Fondé en Belgique le 15 mars 1990, le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM) a pour but, comme le prévoit l’article 3 de ses statuts, de :
« Favoriser l’émergence d’un monde plus juste dans le respect de la souveraineté des peuples, de la justice sociale, de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Elle réalise son but par les moyens suivants :
L’objectif premier du CADTM et son angle d’attaque est l’annulation de la dette extérieure publique des pays de la Périphérie (Tiers Monde et ex-bloc soviétique), l’abandon des politiques d’ajustement structurel imposées par le trio Fonds monétaire international (FMI), Banque mondiale, Organisation mondiale du Commerce (OMC). Il s’agit de mettre un terme à la spirale infernale de l’endettement et de parvenir à l’établissement de modèles de développement socialement justes et écologiquement durables.
Les PED ont remboursé l’équivalent de 110 fois ce qu’ils devaient en 1970, mais entre-temps leur dette a été multipliée par 50. Cette dette, dont une large part n’a jamais profité aux populations locales, est illégitime. Elle implique des transferts massifs de capitaux du Sud vers les créanciers du Nord (quelque 300 milliards de dollars annuels), les capitalistes du pays prélevant leur commission au passage. Les classes dominantes des pays de la Périphérie (pays en développement et pays en transition de l’ex-bloc soviétique) participent du système capitaliste mondial globalisé et tirent elles-mêmes avantage de l’endettement externe de leur pays. Elles placent dans les pays les plus industrialisés les capitaux quelles ont accumulés grâce à l’exploitation des salariés et des petits producteurs (paysans et artisans) de leur pays. Ensuite, elles empruntent des capitaux aux banques du Nord et sur les marchés financiers des pays les plus industrialisés. Leurs emprunts bénéficient le plus souvent de la garantie de l’État et, en cas de non- remboursement, sont pris en charge par les pouvoirs publics de la Périphérie, ce qui alourdit la dette externe publique.
Or, le remboursement de la dette se fait au détriment des budgets sociaux et entraîne une « recolonisation économique » de la Périphérie par les transnationales et les gouvernements des pays les plus industrialisés.
Depuis l’éclatement de la crise bancaire en 2008, les peuples des pays du Nord ont eux aussi découvert la violence de cette « crise de la dette ». Si les contextes sont différents, le mécanisme est semblable au Nord et au Sud : les États surendettés sont étranglés par des remboursements insoutenables et mis sous contrôle des créanciers.
Les solutions imposées au Sud par les Institutions financières (FMI, Banque mondiale, Club de Paris), au Nord par la Troïka (FMI, Banque centrale européenne, Commission européenne), sont identiques :
plans d’ajustement structurel là-bas, politiques d’austérité ici, privatisations et mesures anti-sociales partout.
Afin que les peuples puissent se libérer de la tutelle des créanciers, le CADTM Belgique préconise l’annulation de toutes les dettes identifiées comme « illégitimes » (celles qui n’ont pas profité à la majorité des populations), illégales, insoutenables ou odieuses au Sud comme au Nord sur base d’arguments d’ordres social, économique, juridique et écologique. La dette publique constitue, en effet, un problème mondial qui affecte les populations du Sud et du Nord.
Sans prétention à l’exhaustivité, on peut avancer les définitions suivantes :
Le CADTM Belgique accorde ainsi une importance particulière aux liens entre dette au Nord et dette au Sud et analyse le « système dette » dans son ensemble. Ainsi, le CADTM Belgique met également en évidence les mécanismes de domination et d’exploitation qui régissent autant les dettes publiques que les dettes individuelles illégitimes, asservissant les peuples en tant que sujet collectif et les individus (paysans victimes des usuriers, familles expulsées injustement ou illégalement de leur logement par les banques…).
Par ces liens, le CADTM Belgique entend favoriser un nouvel esprit de solidarité internationale entre les peuples, remettre en cause les schémas traditionnels Nord/Sud et ainsi favoriser la mobilisation citoyenne pour l’annulation de la dette illégitime tant au Sud qu’au Nord.
Pour le CADTM, l’annulation de toutes les dettes illégitimes n’est cependant pas une fin en soi. Elle est bien davantage un moyen, une condition nécessaire mais non suffisante au développement véritablement durable et socialement juste qu’il s’agit de promouvoir, tant au Sud qu’au Nord de la planète.
C’est pourquoi le CADTM revendique également :
Le CADTM se prononce également pour l’établissement d’une nouvelle architecture économique et financière internationale. Revendication qui implique notamment :
Enfin, le CADTM considère comme partie intégrante de ses objectifs et de ses revendications prioritaires l’émancipation des femmes, la réduction généralisée du temps de travail, la lutte des mouvements de sans-papiers et des collectifs qui les soutiennent, des réformes agraires radicales en vue de parvenir à la souveraineté alimentaire.
UNE STRATÉGIE AU CARREFOUR DES LUTTES :
Depuis sa création, le CADTM est une association pluraliste constituée de personnes morales et de personnes physiques. Une association qui ancre son action au carrefour des luttes des mouvements sociaux populaires, des mouvements d’éducation permanente, des syndicats, des comités de solidarité internationale et des ONG de développement.
Uniquement basé en Belgique au départ, le CADTM s’est transformé depuis la fin des années 1990-début des années 2000 en un réseau international constitué de membres et de comités locaux basés en Europe, en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Il agit en coordination avec d’autres organisations et mouvements luttant dans la même perspective (Jubilé Sud et d’autres campagnes agissant pour l’annulation de la dette et l’abandon des politiques d’ajustement structurel). Son travail principal : l’élaboration d’alternatives radicales visant la satisfaction universelle des besoins, des libertés et des droits humains fondamentaux.
Partie prenante dès le départ du processus du Forum social mondial dans lequel le CADTM s’est pleinement investi y compris par sa participation active à son instance décisionnelle qu’est le conseil international du Forum social mondial, le CADTM s’inscrit pleinement dans le mouvement citoyen international qui lutte pour « d’autres mondes » possibles, ébauchant les traits d’une mondialisation alternative à celle que les promoteurs du modèle capitaliste néolibéral globalisé présentent comme l’horizon indépassable du bonheur des peuples, l’état naturel de la société, la « fin de l’Histoire » tenue de s’imposer à toutes et tous, et en tous lieux.
UNE STRATÉGIE D’ACTION COHÉRENTE :
Le CADTM a dès 2002 élaboré un cercle vertueux pour définir sa stratégie d’action. Ce cercle qui comportait 4 étapes en 2002 a été affiné en 7 étapes en 2007.
Ces 7 étapes s’inscrivent dans une stratégie globale d’éducation et d’offre de services menée à l’égard de publics-cibles spécifiques : afin d’engranger un cercle vertueux menant au renforcement des mouvements citoyens, à leur mobilisation autour du thème spécifique de l’annulation de la dette, l’abandon des politiques d’ajustement structurel et la mise en place de mécanismes de financement du développement humain socialement juste et écologiquement soutenable ce qui passe par la garantie universelle des droits fondamentaux, à la définition de ce thème spécifique comme enjeu politique majeur par l’opinion publique et à la prise en compte de cet enjeu politique majeur par les décideurs politiques (étape 7).