’une piste parmi un large éventail de possibilités pouvant mener à l’annulation des dettes illégales et illégitimes et à un contrôle citoyen accru sur les finances publiques, sachant que l’audit citoyen de la dette est un outil d’une mobilisation qui s’inscrit dans la durée. La question de la nécessaire socialisation du secteur bancaire a également été abordée et Patrick Saurin a très justement rappelé que la démarche d’audit devait s’étendre à l’ensemble du champ d’action des collectivités. Il a présenté des propositions concrètes susceptibles d’être portées par les élus et les collectifs citoyens en matière de services publics, de logement social, de transition écologique, de fiscalité et enfin de démocratie locale. Et de citer toute une série de portes d’entrées concrètes qui pourraient permettre de tracer des lignes de mobilisations accessibles et atteignables, voire de conduire à des victoires (régies publiques contre délégation de service public ou partenariat public privé pour la gestion de l’eau ou le traitement des déchets, réquisition de logements vacants, transports gratuits et programmes de partenariat avec des AMAP, utiliser les marges de manœuvre qui existent en matière fiscale au profit des ménages les plus modestes, mise en place de budgets participatifs et d’observatoires des engagements, etc.).
Cette rencontre, au-delà de tout le riche apport qu’elle a fourni aux acteurs et actrices présent-e-s, a constitué un exemple inspirant de synthèse entre pragmatisme et radicalité, et une nouvelle occasion de développer et nourrir le réseau des groupes d’audit citoyen présents en Europe [2].
1. Les acteurs locaux et leur budget
2. Réaliser l’audit local de la dette de sa commune
3. Les prêts toxiques
4. Agir en justice contre les prêts toxiques
[1] Patrick Saurin est syndicaliste à Sud-BPCE, membre du CADTM et du Collectif d’audit citoyen (CAC). Il est l’auteur du livre Les prêts toxiques : une affaire d’État. Comment les banques financent les collectivités locales, Demopolis & CADTM, Paris, 2013.