Introduction : Du Sud au Nord de la planète : brève histoire de la crise de la dette et des programmes d’ajustement
Chapitre 1 : Les inégalités dans le monde
Chapitre 2 : Panorama global de la dette au Sud : distribution de la dette externe dans les PED
Chapitre 3 : La Dette au Sud
Chapitre 4 : La Banque mondiale et le FMI
Chapitre 5 : La Dette au Nord
Chapitre 6 : Panorama global de la dette au Nord et au Sud
Conclusion : L’impact du « système dette »
6.1. La croissance incontrôlée de la dette à l’échelle globale
Entre 2007 et 2012, la dette publique des pays étudiés a augmenté de 67 %. Les principales augmentations ont eu lieu dans les pays dits développés. Comme nous l’avons vu, ces augmentations soudaines sont associées à la récession économique et aux coûts des sauvetages bancaires.
Tableau 6.1 – La dette publique dans les pays développés et les pays en développement, en 2007 et en 2012 (en milliards de dollars US) [1]
2007 | 2012 | |
---|---|---|
Dette publique de l’UE 27 | 9 368 | 14 089 |
Dette publique des États-Unis | 8 054 | 15 239 |
Dette publique du Japon | 6 482 | 10 792 |
Dette publique du Royaume-Uni | 1 326 | 2 590 |
Dette extérieure publique des PED | 1 272 | 1 766 |
Contrairement à l’affirmation courante selon laquelle la dette publique serait à l’origine de la crise, du fait d’un excès supposé des dépenses publiques, l’augmentation la plus forte est bien celle de la dette privée. Ainsi, à titre d’exemple, entre les années 2000 à 2008, la dette privée totale (des sociétés non financières, des sociétés financières et des ménages) a augmenté de 175 à 235 % du PIB aux États-Unis et de 268 à 434 % du PIB au Royaume-Uni. Depuis la crise, la dette du secteur privé non financier s’est encore accrue : la Banque des règlements internationaux (BRI) a calculé qu’au niveau mondial, cette dette a augmenté d’environ 30 % [2]. Selon la BRI, dans les pays « avancés », la dette privée du secteur non financier s’élevait en moyenne à 275 % du PIB [3], et à 175 % dans les pays dits « émergents ».
6.2. Comparaison des chiffres de la dette au Nord et au Sud
Une simple comparaison entre les montants de la dette publique des pays développés et des pays en développement révèle que la dette des pays de ce second groupe est largement inférieure à celle des pays du premier groupe. Ceci montre que l’annulation de la dette des pays du tiers-monde est facilement réalisable sur le plan économique et financier. C’est une question politique, en tant que condition nécessaire (bien que non suffisante) pour garantir le respect des droits humains dans ces pays.
Graphique 6.1 – Comparaison des montants de la dette dans les pays développés et les pays en développement (en milliards de dollars US) en 2012 [4]
6.3. Comparaison entre les chiffres de la dette et des autres dépenses
Le tableau ci-dessous montre quelques exemples de budgets selon différents postes au niveau mondial - dépenses effectives et manques à gagner -, alors que les besoins fondamentaux d’une partie de la population ne sont pas satisfaits. On dépense 134 fois plus, par exemple, pour dire à la population ce qu’elle doit acheter (dépenses de publicité) que la somme allouée au Programme alimentaire mondial des Nations Unies pour lutter contre la faim dans le monde.
Tableau 6.3 – Quelques chiffres édifiants (en milliards de dollars US, 2010-2012)
Dépenses annuelles mondiales de publicité (prévues en 2012) | 470 |
Dépenses militaires annuelles au niveau mondial (2011) | 1.740 |
Service de la dette extérieure publique des PED (2011) | 171 |
Coût de l’évasion fiscale pour les PED (2011) | 400 |
Revenus des banques d’affaires, comme Goldman Sachs (2012) | 240 |
Dépenses annuelles mondiales pour l’achat de drogues illégales (2011) | 400 |
Dépenses annuelles mondiales pour nourrir chiens et chats domestiques (2012) | 67 |
Sommes mobilisées par le Programme alimentaire mondial des Nations Unies en 2010 | 3,5 |
Budget total de l’État de RD Congo, 74 millions d’habitants (2012) | 8 |
Bonus versés par Goldman Sachs (2011) | 12 |
Bonus versés à la City de Londres (2011) | 21 |
Rémunérations et bonus versés par les 5 premières banques états-uniennes (2010) | 119 |
On dépense 159 fois plus pour dire à la population ce qu’elle doit acheter que pour lutter contre la faim dans le monde. |
6.4. Les dépôts des riches des PED dans les banques du Nord
Alors que les gouvernements des PED conservent des dettes considérables envers des banques du Nord, les grandes entreprises et les personnes les plus fortunées établies dans ces PED possèdent des comptes dans ces mêmes banques, équivalant à 14 fois la valeur de ces dettes publiques. Cela démontre clairement la nécessité de lutter contre la fuite des capitaux et pour la rétrocession des biens mal acquis aux populations des PED qui en ont été spoliées par les classes dominantes locales.
Tableau 6.4 - Dette publique des pays en développement auprès de banques du Nord et dépôts bancaires dans des banques du Nord émanant d’individus et d’entreprises établis dans les PED (en milliards de dollars US) [5]
[1] Source issues des bases de données suivantes : Eurostat, op.cit. ; Banque mondiale, op.cit.
Les chiffres pour les États-Unis et le Japon se rapportent à la dette du gouvernement central et excluent la dette d’autres niveaux de l’administration, ainsi que celle de la sécurité sociale.
[2] Banque des règlements internationaux (BRI), Rapport annuel 2014, juin 2014, graphique l.1. Disponible sur http://www.bis.org/publ/arpdf/ar2014_fr.pdf
[3] Si l’on y ajoutait la dette privée du secteur financier (banques, assurances...), ce pourcentage serait encore plus élevé.
[4] Source des données : Eurostat, op.cit. ; Banque mondiale, op.cit. Les chiffres pour les États-Unis se rapportent à la dette du gouvernement central et excluent la dette d’autres niveaux de l’administration, ainsi que celle de la sécurité sociale.
[5] Sources issues des bases de données de : Banque des règlements internationaux (BRI), op.cit. ; Banque mondiale, International Debt Statistics, op.cit.
Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.
est un économiste post-keynésien originaire de Bogotá, en Colombie. De mars à juillet 2015, il a travaillé comme assistant de l’ancien ministre des finances grec, Yanis Varoufakis ; il le conseillait en matière de politique budgétaire et de soutenabilité de la dette.
Auparavant, il était conseiller au Ministère des Finances de Colombie. Il a également travaillé à la CNUCED.
C’est une des figures marquantes dans l’étude de la dette publique au niveau international. Il est chercheur à Eurodad.
Permanent au CADTM Belgique