Bien qu’en anglais, la vidéo de l’excellent documentaire qui suit mérite l’attention pour trois raisons :
a) parce que son créateur est Bernie Sanders qui fait aussi le commentaire,
b) parce que son sujet est la vie et l’action d’une des figures les plus emblématiques du socialisme révolutionnaire, du leader légendaire de mouvement ouvrier et socialiste nord-américain, Eugene Debs, et
c) parce qu’elle éclaire la personnalité de son créateur, qui est en train d’inspirer et de mettre en mouvement des millions de citoyens américains en faisant campagne pour disputer –avec des chances de plus en plus croissantes- la nomination du parti Démocrate pour être candidat à la présidence des États-Unis.
Voulant éviter des malentendus inutiles, nous nous empressons de déclarer ce qui suit : Non, Bernie Sanders n’est pas un révolutionnaire, mais un social-démocrate d’autres temps, et certaines de ses thèses n’ont rien de socialiste, point final. En conséquence, il est totalement superflu de… « découvrir l’Amérique » en révélant ce qu’il déclare lui-même, c’est-à-dire qu’il ne prêche pas le renversement mais simplement la reforme du capitalisme.
En réalité, la vraie question est tout autre : oui ou non les gens de gauche de par le monde, et spécialement les plus radicaux d’entre eux, doivent-ils s’intéresser à ce social-démocrate de Bernie Sanders qui réveille politiquement et met en branle d’énormes foules au cœur même du monstre impérialiste, en leur parlant des riches et des pauvres, d’exploitation de travailleurs, de lutte des classes, d’un système politique manipulé par le grand capital, de dette publique illégitime qui doit être audité par les citoyens, de la catastrophe climatique, des guerres impérialistes, d’oppression des minorités nationales et sexuelles, ainsi que de féminisme, de « révolution politique » et de… Eugene Debs ? Et au-delà de tout ça, la vraie question qui compte est la suivante : Oui ou non la gauche radicale et ses militants doivent-ils tenir compte des réalités susmentionnées ? Oui ou non doivent-ils intégrer le « facteur » Sanders et ses conséquences dans leurs perspectives et leurs choix politiques, et surtout, spécialement ici en Grèce, doivent-ils s’empresser d’exploiter les prises de position et les initiatives de Sanders contre les bourreaux du peuple grec ? Malheureusement, la réponse à toutes ces questions qui deviendront –inévitablement- de plus en plus pressantes, est l’indifférence prolongée et le silence assourdissant des interpellés…
De toute façon, indépendamment de l’issue de la campagne de Bernie Sanders, ce qui est sûr est qu’elle va avoir au moins un résultat tout à fait appréciable : elle va nous faire « découvrir » le grand pays que sont les États-Unis, elle nous fera ouvrir la fenêtre qui voit sur l’autre Amérique que nous ignorons, celle des jeunes, des travailleurs, des minorités et de leurs luttes, l’Amérique des grandes traditions ouvrières et socialistes qu’incarne mieux que tout autre le héros de la vidéo que vous allez visionner. Cet Eugene Debs que Bernie Sanders n’a jamais renié et dont le portrait trône toujours au-dessus de son bureau, même à l’intérieur du Sénat Américain.
Bernie Sanders avait déjà 38 ans, en 1979, quand il a écrit et tourné son documentaire sur Eugene Debs. [1] Presque vingt ans plus tard, en 1997, et étant déjà un politicien endurci, Sanders déclarait qu’il n’avait pas changé et qu’il continuait de penser que Debs avait raison quand p.ex. il défendait sans conditions la Révolution d’Octobre et la jeune Union soviétique d’alors ! Évidemment, cela en dit long sur la personnalité de Sanders, sa persistance de présenter -même maintenant, à ses meetings préélectoraux- comme son héros, son mentor et son modèle, ce « traître » d’Eugene Debs, condamné jadis dans son pays à 10 ans d’emprisonnement pour « haute trahison » ! Exactement cet Eugene Debs que Lénine présentait comme « le vrai représentant du prolétariat révolutionnaire »…
[1] Pour le texte du documentaire, écrit par B. Sanders, cliquez :http://media.smithsonianfolkways.org/liner_notes/folkways/FW05571.pdf
Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission.